Bien qu’il n’ait pas réussi à accrocher le podium, c’est un véritable exploit que vient de réaliser le décathlonien Larbi Bourrada. Terminant jeudi soir à la 5e place du décathlon pour sa première participation à des JO, l’Algérien a réussi à améliorer son propre record africain réalisé lors des Mondiaux de Pékin, en récoltant 8.521 points, non loin du podium. Sur cette performance, ses regrets, ses appréhensions et surtout les manques, il nous dit tout dans cet entretien.
- Une 5e place au décathlon et surtout un nouveau record africain. Ces deux jours de compétition n’ont visiblement pas été faciles pour vous?
C’étaient deux journées très éprouvantes, avec une rude concurrence. En plus de la forte chaleur qui a régné sur Rio. Ce n’était pas facile, surtout pour moi qui n’ai pris part à aucun décathlon cette année. Une absence de compétition que j’ai payée cash durant ces JO, en passant à côté sur le 400 m et le 110 m haies. C’était d’autant plus difficile que j’étais dans une série de faible niveau. Avec de la concurrence, j’aurais certainement battu mes records dans ces deux épreuves.
- Vous avez réalisé, jeudi, l’un de vos plus mauvais résultats en saut à la perche, qui vous aurait peut-être valu un meilleur classement...
C’est en effet vrai. Je n’arrive d’ailleurs toujours pas à expliquer cette contre-performance. Je n’ai fait que 4,60 m, alors que d’habitude j’atteins aisément les 4,90 m à 5 m. J’ai perdu plus de 80 points, ce qui m’aurait permis de dépasser la barre des 8.500 points.
- Pour une première participation à des JO, vous terminez à la 5e place tout en améliorant votre propre record africain réalisé l’année dernière, lors des Mondiaux de Pékin. Peut-on dire que vous avez atteint vos objectifs?
J’avais promis aux Algériens une médaille et je n’ai pas réussi à honorer cette promesse. J’en suis vraiment désolé. Le manque de moyens et de préparation, en plus des blessures, ne m’ont pas permis d’atteindre cet objectif. Je crois toutefois que je n’ai pas à rougir de cette 5e place et de mon nouveau record d’Afrique, et que les Algériens peuvent être fiers de ce résultat. Je reste donc très satisfait de ce record et de cette 5e place.
- Vous n’avez pris part à aucun décathlon cette saison. Peut-on dire que c’est la raison qui vous a privé d’un podium?
Evidemment. Mes concurrents ont eu au moins deux ou trois compétitions cette année, contrairement à moi. Cela a énormément pesé et même fait la différence au final. Je profite de l’occasion pour apporter quelques précisions. Cela m’a fait mal d’entendre certaines critiques déplacées à mon égard. Beaucoup ne connaissent rien au décathlon et surtout sa difficulté. C’est une compétition très difficile, avec 10 épreuves différentes. Il suffit d’en rater une pour gâcher un objectif, comme c’était le cas avec moi dans l’épreuve du saut à la perche. Avec toutes les contraintes auxquelles j’ai dû faire face, moi-même je ne m’attendais pas à un tel résultat.
- Justement, en parlant de manque de moyens, que pouvez-vous nous dire à ce propos, surtout que cela a constitué une des contraintes que vous avez citées et qui vous ont peut-être même privé d’une médaille...
On manque de beaucoup de choses nécessaires et incontournables pour pouvoir gagner des médailles. La préparation des JO ne se fait pas en trois ou quatre mois. Il faut une très longue saison et surtout deux à trois ans de préparation. Des stages, des compétitions et plein d’autres choses. A mon avis, quand un athlète a des dispositions pour faire de bons résultats, il devrait bénéficier de tous les moyens nécessaires pour gagner des médailles.
- Mais c’est le rôle de la fédération de satisfaire toutes ces exigences…
C’est ce que je dis. Ce n’est pas à l’approche des JO qu’on demande aux athlètes de se préparer. Les gens au sein de la fédération sont en principe des éléments de la discipline qui connaissent bien les exigences du haut niveau. On est vraiment loin pour avoir des médailles aux JO, malgré la présence de talents. J’en profite pour féliciter Makhloufi pour sa médaille d’argent sur 800 m, qui m’a beaucoup motivé.
- A une année des Mondiaux de Londres, de quoi auriez-vous besoin pour progresser et surtout gagner une place sur le podium après la 5e place aux derniers Mondiaux et à ces JO?
Tout simplement de moyens de préparation et de récupération, de matériel de travail et surtout d’un kiné qui me suive dans toutes mes compétitions et durant toute la préparation. C’est la moindre des choses, à mon avis.
- Et sur le plan entraînement et technique, êtes-vous satisfait de votre staff?
Vous me donnez l’occasion de saluer un des membres de mon staff, Hocine Mohamed, pour lequel on a dû se battre pour qu’il puisse être avec nous à Rio. Vous n’imaginez pas tout le soutien que j’ai eu de sa part depuis notre arrivée. A chaque minute il est là, il ne dormait pas pour veiller sur moi.
Ces dernières 24 heures je n’ai dormi que trois heures et Hocine a veillé avec moi pour me faire des massages. Il l’a fait jour et nuit et entre les épreuves. Il me conseille, me crie et il est même arrivé qu’il me frappe, tant il était là pour me motiver à chaque fois que je flanchais. Il y a une grande et surtout très particulière complicité entre nous. Je ne le remercierais jamais assez, car il a vraiment grandement contribué à ce résultat. Et dire qu’il est à Rio, alors qu’il n’a même pas été accrédité. Il a pris d’énormes risques pour m’accompagner au village olympique et au stade.
- Maintenant que vous avez atteint cette 5e place et avec toutes ces contraintes, ne pensez-vous pas qu’il est temps de chercher ces moyens ailleurs?
Vous savez, une médaille nécessite une préparation de longue durée à l’étranger, où on a les moyens de s’entraîner. Pour la précision, j’ai entendu dire que j’allais partir aux USA, ce qui est archifaux, je n’ai aucun projet de ce genre pour le moment.
- On a l’impression que c’est une sorte d’appel de détresse que vous lancez à la fédération…
Je n’ai pas à lancer d’appel à la fédération. Les responsables de la FAA connaissent bien la situation et les exigences du niveau mondial.
Entretien par Tarek Aït Sellamet
Posté Le : 21/08/2016
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: El Watan ; texte: Entretien par Tarek Aït Sellamet
Source : elwatan.com du samedi 20 août 2016