Algérie

Planète - Sécheresses et émeutes, le sombre avenir des pays méditerranéens



Planète - Sécheresses et émeutes, le sombre avenir des pays méditerranéens

Plus de 100 scientifiques ont élaboré six scénarios sur les régions riveraines de la Méditerranée en 2050. Si rien n’est fait, le réchauffement climatique pourrait les rendre inhabitables.

Une région plus chaude, plus peuplée, avec une eau qui se raréfie. L’avenir du bassin méditerranéen s’annonce bien sombre, selon un rapport du Plan bleu, publié le 16 janvier. Le document, extrêmement complet, livre six scénarios, trois inquiétants et trois souhaitables, sur les évolutions possibles dans la région d’ici 2050.

L’étude conclut que «sauf bifurcations majeures», la Méditerranée connaîtra d’ici à 2050 une «transformation majeure de [son] écosystème marin» et une «dégradation générale» de ses conditions d’habitabilité. Au-delà des tendances lourdes, les auteurs de l’étude considèrent que «les risques d’effondrement locaux ne sont pas à exclure et la priorité est de s’y préparer à travers des politiques d’adaptation».

Depuis 1977, l’organisme mandaté par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUD) est chargé d’étudier cette zone et de sensibiliser les décideurs aux questions d’environnement et de développement durable. Ce troisième rapport, qui a mobilisé plus d’une centaine d’experts issus d’une vingtaine de pays pendant quatre ans, adopte une approche prospective. Il prend en compte les pressions sur l’environnement liées aux activités économiques et la démographie, ainsi que d’autres critères comme les tensions sociales et politiques.

- Hausse de 2,3° C dès 2050

Il faut agir vite, tant le bassin méditerranéen est déjà très vulnérable. La Méditerranée est, après l’Arctique, la région qui se réchauffe le plus vite au monde. «La hausse des températures dans la zone devrait atteindre 2,3 °C dès 2050», estiment les scientifiques. Signe de l’accélération de la crise climatique, «ce qui était prévu il y a vingt ans pour 2100 se produira dès 2050, avec des conséquences sur les sécheresses, les inondations, les canicules terrestres, et une hausse du niveau de la mer de l’ordre de 40 centimètres».

. Lire aussi: La Méditerranée à l’épreuve d’un réchauffement extrêmement rapide (A lire sur le lien ci-dessous)

La mer n’échappe pas à cette hausse des températures: l’eau devrait augmenter de 1,2 °C. Cette tropicalisation aura un effet déterminant sur les écosystèmes avec «l’arrivée d’espèces d’eau plus chaude, une production de plancton perturbée, des proliférations de méduses et la destruction des coraux». Ces espèces qui font de la mer Méditerranée l’un des dix plus importants «points chauds» de biodiversité au monde subissent également la pollution plastique et la surpêche. Là aussi, la Grande Bleue détient les records du monde.

Parallèlement, la région qui «concentre 60 % de la population mondiale pauvre en eau» connaîtra une hausse de sa démographie: particulièrement dans les pays de la rive Sud, dans les grandes villes et sur le littoral, pour atteindre «entre 630 et 690 millions d’habitants en 2050, contre 520 millions aujourd’hui», précisent les auteurs du rapport.

- Le scénario du pire

Face à ce constat, six scénarios sur l’état de la Méditerranée en 2050 ont été dressés. Commençons par le pire: une accumulation de crises, d’abord environnementales, en raison du manque de politiques de prévention et d’adaptation. Vagues de chaleur, mégafeux, inondations… La crise devient économique puis politique.

«La raréfaction de l’eau impacte d’autres secteurs (agriculture, pêche, tourisme...), ce qui entraîne des ruptures dans les chaînes d’approvisionnement et augmente le coût des énergies fossiles et des matières premières», indiquent les chercheurs. Les élus sont incapables de réagir et cela favorise l’émergence de régimes autoritaires et de replis identitaires. La quasi-disparition de l’agriculture vivrière au Sud provoque des émeutes de la faim et un exode rural massif. Face à l’explosion des flux migratoires, les pays du nord et du sud de l’Union européenne se séparent. Les États ne consacrent plus aucun moyen à l’environnement, laissant libre cours aux pollutions et autres dégradations.

