Algérie

Planète - «Pour préserver la biodiversité, il faut mettre les acteurs locaux à la barre»



Planète - «Pour préserver la biodiversité, il faut mettre les acteurs locaux à la barre»


Entretien: À la veille de l’ouverture du Congrès mondial de la nature de l’UICN (1), 17 chercheurs soulignent l’importance de la prise en compte des communautés locales pour préserver la biodiversité. Co-auteur de cette synthèse (2), Brendan Coolsaet, enseignant à l’université Catholique de Lille, revient sur les leçons que l’on peut en tirer.

- La Croix: Vous avez mené avec d’autres chercheurs un travail de synthèse de plus de 160 études sur l’implication des communautés locales dans la conservation de la biodiversité. Quels en sont les principales conclusions?

Brendan Coolsaet: Ces travaux partent d’un double constat. D’abord, le nombre d’aires protégées ne cesse d’augmenter, mais pour un résultat plus que mitigé, voire négatif: l’objectif de conservation de 17 % de terre fixé par l’ONU a été atteint, et pourtant tous les indicateurs de biodiversité sont dans le rouge. Le second, c’est l’émergence de l’hypothèse qu’en impliquant les peuples autochtones et communautés locales dans ces processus de conservation, les résultats sont plus positifs, autant d’un point de vue environnemental que social.

Les travaux que nous avons menés confirment cette hypothèse. C’est là le message clé: pour conserver la biodiversité, il faut mettre les acteurs locaux à la barre, et leur donner un rôle plus important que celui donné jusqu’à maintenant. Si les processus de conservation entrepris sont inefficaces, c’est parce qu’ils excluent les populations locales. On estime à un milliard et demi le nombre de personnes vivant dans des zones à haute valeur de biodiversité, qui pourraient être de futures aires protégées.

- Avez-vous un exemple précis d’une conservation réussie car les populations locales étaient impliquées?

B. C.: À Taïwan, une communauté Tsou a repris la main sur un parc national laissé à l’abandon par l’État. Elle a mis en place une initiative de conservation collective, avec une autorégulation des ressources du parc et a résisté aux pressions commerciales extérieures. Cela a permis des résultats très important en termes de restauration du parc, à tel point que l’État lui-même a reconnu leur rôle et leur a accordé l’intendance du site.

60 % des études montrent un résultat positif à la fois sur le plan environnemental et sur le bien-être social lorsque la conservation est gérée localement. Au contraire, seulement 16 % des études soulignent un résultat positif après une conservation externe: le problème majeur, c’est qu’elle engendre différentes formes de conflits, se traduisant par une expulsion physique des populations locales ou une interdiction d’utiliser certaines ressources, qui sont pourtant vitales à la communauté.

- Concrètement, comment donner une voix à ces peuples autochtones et communautés locales?

B. C.: Il y a toute une série de mécanismes qui permettent de renforcer leur rôle. Par exemple en assurant l’autorégulation des ressources ou en reconnaissant leurs pratiques de conservation sur le terrain. En formalisant les droits fonciers des communautés, alors que ces populations ont rarement les moyens juridiques de protéger leur territoire contre une exploitation extérieure. On peut aussi imaginer des comités de gestion où l’on s’assurerait que leurs voix et leurs choix soient bien entendus.


(1) Union internationale pour la conservation de la nature.

(2) The rôle of Indigenous Peoples and local communities in effective and equitable conservation. Ecology and Society.



Photo: « On estime à un milliard et demi le nombre de personnes vivant dans des zones à haute valeur de biodiversité ». Photo d’illustration. LIU JUNXI

Recueillis par Sixtine Lerouge


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