Dans les années à venir, nos abeilles européennes vont devoir faire face à l’arrivée d’une concurrente pour le moins préoccupante: l’abeille naine rouge. Pour la première fois, des chercheurs ont repéré sur le Vieux continent une colonie de cette espèce invasive. Une découverte qui inquiète les apiculteurs et des défenseurs de l’environnement. Explications.
Après avoir progressivement étendu son territoire au nord de l’Afrique et la péninsule arabique, la voici qui s’installe désormais en Europe. Une colonie d’abeilles naines rouges invasives a été observée pour la première fois sur l’île de Malte, au centre de la Méditerranée, le 21 août 2024, par des scientifiques, rapporte une étude publiée dans le Journal of apicultural research.
Indispensable pollinisatrice dans son habitat naturel en Asie du sud et du sud-est, l’Apis florea peut largement rivaliser avec ses homologues européens. Et c’est d’ailleurs bien cela qui suscite l’inquiétude des apiculteurs locaux et des défenseurs de l’environnement: «L’Apis florea risque d’entrer en concurrence pour le pollen et le nectar avec nos pollinisateurs indigènes, un groupe d’insectes déjà en déclin, a déclaré au Guardian Dave Goulson, professeur de biologie à l’université du Sussex. Il est également très probable que ces abeilles soient porteuses de multiples maladies auxquelles les abeilles européennes sont peu résistantes.»
- La mondialisation, grande responsable
Ce n’est sûrement pas un hasard si le nid a été trouvé à environ quelques kilomètres du port franc de Birżebbuġa, au sud-est de l’île de Malte. En septembre 2022, un essaim d’Apis florea avait déjà été intercepté (et immédiatement détruit) à bord d’un cargo dans le port commercial de Gênes, en Italie. «Les introductions passées d’Apis florea au Moyen-Orient et en Afrique, ainsi que l’insularité des îles maltaises indiquent que l’essaim est très probablement entré par le biais du trafic maritime», notent ainsi les auteurs de l’étude.
À l’heure de la mondialisation, des milliers d’espèces profitent du fret maritime pour plier bagage et faire souche dans de nouveaux environnements. «À l’instar du frelon asiatique ou du moustique tigre, ces invasions importées par l’homme sont un problème majeur: ces espèces arrivent sans leur prédateur, ce qui leur permet de se développer en toute liberté sans être régulée», détaille Jean Meurisse, apiculteur et auteur de La Vie secrète des abeilles: L’esprit de la ruche (éditions Delachaux).
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- 2.000 spécimens détruits
À la découverte de cette colonie de près de 2.000 spécimens, des tests ADN ont été réalisés pour identifier l’espèce. Une fois les doutes levés, le nid et ses habitantes ont été entièrement détruits dans l’espoir d’endiguer la propagation de l’espèce. Toutefois, les experts ne se font pas d’illusion: la menace plane toujours. Un petit groupe d’abeilles est susceptible de s’être échappé et d’être parti en quête de nouveaux territoires, alertent les scientifiques dans la revue Journal of Apicultural Research. Il pourrait donc s’agir d’une «question de quelques années seulement» pour que l’abeille naine se répande ailleurs, encouragée par «les courtes distances entre les îles de la Méditerranée», anticipe Juliana Rangel, professeure d’apiculture à l’université A & M du Texas, également contactée par le Guardian.
De plus en plus communes, ces invasions sont également favorisées par les effets du dérèglement climatique. Selon les chercheurs, les hivers doux à Malte et dans d’autres pays du sud de l’Europe permettraient l’implantation et la survie d’espèces exotiques. Adaptée aux climats chauds et secs, l’Apis florea pourrait donc bien profiter de la hausse des températures pour coloniser le bassin méditerranéen et chambouler son écosystème.
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- Responsables de 60 % des extinctions
Jean Meurisse, apiculteur et auteur de La Vie secrète des abeilles: L’esprit de la ruche (éditions Delachaux), ne se fait aucune illusion: «Une fois qu’une espèce invasive est implantée, c’est foutu! Il n’y a pas de solutions globales et efficaces pour l’éradiquer, ce ne sont que des rustines, résume-t-il, D’autant plus qu’il n’existe pas de méthodes sélectives: impossible d’empoisonner uniquement les abeilles invasives sans tuer aussi les espèces natives.»
Selon un rapport de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) publié en 2023, les animaux et plantes pris dans les couloirs de la mondialisation humaine contribuent à la perte de 60 % de la biodiversité indigène. Le coût pour les éradiquer ou les maîtriser a quadruplé chaque décennie depuis 1970.
Photo: L'abeille naine, l’Apis florea
Pour accéder et lire les articles ci-dessus: https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2024-09-09/que-sait-on-de-ces-abeilles-invasives-venues-d-asie-reperees-en-europe-pour-la-premiere-fois-d7c82536-a9f3-4a36-ba2f-4e585f2164a1
Par Alice MARTIN
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Posté Le : 10/09/2024
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Par Alice MARTIN. publié le lundi 9 Septembre 2024
Source : https://www.ouest-france.fr/