L’allergie au pollen a fait prématurément son retour en France. Avec la pollution et le changement climatique, les symptômes s’intensifient en ville. Un risque à prendre en compte quand on veut verdir les espaces urbains.
Nez encombré, yeux qui grattent, éternuements intempestifs... Aucun doute, les allergies au pollen sont de retour en France. Deux semaines plus tôt que l’année dernière. Mais attention, si le rhume des foins semble inoffensif, les symptômes ont tendance à s’aggraver en ville, où la pollution exacerbe le pouvoir allergisant du pollen. D’autant que certains choix de végétalisation urbaine — indispensable pour lutter contre le réchauffement climatique — s’avèrent peu judicieux face au risque allergique.
Mi-février, le Réseau national de surveillance aérobiologique (RNSA) plaçait les trois quarts de la France [1] en alerte rouge aux pollens. «C’est inquiétant, mais ce n’est pas surprenant», explique Isabella Annesi-Maesano, chercheuse à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). L’hiver 2023-2024 a été le troisième plus chaud jamais enregistré. Or, «quand la température remonte, les arbres sont stimulés et émettent leur pollen», explique-t-elle.
Avec le réchauffement climatique, les émissions polliniques sont de plus en plus précoces, en particulier pour les espèces qui pollinisent à la fin de l’hiver ou au début du printemps, comme le cyprès, le frêne ou le bouleau. Ces essences ont aussi tendance à produire davantage de pollen dans un environnement plus riche en CO2, l’un des gaz responsables du réchauffement climatique.
- Les urbains particulièrement touchés
En France, 20 à 30 % de la population est allergique au pollen, et ce chiffre augmente progressivement. En ville, les symptômes sont de plus en plus sévères: à la conjonctivite et à la rhinite s’ajoutent des complications pulmonaires, une gêne respiratoire et l’asthme. En cause: les effets synergiques du réchauffement climatique et de la pollution atmosphérique.
D’une part, la présence d’îlots de chaleur et la concentration en particules fines accentuent les émissions précoces de pollen. D’autre part, la pollution aggrave le risque allergique. «La pollution est un irritant puissant qui abîme les muqueuses des voies aériennes. Résultat: le pollen pénètre plus facilement», explique Isabella Annesi-Maesano. En outre, «la pollution dégrade tellement les grains de pollen que leur paroi se casse et qu’ils libèrent facilement les petites particules d’allergènes», les rendant plus agressifs.
- L’erreur des monocultures
«Les urbanistes ont introduit de nombreuses monocultures de frênes ou de bouleaux en ville, regrette Isabella Annesi-Maesano. Ils préfèrent aussi avoir des plantes qui fleurissent toutes au même moment ou qui résistent bien. C’est une erreur, car c’est la quantité de pollens dans l’air qui déclenche l’allergie.»
Pour la spécialiste, il est indispensable que les villes travaillent avec des aérobiologistes ou des allergologues pour l’aménagement paysager. «Si la végétalisation des espaces urbains est indispensable pour absorber les polluants gazeux particulaires, lutter contre les îlots de chaleur urbains et améliorer le bien-être des citadins, il faut éviter de mettre des arbres qui libèrent beaucoup de pollen», plaide Samuel Monnier, ingénieur au RNSA. Privilégier des haies diversifiées (plutôt que des haies composées d’une seule espèce), des graminées dont l’intérêt décoratif est lié au feuillage (plutôt qu’aux fleurs plus émettrices) ou des plantes moins allergisantes font partie des préconisations fournies par le RNSA aux collectivités.
Certaines villes, comme Montpellier, Paris ou Lyon, se sont aussi dotées d’une «charte de l’arbre» dans laquelle elles s’engagent notamment à diminuer les proportions des espèces allergènes. «L’idée n’est pas d’exclure certaines essences, mais plutôt de les diversifier, précise Julia Maguéro, chargée de communication de l’association des Pollinariums sentinelles de France. Et d’éviter de placer des plantes allergisantes à proximité d’une crèche ou d’un Ehpad par exemple.»
Notes
[1] Le risque pollinique est retombé ces derniers jours dans une grande partie de l’Hexagone, en raison de la pluie, le Sud reste en alerte rouge au pollen de cupressacées (cyprès notamment).
Photo: Un cyprès dispersant son pollen par le vent dans l'Hérault, en mars 2023. - © Marie Aymerez / Biosphoto / Biosphoto via AFP
Par Violaine Colmet Daâge
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Posté Le : 07/03/2024
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Par Violaine Colmet Daâge - 5 mars 2024
Source : https://reporterre.net/