Algérie

Plongée et chasse sous-marine : Immersion dans le monde du silence



Plongée et chasse sous-marine : Immersion dans le monde du silence
«Je me souviens comme si c'était hier. A notre époque, posséder un matériel de plongée sous marine n'était pas à la portée de toutes les bourses. Gamins de 17 ans, nous ne pouvions nous permettre que d'avoir des masques et des tubas usés pour explorer les fonds marins de la crique de notre quartier», lance Ammi Mohamed du fond d'une crique phénicienne de l'antique Cartenna, qui bat le rappel de tous les mordus de la plongée sous marine. Depuis quelques années, les clubs de plongée sous-marine ont vu le jour, et actuellement ils existent un peu partout, alors que jusqu’aux années 1990, les activités subaquatiques n’étaient réservées qu’aux seuls habitants des villes côtières. Venus de l’Est et de l’Ouest, du Nord ou du Sud, ils sont désormais nombreux à s’inscrire chaque été dans les quelques quarante-deux clubs répartis à travers les sept ligues de wilaya (Annaba, Jijel, Skikda, Bejaia, Alger, Mostaganem et Oran), affiliées à la Fédération algérienne de secourisme de sauvetage et des activités subaquatiques (FASSAS), pour profiter et admirer les fonds marins. «Ce sont des couloirs bordés de gorgones entraînés par les courants marins, traversés par une multitude de petits poissons picorant le corail, des mérous qui surveillent du fond de leurs trous, des courbes planant au dessus d’incertaines épaves mangées par le temps, est un spectacle extraordinaire que seul la mer peut vous procurer. Et, en sus, vous pouvez vivre de ce monde magnifique», s’extasie un chasseur, tout juste rentré d’El Kala, l’antique Tuniza, le «Paradis des chasseurs de corail». «Il y a du poisson, du beau poisson sur nos côtes qui, malheureusement, sont polluées à une vitesse vertigineuse», atteste-t-il, recommandant au passage «une protection du littoral, tel le déversement des eaux usées des villes et, surtout, contre la pêche à la dynamite, qui se pratique impunément dans certaines wilayas du centre et de l’ouest du pays». UNE DISCIPLINE EN VOGUEOriginaire de Djelfa, Karim est passionné du monde marin. Cet été, il aura l’occasion de réaliser son rêve : admirer la faune et la flore aquatiques dans leur habitat naturel. «J’ai toujours rêvé de voir des anémones, des éponges, des cigales, des oursins… On m’a même parlé d’un poisson multicolore qu’on appelle «Demoiselle» et j’ai hâte de pouvoir l’admirer de près. C’est pourquoi, j’ai décidé, cet été, de m’inscrire dans un club de plongée sous-marine. Regardez mes mains, je tremble déjà à l’idée de voir des espèces aquatiques évoluant dans leur milieu naturel», s’enthousiasme-t-il. Karim n’est pas le seul à vouloir réaliser son rêve. Ils sont nombreux les passionnés de la plongée à intégrer, à longueur d’année, les clubs spécialisés. D’ailleurs, un des membres de «Récif», un club de plongée sous-marine à Alger, nous a affirmé que le nombre des adhérents est en constante croissance. «Notre club a enregistré 50 adhérents cette saison. Depuis la création de l’association en 1994, nous avons enregistré une importante hausse d’adhérents au fil des années», explique-t-il. Le secrétaire général de la Fédération algérienne de sauvetage, secourisme, et des activités subaquatiques (FASSAS) Aït Saadi Brahim indique que son institution revendique environs 3500 athlètes, toutes disciplines confondues. «Les clubs sont chargés de la formation. Ils organisent des stages d’une quinzaine de jours, dont la plongée sous-marine lucrative», poursuit-il. Selon le représentant de Récif, « la formation compte 12 à 14 plongées, qui peuvent être réparties sur une période d’un mois (deux séances tous les week-ends) ou une semaine bloquée. Quant aux tarifs, un petit tour chez les différents clubs d’Alger, nous indique qu’ils varient entre 6.500 et 8.500 DA.LA PHOTOGRAPHIE SOUS-MARINE ET LA PLONGÉE AU MÉLANGE, NOUVEAUTÉS DE LA SAISONSelon M. Ait Saadi, cette saison, la FASSAS a introduit dans son plan d’action la photographie sous-marine et la plongée sous-marine au mélange, qui consiste à utiliser un mélange gazeux, le nitrox (un mélange d'air suroxygéné, dont le pourcentage d'oxygène dépasse 21 %). «L'utilisation de ce gaz a pour avantage d'augmenter le temps et la sécurité en plongée. Le