Un oiseau vient d'établir un nouveau record de vol entre l'Alaska et la Nouvelle-Zélande. Selon des scientifiques, le spécimen - une barge rousse mâle - a parcouru plus de 12.000 kilomètres en onze jours sans s'interrompre.
Les oiseaux sont des champions en matière de vol. Mais certaines espèces affichent des capacités plus exceptionnelles que les autres. C'est le cas de la barge rousse (Limosa lapponica). Cette espèce limicole est reconnaissable à son long bec pointu et son plumage d'été, tacheté au niveau supérieur et rouge-brique au niveau inférieur.
L'oiseau est connu pour nicher dans les régions arctiques de l'hémisphère Nord. Mais il n'y reste pas toute l'année. Une fois la saison de reproduction passée, il migre vers d'autres contrées dans l'hémisphère Sud où il passera l'hiver. Un voyage qui pousse l'espèce à parcourir de très longues distances.
Un spécimen vient d'en livrer une démonstration spectaculaire: il a parcouru plus de 12.000 kilomètres au cours d'un vol ininterrompu de onze jours. C'est le Global Flyway Network, un consortium de scientifiques étudiant les migrations de longue distance, qui a suivi son voyage et mis au jour le nouveau record.
- Le record de la plus longue migration ininterrompue
Car il s'agit bien d'un record, celui de la plus longue migration ininterrompue pour un oiseau. Le précédent remontait à 2007 et avait déjà été établi par une barge rousse qui avait parcouru 11.680 kilomètres sans s'arrêter. A titre de comparaison, c'est un autre oiseau, la sterne arctique (Sterna paradisaea) qui détient le record de la plus longue migration connue.
Selon une étude parue en 2009, cette espèce peut parcourir jusqu'à 80.000 kilomètres par an. Mais le voyage ne se fait pas d'une traite, il est généralement interrompu par de nombreux arrêts. La barge rousse elle, préfère profiter de son corps léger et de son envergure de 70 à 80 cm, pour réaliser sa migration sans s'arrêter.
Selon le Global Flyway Network, le nouveau détenteur du record est un mâle nommé 4BBRW en référence aux couleurs des anneaux qu'il porte à ses pattes. Il est équipé d'un petit dispositif qui a permis de le suivre à la trace tout au long du trajet qu'il a réalisé le mois dernier.
- Un vol de 12.854 kilomètres en onze jours
L'oiseau a décollé le 16 septembre au sud-ouest de l'Alaska et a atterri dans une baie à proximité d'Auckland en Nouvelle-Zélande onze jours plus tard. A son compteur: 12.854 km à travers le Pacifique. D'après The Guardian, les scientifiques pensent qu'une fois les erreurs de calcul prises en compte, le trajet avoisinera plutôt les 12.200 km.
Ils suggèrent également que l'oiseau aurait pu arriver plus tôt mais des vents violents auraient compliqué son trajet en le repoussant vers l'Australie. La performance reste toutefois de taille, dépassant la précédente de plusieurs centaines de kilomètres. Le spécimen aurait par moment atteint une vitesse de 90 kilomètres par heure.
Ce mâle n'est toutefois pas la seule barge rousse à avoir été suivie. Un total de vingt oiseaux ont été capturés et tagués par le Pūkorokoro Miranda Shorebird Centre au sud-est d'Auckland à l'automne 2019. Plusieurs d'entre eux ont ainsi été suivis réalisant des trajets de milliers de kilomètres entre les hémisphères Nord et Sud.
"Ils semblent avoir certaines capacités pour savoir où ils se trouvent sur la planète. Nous ne pouvons pas vraiment l'expliquer mais ils semblent avoir une carte embarquée", a expliqué à The Guardian, le Dr. Jesse Conklin, chercheur à l'université de Groningue aux Pays-Bas qui participe au Global Flyway Network.
Mais les oiseaux pourraient aussi se fier aux reliefs qu'ils rencontrent sur leur passage. "Ils survolent l'océan pendant des jours et des jours au milieu du Pacifique; il n'y a aucune terre. Puis ils arrivent en Nouvelle-Calédonie et en Papouasie-Nouvelle-Guinée où il y a quelques îles", a poursuivi le spécialiste.
"C'est peut-être de l'anthropomorphisme, mais on dirait vraiment qu'ils commencent à repérer des terres et qu'ils se disent" Oh, il faut que je commence à virer sinon je vais rater la Nouvelle-Zélande''", a-t-il avancé.
- Des oiseaux taillés pour le vol longue distance
Si son mode de navigation demeure flou, L. lapponica a trouvé la parade pour arborer un corps parfait pour le vol. "Ils sont conçus comme un avion de chasse. Des ailes longues et pointues et une apparence très lisse qui leur donnent un grand potentiel aérodynamique", a précisé le Dr. Conklin.
Plus étonnant, des recherches ont montré que les barges rousses ont la capacité de réduire certains de leurs organes jugés inutiles durant leur longue migration, tels que l'estomac ou le foie, afin d'alléger la charge. Ceci leur permettrait de compenser le surpoids gagner à se nourrir de mollusques, de crustacés et de vers durant l'été.
Les oiseaux ont également la particularité de dépenser très peu d'énergie comparé à d'autres migrateurs. A peine 0,41% de leur masse corporelle durant chaque heure de vol, d'après une étude parue en 2010, contre des estimations entre 0,6 et 1,5% pour les passereaux et les limicoles.
- Retour prévu en mars 2021
Les oiseaux devraient rester en Nouvelle-Zélande jusqu'à mars prochain. Ils reprendront alors la route pour rejoindre l'Asie et la mer Jaune, à l'ouest de la Corée, où ils s'arrêteront durant un mois pour se nourrir. Ils s'envoleront ensuite vers l'Alaska pour la saison de reproduction.
Les scientifiques du Global Flyway Network pensent que cette route migratoire à travers le Pacifique joue un rôle de "corridor écologique". En clair, elle permettrait aux oiseaux migrateurs de rallier leurs différents habitats en facilitant leur voyage grâce aux vents notamment et en les protégeant des prédateurs.
"Il existe d'autres oiseaux qui réalisent des vols d'échelle similaire, autour de 10.000 km, mais il n'y pas beaucoup d'endroits dans le monde où cela s'avère nécessaire", a relevé le Dr. Conklin. "Donc (la barge rousse) n'est pas nécessairement le seul oiseau capable de le faire - mais c'est le seul oiseau qui a besoin de le faire".
Avec une population en déclin, l'espèce Limosa lapponica est aujourd'hui classée "quasi menacée" par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Elle est menacée entre autres par le développement urbain et industriel, l'expansion de l'agriculture et l'aquaculture ou encore la pollution.
Photo: Une barge rousse (Limosa lapponica) en plein vol. © Mike Powles/Getty Images
Par Emeline Férard
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Posté Le : 20/10/2020
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Par Emeline Férard - Publié le 19/10/2020
Source : https://www.geo.fr/