A l'issue de la manifestation bon enfant sur le périphérique de Nantes, les agriculteurs hostiles au projet d'aéroport ont refusé de quitter les lieux, exigeant au préalable l'annulation des procédures d'expulsion.
A Nantes, les anti-aéroport de Notre-Dame-des-Landes prennent le périph'
«T’as déjà fait ça de prendre le périphérique à contresens, à pied, sans être bourré, avec des gendarmes partout qui regardent ça sans intervenir ?»
Ce samedi à partir de midi, une bretelle d’accès puis le périphérique ont été envahis sans encombre par des milliers de piétons, 20.000 peut-être, des centaines de vélos, rejoints par des tracteurs en convoi, plus de 400, venus de Notre-Dame-des-Landes et des alentours, mais bien plus large, de Vannes, Rennes, le Maine et Loire, la Vendée.
Les paysans sont la cheville ouvrière de ce blocus organisé par les opposants à l'aéroport. Une grande banderole pendue à un pont signale aux automobilistes passant sous des ponts du périph': «Ceci est un avertissement». Cette mobilisation a effectivement des airs de répétition générale, d’une riposte militante large et immédiate, si les travaux devaient commencer à Notre Dame des Landes, comme l’a annoncé Manuel Valls pour ces premiers mois de l’année.
Avant et après le pont de Cheviré qui franchit la Loire, la quatre-voies du périph' est devenue un improbable terrain de manif, de pique-nique, de prise de parole, de chansons, de danse sur le bitume, sur La Valse à mille temps de Brel et de rock’n’roll jailli d’une sono puissante. Les manifestants sont tout sourires. Il ne pleut même pas, c’est dire. Une bande arbore des couronnes de lierres, dress code druides manifestants.
«Toi aussi, tu cherches une buvette sur une quatre-voies?».
Ce frappe dans ce mouvement, c’est le côté intergénérationnel, et le mélange paysans et gens des villes. Des gamins roulent en trottinette sous le regard de leurs grands-parents déballant les sandwiches. Une batucada en gilets qui imprime un rythme combattif et enjoué. Un drapeau de Che Guevarra, des Gwen ha du à rayures noires et blanches, les bannières de la CNT, du Parti de gauche, des pavillons blancs au graphisme d’avion barré de rouge, le cortège est joyeux et bigarré. Sur le premier pont franchi, un gendarme en calot prend une photo avec son téléphone.
«C’est pour moi, pour montrer à ma famille, explique-t-il à un barbu qui s’est peint un soleil sur la joue et qui insiste: «Vous voyez, ici aussi, c’est des pères de famille, pas des voyous prêts à tout casser comme le racontent les médias».
«C’est vrai, acquiesce le gendarme. C’est bon enfant».
Prévue le 16 janvier, cette mobilisation a été avancée il y a quelques jours, pour précéder l’audience d’expropriation des paysans historiques de la ZAD, convoquée le 13 janvier.
«Avec ce blocage du périphérique, on a vraiment déposé un ultimatum à François Hollande, pour qu’il abandonne la procédure contre les paysans historiques. Il n’est pas interdit de rêver», sourit Julien Durand, porte-parole de l’Acipa, l’association citoyenne contre l’aéroport.
L’objectif est multiple: «Comme ça, on ne va pas se faire voler la mobilisation par les médias qui se focaliseraient sur des heurts avec la police» dit Benjamin, naturaliste impliqué dans les inventaires citoyens sur le terrain du bocage. Il fait allusion à la manifestation du 22 février 2014, dernière grosse mobilisation au centre-ville de Nantes, où les 520 tracteurs et 60.000 manifestants avaient été occultés par le traitement médiatique, focalisé sur les huit heures d’affrontements avec la police.
«La trahison de Hollande»
A 16 heures, une partie des paysans décident de maintenir le blocus et leurs tracteurs faute de réponse à leur exigence d’arrêt des procédures. Peu avant 18 heures, des bétaillères débarquent des barnums qui sont montés à la nuit tombante, sous les éclairs d'un orage.
Deux heures et demie plus tard, une bonne centaine de tracteurs des camions et des remorques agricoles soigneusement imbriquées bloquent l’accès sud du pont de Cheviré, sur les deux voies. Un grand feu a été allumé avec des branchages sur une voie. Une cantine est en place sous un des cinq barnums installés: «On peut nourrir 400 personnes», dit une militante. Le périphérique est donc bloqué sur trois bons kilomètres, ce qui occasionne un embouteillage monstre.
«Nous ne prenons personne en otage, nous prenons la population à témoin de la violence de ces procès ciblant des paysans en activité, sous couvert d’urgence, alors que nous demandons depuis sept ans des rendez vous et des échanges pour faire valoir nos points de vue, justifie Vincent Delabouglise, le porte-parole du collectif de paysans Copain 44 à l’initiative de ce blocage. Nous n’avons eu en réponse que des gendarmes, des CRS et des procès. En 2012 et 2014, Hollande avait fait la promesse de ne pas expulser d’habitants ni de paysans, tant que les recours n’étaient pas purgés. Ce procès avec astreinte pour les paysans et les familles qui ne partiraient pas est inacceptable. Pour certains, la menace est de 30.000 euros par mois. Nous avons le sentiment d'une trahison de sa parole par Hollande qui bafoue son accord politique. La colère est très forte, la mobilisation aussi. Beaucoup de paysans qui ne sont pas là aujourd’hui suivent la situation de très près et peuvent nous rejoindre.»
«On peut rester ici quatre jours, jusqu’à la date du procès, ajoute Dominique Lebreton, lui aussi du collectif. Nous, paysans, avons une forte capacité d’adaptation.»
Photo: Des opposants au projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes se dirigent vers Nantes, le 9 janvier 2016 Photo JEAN-SEBASTIEN EVRARD. AFP
Nicolas de La Casinière Nantes de notre correspondant
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Posté Le : 10/01/2016
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: JEAN-SEBASTIEN EVRARD. AFP ; texte: Nicolas de La Casinière du samedi 9 janv 2016
Source : liberation.fr