plongeur est alors moins saturé en azote et nécessite moins de paliers de décompression que pour une plongée équivalente à l'air», explique un plongeur de la région d’Alger. Seuls inconvénients en Algérie, la majorité des clubs ne proposent que des formations d’exploration des fonds marins, étant donné que la pêche sous-marine nécessite un permis de chasse délivré par les wilayas sur recommandation des services de sécurité et sur présentation d’un dossier. Autre problème, les formations ne sont réservées qu’à une tranche d’âge variant entre 18 à 50 ans, alors que dans les autres pays notamment européens, les enfants de moins de 10 ans ainsi que les personnes de troisième âge peuvent également pratiquer la plongée sous-marine.LEÇON D’HISTOIRELes Algériens se sont intéressés aux fonds marins depuis fort longtemps. A l’époque coloniale, plusieurs plongeurs se sont distingués. Après l’indépendance, grâce à la volonté des pouvoirs publics, soutenus par les ténors de la plongée sous-marine algérienne, une Fédération d’activités subaquatiques a été créée en 1974. Bien avant, c’est les enfants d’Alger, à leur tête Si Mohamed, qui créeront la première ligue de Sauvetage, de Secourisme et des Activités Subaquatiques en 1963. Et depuis, de véritables loups de mer naissent chaque jour en Algérie. Pour preuve lors de la dernière édition du championnat Euro-Afrique de pêche sportive en apnée, organisée en 2009 à Tipaza, l’Algérie s’est classée deuxième grâce à aux talents de Samir Tiblali (le titre de champion Euro-Afrique et la médaille d’or sont revenus à l’expérimenté espagnol Pedro Carbonel), et ce, en dépit des moyens limités dont dispose la fédération. A titre d’exemple, lors de la dernière édition du championnat du monde de pêche sous-marine en apnée, tenue en Croatie, l’Algérie s’est classée dixième (par équipe). «Nous avons des moyens limités pour la préparation des équipes nationales. Lors du championnat du monde, nous avons effectué un stage précompétitif de dix jours, contrairement aux autres formations, qui se sont déplacées en Croatie trois voire quatre mois avant le début de la compétition. En outre, nos athlètes n’avaient pas les mêmes moyens de prospection que les autres équipes». Effectivement, à l’ère du GPS et de la photographie par satellite, les Algériens se contentent de simples plongées de prospections. Cependant, les pros de la plongée sont bien décidés à redorer leur blason, en misant sur un plan d’action visant les générations futures. Ainsi, la FASSAS a mis en place un programme de formation des équipes nationales à Oran, Skikda et Annaba, elle compte organiser la prochaine édition du championnat Euro-Afrique, prévu en 2012, en plus des participations à des rendez-vous mondiaux pour redonner à la plongée sous-marine ses lettres de noblesse.LA PÊCHE SOUS-MARINE, «L’OPIUM» DES PROSPlus qu’une activité sportive, la chasse sous marine, en apnée, la seule autorisée avec un permis, est pour des centaines d’Algériens un job à plein temps, à longueur d’année. Pour ces férus de l’apnée, devenus accrocs des profondeurs, natifs de Bab El Oued, la chasse est devenue vraiment «une raison de vivre», estime Hamid qui pratique cette activité «de temps en temps, de peur de devenir accroc». Pour autant, le matériel de chasse sous-marine n’est pas donné : un masque de plongée est vendu entre 3.500 et 5.000 dinars, le tuba est généralement offert par le revendeur, des palmes «pro» entre 5.000 et 8.000 dinars, une tenue de plongée entre 15.000 et 25.000 dinars, et les fusils harpons qui se négocient de 10.000 dinars à 20.000 dinars. «Un chasseur ne sort jamais en mer sans au moins trois fusils harpons, dont un avec moulinet, un pour la chasse à l’agachon et un troisième, puissant, pour les grottes et les dalles d’accès difficile», affirme un chasseur. «Le matériel est cher, mais on s’y adapte», laisse tomber de son côté Mahdi, selon lequel une bonne plongée à moins 15 mètres de profondeur te procure des sensations sans pareil. Ammi Mohamed se lève droit sur le rocher, il plonge son regard dans l’eau cristalline, qui ondule calmement à ses pieds : là, au fond, il y a tellement de vies ; et de sensation, un monde pittoresque, à portée de main. Une plongée dans le bonheur.


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