Algérie

Plantes aromatiques et médicinales (PAM): Un marché à grands revenus encore à la traîne en Algérie



Plantes aromatiques et médicinales (PAM): Un marché à grands revenus encore à la traîne en Algérie
Les voisins maghrébins sont déjà passés à l’échelle de l’exportation de certains extraits de plantes aromatiques et médicinales vers l’Europe.

Le pôle Pass (plantes, arômes, senteurs, saveurs), organisme français spécialisé dans la valorisation des plantes aromatiques et médicinales (PAM) réalise quelque quatre milliards d’euros de revenus par an. C’est un marché à enjeux socio-économiques énormes au vu des potentialités phytogénétiques encore en friche dans un pays très riche en écosystèmes diversifiés comme l’Algérie. Si le Maroc a déjà installé son réseau des PAM, idem pour la Tunisie, notamment en nouant des partenariats gagnant/gagnant à l’échelle méditerranéenne, l’Algérie, elle, n’a même pas encore de statistiques fiables à l’échelle nationale de l’inventaire de son capital de biodiversité phytogénétique.

«Nos voisins maghrébins sont déjà passés à l’échelle de l’exportation de certains extraits de plantes aromatiques et médicinales vers l’Europe. Ils ont déjà leur réseau dans le domaine des PAM, une véritable structure qui cadre toute stratégie nationale en matière de promotion des ressources phytogénétiques à l’échelle industrielle», nous a affirmé un biochimiste, lors des premières journées techniques sur les PAM, sponsorisées par les laboratoire Vénus et Cevital et organisées à l’unité de développement des équipements solaires de Bou Ismaïl, les 21 et 22 mars, par le Centre de recherche scientifique et technique en analyse physico-chimique (CRAPC), l’université de Blida, l’International Innovation on Médicinal and Pronostic Plants, le pôle Pass de l’université de Nice Sophia Antipolis (France) et la Direction générale de la recherche scientifique et du développement technologique (DGRS).

Il n’est plus à démontrer que la richesse et la diversité des espaces biogéographiques en Algérie constituent, selon plusieurs intervenants, un socle de valorisation très important pour la création d’emplois et la promotion des économies rurales, en ciblant les marchés dynamiques du cosmétique naturel, de l’agro-alimentaire bio et des applications pharmaceutiques, telles que l’aromathérapie. L’éco-extraction des huiles végétales et ses applications dans le domaine de la cosmétologie, de la médecine, de l’agro-alimentaire ainsi que la fabrication des arômes à partir de substrats naturels, qui constituent de plus en plus en Europe, dira Florence Luccuïni, représentante du pôle Pass, la nouvelle mouvance vers ce qu’on l’appelle les menus bio respectueux de l’environnement.

«Dorénavant, la fonction recherche et développement, dans le domaine de la valorisation des PAM, ne sera plus figée à l’échelle du labo, mais sera dans sa majorité une activité destinataire des acteurs socio-économiques, et ce, afin de tirer le maximum de l’immense actif environnemental encore en friche et booster ainsi l’économie rurale et la sédentarisation des villageois», a lancé Hafid Aourag, directeur de la DGRST. Dans le même sillage, le premier responsable de cette direction a fait savoir qu’il y a déjà eu la mise en forme de deux plateformes technologiques pour le développement des PAM en Algérie.

A quand une banque nationale de données PAM?

Les débats ont longuement porté sur la nécessité de travailler en concertation avec tous les acteurs afin de constituer une base de données à l’échelle nationale où convergeraient toutes les statistiques. «Tous les laboratoires de recherche ainsi que les universités continuent de travailler de manière individuelle. Nous n’avons pas de statistiques homogénéisées et unifiées à l’échelle nationale. Le marché algérien des PAM n’est pas encore segmenté. Cela veut dire que toute tentative d’estimation du passif national de biodiversité exploitable, à l’échelle industrielle, s’avère non représentative de la réalité et des potentialités disponibles», a expliqué une enseignante-chercheur venue de Annaba.

Le passif des compétences, dans le domaine des PAM ainsi que les quelques industriels qui activent dans ce créneau n’est pas encore cartographié. Sur le plan documentaire, une masse colossale d’informations phytogénétiques collectée et structurée dans le cadre des études universitaires n’est pas encore valorisée dans le cadre d’une stratégie industrielle et continue toujours de croupir dans les tiroirs poussiéreux. «Pourquoi ne pas exploiter ce qui a déjà fait l’objet de recherches universitaires, comme c’est le cas du deuxième rapport national sur les ressources phytogénétiques en Algérie réalisé en 2007, cela va nous faire gagner l’argent du contribuable et du temps dans la mise en œuvre du réseau PAM algérien», a lancé une chercheur de l’INRAA à l’adresse des organisateurs des journées techniques.

Les PAM, un marché de quatre milliards d’euros!

Le directeur du CRAPC, le Pr Meklati, a toutefois fixé le mois de mai comme date butoir à échéance à laquelle toutes les compétences algériennes dans le domaine des PAM ainsi que l’infrastructure industrielle y afférente devraient êtres inventoriées. «Le pôle Pass des PAM en France réalise quelque quatre milliards d’euros de revenus par an. C’est un marché à enjeux socio-économiques énormes en Algérie au vu de l’immensité de nos espaces biogéographiques et des potentialités phytogénétiques dont nous disposons», a martelé, lors des débats, le premier responsable du CRAPC. «Nous avons lancé plusieurs études spatio-temporelles sur la répartition des espèces spontanées dans les zones arides et semi-arides. Les résultats enregistrés sur plusieurs années et pour la plupart des espèces ont fait ressortir que la majorité des plantes, du fait qu’elles soient soumises aux effets abiotiques très rudes, ont pu développer des mécanismes de défense et d’adaptation qu’on peut très bien exploiter sur le plan médicinal», a expliqué une chercheur du sud algérien.

Des questions soulevées par des universitaires et des représentants de laboratoires de recherche sont restées également sans réponse, à l’exemple de celle liée à l’utilité de fixer, comme priorité, l’exploration de nouvelles plantes endémiques exploitables à l’échelle industrielle, alors que, par exemple, l’écorce de la figue de barbarie ou le romarin, disponibles en très grandes quantités, restent inexploitables à l’échelle industrielle et à l’heure actuelle. «La Tunisie exporte déjà vers l’Europe l’extrait de cactus», dira un intervenant et d’ajouter: «Pourquoi l’Algérie n’emprunte-t-elle pas ce chemin, alors que ces ressources existent chez nous en quantités autrement plus importantes qu’ailleurs? Plusieurs essences végétales étaient exportées de la Mitidja vers la France, entre autres du jasmin sous forme d’enfleurage, du géranium, de la menthe…».

La politique de la révolution agraire a été, dans ce sens, longtemps mise à l’index en supprimant plusieurs spéculations à l’exemple de la mise en écart des priorités de tout ce qui relève des PAM, alors que l’infrastructure de transformation existait déjà. L’Algérie saura-t-elle, à l’image de ses voisins immédiats le Maroc et la Tunisie, tirer profit des ses innombrables écosystèmes qui s’étalent du nord au sud sur plus de 2000 km de parcours et avec un très large éventail de ressources phytogénétiques prêtes à l’emploi. La question semble rester «éternellement» posée.

Mohamed Abdelli


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