Algérie

plongée dans le système de propagande de Ben Ali


plongée dans le système de propagande de Ben Ali
Annoncé en grande pompe par la chaîne de télévision Al Moutawasset, proche des islamistes d'Ennahdha, prévu pour faire l'objet d'une conférence de presse mercredi 4 décembre à la présidence de la République (avant qu'elle ne soit annulée), le livre noir de Marzouki, intituléLe système de propagande sous Ben Ali, n'a finalement pas été distribué officiellement.TunisDe notre correspondantLe fameux livre noir de Marzouki, tiré des archives de l'Agence tunisienne de communication extérieure (ATCE), résume une partie importante des pratiques dans le secteur de l'information sous Ben Ali. En effet, la gestion par l'ATCE des fonds de la publicité publique, traduit la politique officielle de corruption dans la mesure où les médias pro-régime sont avantagés alors que les autres organes de presse n'obtiennent rien de cette manne publicitaire. Par ailleurs, des centaines journalistes ont été sucrés des décennies durant pour embellir l'image du régime de Zine El Abidine Ben Ali.Les faits sont certes connus, du moment que lesdites contributions sont publiées. Aucune véritable surprise n'a été enregistrée concernant les noms, sauf peut-être des confirmations de doutes concernant certaines personnes, dont les productions médiatiques ont fait des clivages suspects. Le livre de Marzouki constitue néanmoins un document important, du moment qu'il réunit des faits d'une étape sombre de l'histoire de la Tunisie, d'autant plus que la majorité des supports médiatiques cités dans ledit livre noir n'a pas fait son autocritique. Ce livre est, dans ce sens, un rappel signifiant que la Tunisie n'a pas oublié et qu'il est important de veiller pour que cette amère vérité ne revienne pas sous d'autres formes.Le pavé dans la mareLes 354 pages du livre Le système de propagande sous Ben Ali ont servi à présenter 13 dossiers en rapport avec la corruption dans le système d'information sous le régime déchu. Lesquels dossiers tournent essentiellement autour de l'ATCE et divulguent son rôle connu et occulte dans la spoliation des médias pour embellir l'image de l'ancien régime. Vu l'importance de son rôle, l'ATCE a donc fait l'objet du premier dossier. Plusieurs thèmes ont été abordés : domaines d'intervention, liste et tâches des collaborateurs, budget de l'agence, agissements à l'étranger, aspects de la corruption, soutien aux livres de propagande sous Ben Ali, ainsi que les sessions de formation organisées pour préparer certains personnages afin de mieux jouer leur rôle de communication.Cette partie confirme que le conseiller d'information à la présidence de la République, Abdelwahab Abdallah, détenait toutes les clés du secteur de l'information. Cette mission est confiée à Abdelaziz Ben Dhia durant la période où Abdelwahab Abdallah a occupé le poste de ministre des Affaires étrangères. Les hommes du palais de Carthage avaient des relais au niveau du ministère de l'Intérieur (départements de l'information et de la presse, département politique), ainsi qu'à l'ATCE. Chacun de ces relais a des ramifications dans tous les ministères et toutes les régions. Toute la République était sous un contrôle rigoureux. Le livre présente ainsi les détails d'une vérité connue par les initiés. Les grandes lignes de la politique de communication sont tracées par une cellule d'experts peu connus du public. Mais, rien n'est laissé au hasard pour améliorer l'image du pouvoir et de Ben Ali en Tunisie et à l'étranger et discréditer l'opposition.Des sous à gogoLe deuxième dossier concerne la gestion, par l'ATCE, du dossier de répartition de la manne publicitaire publique entre les supports médiatiques. Ainsi, pour l'année 2010, les journaux proches du pouvoir ont été les mieux servis. La Presse (gouvernemental), Horria (parti au pouvoir), Renouveau (parti au pouvoir), Assabah (gendre du président), Le Temps (gendre du président) ont obtenu chacun des insertions publicitaires d'une valeur de 676 000 DT (340 000 euros).Il est utile de souligner que les journaux de l'ex-parti au pouvoir (RCD), Horria et Renouveau, ne se vendaient