«Ce n’est que vers la fin des années 2040, face au désespoir généré par les crises, que les pays méditerranéens décident de s’adapter pour survivre et tissent des réseaux de résilience au niveau local.»

- Le «business as usual»

Un autre scénario imaginé est celui du «business as usual» et de l’inertie. C’est sans doute le plus probable, selon les auteurs du rapport. Concrètement, les gouvernements repoussent à plus tard les mesures ambitieuses, et «la responsabilité incombe prioritairement au consommateur qui est invité à “verdir” ses comportements». Seules quelques mesures «ciblées» sont prises pour sauvegarder certaines priorités jugées essentielles, comme l’eau ou l’énergie, et certains pays du Sud et de l’Est développent le photovoltaïque et l’éolien en mer.

La région, désunie, fait face à une série de turbulences économiques. Les inégalités se renforcent, d’abord au Sud et à l’Est sous les effets plus intenses du changement climatique, contribuant à une explosion des migrations illégales et des populismes.

«Une multiplication des vagues de chaleur, mégafeux, tempêtes et inondations»

Si en 2050, «le bassin méditerranéen est encore habitable pour une grande partie de la population, celle-ci est divisée entre une élite socioéconomique faiblement touchée par les effets du changement climatique et des populations précaires qui subissent la multiplication des vagues de chaleur, mégafeux, tempêtes et inondations», préviennent les scientifiques. Dans ce scénario, la neutralité carbone n’a pas été atteinte. Cette trajectoire climatique est-elle rattrapable au-delà de 2050? Tout dépend de nos actions, répondent-ils.

- Et si on rêvait ?

Dans le scénario le plus optimiste, la dégradation de la mer Méditerranée est si rapide qu’elle risque de devenir une mer morte. Cela suscite une forte réaction dans les années 2030 au niveau des sociétés civiles, des pays et des organisations internationales. La mer Méditerranée devient un «bien commun mondial» à restaurer.

Cet objectif est érigé en priorité par la communauté internationale qui finance un programme ambitieux de rétablissement de la qualité de cette mer. Dotée d’une personnalité juridique, la mer Méditerranée bénéficie de normes beaucoup plus restrictives sur l’exploitation des hydrocarbures, des ressources en eau profonde, la pêche industrielle, les gros navires de croisière… S’il y a des oppositions, des aides financières importantes compensent les investissements réalisés ou les contraintes imposées, comme l’abandon de projets industriels, touristiques ou d’infrastructures.

Une prise de conscience liée à la surconcentration de population — qu’elle soit permanente ou saisonnière — s’installe. La nécessité d’une planification écologique et foncière des espaces côtiers, intégrant la mer proche, s’impose peu à peu.

La coopération entre les États méditerranéens est aussi scientifique et des programmes en écologie marine bénéficient d’un vaste «Plan Marshall». En une décennie, les résultats positifs de cette politique pour la mer incitent à généraliser ce modèle à la bande côtière, puis aux bassins versants de tous les fleuves méditerranéens.

S’il donne de l’espoir, ce scénario est peu probable, selon les auteurs du rapport, tant il implique de nombreux acteurs à des échelles différentes (États, entreprises, société civile, ONG, opinion publique). De plus, «il nécessiterait que la qualité de la mer devienne un moteur du changement dans tous les pays — ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui».






Photo: D'ici à 2050, l'eau va se raréfier considérablement en Méditerranée (ici en Camargue), selon le Plan bleu. - © Theo Allofs / Biosphoto / Biosphoto via AFP

Pour accéder à l'article ci-dessus: https://reporterre.net/Secheresses-et-emeutes-le-sombre-avenir-des-pays-mediterraneens

Par Jeanne Cassard




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