Algérie

Plongée dans les cellules des condamnés



Pour son troisième ouvrage, le journaliste Zine-El-Abidine Bouacha s'attaque à un sujet inédit dans l'histoire algérienne : raconter les durs moments qu'un détenu condamné à mort vit dans l'attente d'un coup de guillotine ou d'une rafale de balles qui mettra fin à sa vie.Dans Couloir de la mort, la prison de Sarkadji, Zine El-Abidine Bouacha "retourne" dans le tristement célèbre couloir de la mort du célèbre pénitencier algérois. Pour décrire ce lieu sinistre, le journaliste a accompagné d'anciens condamnés à mort durant la guerre de libération. Les Abdelkader Guerroudj, Yacef Saâdi, Djamila Boupacha et d'autres héros inconnus de la guerre d'indépendance, sont retournés dans leurs cellules, qu'ils occupaient dans les années 1950. Ils racontent, avec force-détails, les moments passés dans ce couloir à attendre la mort.
Condamnés pour leurs activités militantes au sein du FLN ou de l'ALN, ces anciens maquisards se rappellent dans le menu détail des souffrances vécues dans ces lieux, des chants entonnés dès qu'un des leurs est conduit devant le peloton d'exécution, mais les larmes coulent dès qu'on se souvient d'un compagnon mort sous la torture ou tout simplement exécuté. Ainsi, l'auteur, qui a exploité des dizaines d'heures d'enregistrements pour un documentaire préparé pour la télévision publique où il fut directeur de l'Information, revient sur l'histoire du militant communiste Fernand Yveton, seul militant d'origine européenne exécuté à Sarkadji.
Il relate également l'histoire d'Ahmed Zabana, premier chahid guillotiné à Sarkadji. S'il recueille les mémoires de certains moudjahidine encore en vie, dont les témoignages sont accompagnés de photos à l'intérieur de la prison, le livre de Zine El-Abidine Bouacha, qui sera présent au Salon international du livre d'Alger (Sila) dans le stand des éditions Anep, est aussi un creuset pour les historiens. Les témoignages d'acteurs de la bataille d'Alger, à l'instar de Yacef Saâdi, remettent aussi en scène des évènements historiques qui sont toujours entourés de zones d'ombre.
C'est le cas de l'assassinat des 4 militants de la Casbah (Ali la Pointe, Hassiba Benbouali, Mahmoud Bouhamidi et le petit Omar Yacef), en octobre 1957, durant la bataille d'Alger. Des interrogations entourent, également, les conditions d'arrestation du grand dirigeant, Larbi Ben M'hidi. L'auteur n'apporte pas de réponses. Mais il pose des questions et interroge des auteurs. La prison de Sarkadji, aujourd'hui fermée pour être transformée en musée, fut triste. Mais elle a aussi donné des légendes à la Révolution algérienne.
Un fait illustré par le témoignage, émouvant, mais glorifiant de Djamila Boupacha, une des "Trois Djamila" avec Djamila Bouhired et Djamila Bouaza, qui sont devenues les icônes de la Révolution algérienne. Cette belle épopée est arrivée jusqu'à la plume du célèbre peintre espagnol Pablo Picasso qui a peint un joli portrait de Djamila Boupacha. Des faits d'armes qui ont dû conforter notre héroïne mais qui ont suscité chez elle des émotions dès qu'on lui rappelle ses compagnons d'armes décédés.
Belle épopée fut également cette évasion racontée dans le dernier chapitre de l'ouvrage où certains des acteurs se souviennent des sentiers traversés pour retrouver leur liberté et aller terminer la quête de la liberté de leur pays. Le couloir de la mort, la prison de Sarkadji , écrit dans un style littéraire impeccable, est une invitation à réviser l'Histoire de notre pays à travers les mémoires et des lieux qui resteront à jamais gravés dans la mémoire des Algériens.

Ali Boukhlef
Zine-El Abidine Bouacha, Couloir de la mort, la prison de Sarkadji,
227 pages. Editions Anep, Alger 2019.


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