qu'à travers des abonnements obligatoires dans les établissements publics. Parmi les autres journaux, la répartition n'était pas équitable. Ainsi, si Attariq Jadid (parti d'opposition Ettajdid ? aujourd'hui Al Massar) a reçu la maigre somme de 32 000 DT (16 000 euros), Al Mawkif (organe du Parti démocratique progressiste ? aujourd'hui Al Joumhouri) n'a jamais reçu d'insertions publicitaires pour le «punir» de la rigidité de ses positions politiques.Ces contributions ne se limitent pas à l'échelle locale. Plusieurs médias étrangers ont reçu des sucreries du régime de Ben Ali. En 2009, le livre noir a cité le groupe Arabies (400 000 euros pour des interviews avec Leila Ben Ali), Afrique Magazine (236 000 euros), Afrique Asie (240 000 euros), Jeune Afrique (335 000 euros), Dar Sayad (110 000 dollars), Dar Al Hawadeth (400 000 dollars), etc. Au niveau des télés, les sommes deviennent plus importantes. Ainsi Arabia a reçu un million de dollars, ANB, 600 000 dollars, ANN ,300 000 dollars, Al Moustakilla de Hachemi Hamedi 300 000 dollars. Pourtant, Hamedi prétend aujourd'hui qu'il était opposant sous Ben Ali. Au total, les télés étrangères ont reçu 2,525 millions de dollars, les revues étrangères 3,745 millions de dollars, alors que les radios ont eu des recettes de l'ordre de 83 000 dollars.Peau dureLe troisième dossier du livre noir a porté sur la liste des médias qui soutiennent le régime et des journalistes qui ont véhiculé leurs messages. Les autres dossiers ont parlé des préparatifs et de la répartition des rôles lors des campagnes électorales (4e), des médias officiels comme la TAP, TV7 et les radios publiques (5e), des médias privés comme Hannibal TV, Nessma TV, Mosaïque Fm ou Shems Fm (6e), du paysage médiatique avant le 14 janvier 2011 (7e), des défaillances dans la loi sur la presse et les médias en général (8e), l'UGTT et les organisations syndicales (9e), la Ligue tunisienne des droits de l'homme (10e), les moyens de réponse contre les critiques d'Al Jazeera, des Marocains et des Saoudiens (11e), le Rassemblement constitutionnel démocratique dans les médias (12e) et l'opposition dans les médias (13e).Il est important de souligner que beaucoup de noms ont ? «la peau dure» et qu'ils continuent à sévir dans le secteur malgré leur implication évidente avec le système de Ben Ali. Le livre noir a cité 90 noms dans le 3e dossier et il est utile de revenir sur les plus en vue. Ainsi, l'homme de média, Borhane Bsaies, défenseur acharné de Ben Ali sur Al Jazeera jusqu'au 12 janvier 2011, est revenu avec un poste de directeur de communication sur Nessma TV.Ce n'est pas tout. Le journaliste d'Al Chourouk, Sofiane Lassoued, prête-nom à plusieurs articles calomniateurs des leaders de l'opposition (Néjib Chebbi, Maya Jeribi, Hamma Hammami, Radhia Nasraoui, Moncef Marzouki, etc.) est aujourd'hui l'un des éditorialistes de ce même Al Chourouk, premier tirage en langue arabe. Noureddine Boutar est toujours au poste de président-directeur général de Radio Mosaïque. Salah Hajja, Hédi Mechri, Taïeb Zahhar et Moncef Ben Mrad sont toujours les patrons du quotidien Assarih, des magazines L'économiste et Réalités et de l'hebdomadaire Akhbar Jamhouria. Au niveau des télés, le livre noir a confirmé que les télés privées Hannibal TV ou Nessma TV faisaient partie du paysage médiatique inféodé à l'ancien régime.Les autres dossiers ont montré que toute la structure d'information sert un seul objectif, celui d'embellir l'image de Zine El Abidine Ben Ali et de son pouvoir. Tout ce qui va à l'encontre de cet objectif est éliminé. Il est toutefois utile de remarquer que le dernier épisode, consacré à l'opposition, a été dominé par les 13 pages sur Moncef Marzouki, alors que des opposants, non moins illustres que lui, n'ont pas bénéficié de la moindre page. Il suffit de citer Hamma Hammami ou Ahmed Néjib Chebbi. Malgré toutes les critiques qu'on peut lui adresser, le livre noir a rappelé aux Tunisiens, notamment ceux du secteur de l'information, que le paysage médiatique n'a pas encore fait son autocritique et qu'il est bien opportun d'y penser.


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