Algérie

Planète - Trouver de l'eau et qu'elle soit propre: fardeau quotidien des Haïtiens



Planète - Trouver de l'eau et qu'elle soit propre: fardeau quotidien des Haïtiens




Sous le soleil de plomb d'Haïti, Malinka Dorléus gravit péniblement la colline, un seau de 20 litres d'eau posé sur la tête: répéter ces allers et retours à la source est le fardeau quotidien des habitants de Godet.

Ce hameau surplombe les résidences luxueuses de la bourgeoisie haïtienne mais, dans leurs habitations précaires, aucun des villageois de Godet n'a un accès direct à l'eau.

«Le matin, je monte deux seaux qu'on utilise pour préparer à manger et qu'on garde aussi pour boire», raconte Malinka à bout de souffle.

«L'après-midi, je redescends encore une ou deux fois», explique l'adolescente de 15 ans qui vit avec sa mère et ses trois frères et soeurs.

Née à Godet, Catheline Métélus répète ce même trajet depuis des années.

«Il faut plus d'une heure pour monter et descendre. Parfois je suis trop fatiguée pour y aller, mais je n'ai pas le choix», témoigne la femme de 27 ans.

Et Catheline, qui ne parvient à gagner que quelques dollars par semaine de la vente des poireaux de son jardin, s'inquiète des dangers de cette eau sur la santé de ses trois enfants.

«Le médecin nous dit de toujours faire bouillir l'eau pour tuer les microbes mais ça demande du charbon et ça coûte cher. Le chlore aussi coûte cher donc souvent on la boit juste comme ça», se désole-t-elle.

Ce précaire accès à l'eau ne fait qu'accentuer la pauvreté des habitants de Godet qui ne peuvent lutter contre ce cercle vicieux.

- Isolement -

«L'eau donne des diarrhées aux enfants, donc on doit se presser à l'hôpital en prenant un taxi-moto, mais ça nous coûte de l'argent qu'on aurait pu utiliser pour améliorer notre vie», témoigne Jésula Saint-Hilaire.

Un quinzaine de kilomètres seulement sépare Godet de la capitale Port-au-Prince, mais l'absence de route digne de ce nom condamne le village à l'enclavement, un isolement qui devient souvent total lors des intempéries saisonnières.

«Quand il pleut, on est complètement paralysés car c'est trop dangereux de descendre à la source,» explique Catheline.

«Certains ont fait des très mauvaises chutes sur le sentier. On boit l'eau de la pluie mais la stocker chez nous, ça amène les moustiques.»

Ces conditions de vie sont le sort quotidien de près de la moitié des Haïtiens: 42% des habitants du pays n'ont toujours pas un accès sûr à l'eau potable, selon l'ONU.

«C'est un constat plus qu'inquiétant. Et le plus inquiétant, c'est la proportion de la population qui n'a pas accès à l'assainissement, ce qui cause des maladies hydriques», provoquées par l'ingestion ou le contact avec des eaux insalubres, affirme le coordonnateur des affaires humanitaires de la mission de l'ONU en Haïti, Mourad Wahba.

«Je sais qu'on pense tout de suite au choléra mais il y a aussi les diarrhées classiques qui sont tout aussi dangereuses dans un milieu où ces maladies ne sont pas traitées», rappelle-t-il.

Car 72% des habitants d'Haïti n'ont pas de toilettes à domicile: dans le hameau de Godet, ces installations de base se comptent sur les doigts de la main.

«Creuser des toilettes, ça exige d'avoir de l'argent pour payer les travaux», explique Catheline Métélus.

«Il y a une dame ici qui en a, ils sont bien construits», dit-elle en pointant une petite maison en béton à une centaine de mètres, «mais ces toilettes ne sont pas toujours ouverts, donc on est obligés de faire nos besoins dans la colline».

Si les habitants du village ont conscience qu'ils polluent leur unique source en faisant leurs besoins en pleine nature, ils ignorent, par manque d'éducation, les effets néfastes des produits chimiques sur l'eau.

Les femmes qui se rendent collectivement à la source pour laver leurs vêtements, rejettent ainsi la lessive dans le ruisseau.

«C'est fait à partir de fleurs, c'est naturel», se défend Marie-Juna, 30 ans, en montrant l'étiquette sur sa bouteille d'adoucissant.

Et d'un geste, elle verse finalement le liquide bleu à l'endroit même où elle vient, chaque matin, prendre l'eau qu'elle boit et donne à boire à ses enfants.


Photo: Donel (g), 13 ans, remplit d'eau de source des seaux, pour irriger ses plantations à Godet, dans la région de Port-au-Prince, en Haitï, le 30 mars 2016 - HECTOR RETAMAL AFP

© 2016 AFP



Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)