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Planète - Pluies meurtrières au Brésil et en Afrique: le changement climatique a encore frappé



Planète - Pluies meurtrières au Brésil et en Afrique: le changement climatique a encore frappé


De nombreuses régions du monde font face à des pluies diluviennes meurtrières. Des événements extrêmes qui s’expliquent en partie par le réchauffement climatique causé par l’humain.

Au moins 188 décès au Kenya, 155 en Tanzanie, 28.000 foyers déplacés en République démocratique du Congo, 2.000 au Burundi... Des pluies meurtrières frappent plusieurs régions du monde, en particulier l’Afrique de l’Est. Pour toute la zone Kenya, Tanzanie, Comores, la situation pourrait s’aggraver dans les prochaines heures avec le passage du cyclone Hidaya.

Au sud du Brésil, le bilan des inondations dans l’État du Rio Grande do Sul s’établissait le 3 mai à 29 morts et 60 personnes portées disparues. En Chine, des pluies diluviennes ont frappé la province du Guangdong, la plus peuplée du pays avec ses 127 millions d’habitants. Elles ont provoqué le décès de quatre personnes et des dizaines de milliers d’évacuations. Mi-avril, des précipitations extrêmes ont frappé plusieurs pays du Golfe, tuant vingt-et-une personnes à Oman. Les Émirats arabes unis ont enregistré des niveaux de pluie jamais atteints en soizante-quinze ans de relevés météorologiques. Quatre personnes sont mortes.

Certains épisodes peuvent être liés à des phénomènes météorologiques locaux. Par exemple en Afrique de l’Est. «L’événement El Niño, dont un s’est produit récemment, a généralement un lien avec les précipitations», explique Benjamin Sultan, climatologue et directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Cette année, il a été amplifié par le dipôle de l’océan Indien, une oscillation irrégulière des températures de surface de la mer.

Mais pour les chercheurs interrogés par Reporterre, il ne fait aucun doute que ces événements climatiques extrêmes sont liés au changement climatique causé par l’humain. «Les précipitations associées à El Niño et au dipôle de l’océan Indien sont rendues plus fortes par le changement climatique», explique Benjamin Sultan. En cause, une élévation de la température des océans qui entraîne un surcroît d’évaporation, une augmentation du taux d’humidité dans l’atmosphère et, en bout de chaîne, des pluies plus abondantes. «1 °C supplémentaire se traduit par une augmentation de 7 % de l’humidité atmosphérique, précise le chercheur. En conséquence, même si la probabilité de l’événement météorologique ne change pas, il peut devenir plus intense.»

Un lien que confirme Davide Faranda, directeur de recherche en climatologie au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE) de l’Institut Pierre-Simon Laplace et coordinateur du consortium international ClimaMeter. «Aux tropiques, les océans sont particulièrement chauds, avec beaucoup d’évaporation. Cette chaleur humide se transfère à l’atmosphère et peut déclencher des pluies assez intenses, et donc des inondations», explique-t-il. En élargissant la focale, on observe même un lien entre les épisodes de chaleur extrême et ces inondations dévastatrices. «Au Sahel, en Chine et au Brésil, des records de température ont été battus dans plusieurs zones, contribuant à l’évaporation, rappelle le chercheur. Quand ces masses d’air chaud entrent en contact avec des zones d’air frais — ce qu’on appelle goutte froide dans la météorologie française —, elles déclenchent orages et précipitations.»

- Inégalités face aux risques

Au niveau local cependant, difficile de lier tel ou tel épisode au changement climatique. Davide Faranda est spécialisé dans cette science en construction, baptisée «attribution». «Pour Dubaï [aux Émirats arabes unis], les inondations sont tellement exceptionnelles que l’on n’a pas trouvé d’événement similaire dans nos bases de données. On ne peut donc pas vraiment dire si elles sont liées au changement climatique», précise-t-il. En revanche, son équipe a pu établir un lien entre les inondations en Chine et les émissions de gaz à effet de serre.

Les personnes mortes lors de ces récents épisodes d’inondations sont-elles donc des victimes du changement climatique? Oui, mais d’autres éléments sont à prendre en considération. «Le risque n’est absolument pas naturel, rappelle la géographe Valérie November, directrice de recherche au CNRS. Si les pluies et les inondations font autant de dégâts, c’est parce que des populations vivent dans les endroits inondés.» D’autres facteurs, notamment économiques, peuvent jouer. «Une part du risque est fondamentalement injuste, il frappe les populations qui vivent le plus en marge, poursuit la chercheuse. Il est clair que les territoires et les populations sont inégaux face au risque.»

Le changement climatique viendra sans nul doute compliquer cette équation. «Il rend les phénomènes météorologiques plus intenses. Cette intensité produit des dommages dans des endroits qui n’étaient pas identifiés à l’avance, et prennent de court des personnes qui ne se pensaient pas exposées», explique Valérie November.

Benjamin Sultan, lui aussi, observe cette difficulté à anticiper les catastrophes climatiques et donc à limiter le nombre de décès qu’elles entraînent. «On sait que les pluies vont être un peu plus fortes, mais on ne sait pas exactement où. Souvent, les prévisions ne sont pas assez précises pour que les décideurs prennent les décisions associées, remarque le climatologue. On atteint aussi les limites de certains pays à gérer des événements extrêmes. Ces derniers sont parfois tellement extrêmes que même si l’on sait qu’ils vont arriver, cela dépasse les capacités d’adaptation du pays.»





Photo: Des Kenyans regardent une voiture détruite qui a été emportée par des pluies torrentielles dans le village de Kamuchiri, au Kenya, le 29 avril 2024. - © AFP / Luis Tato

Par Émilie Massemin



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