L’ONU a décidé de faire de 2025 «l’année de protection internationale des glaciers». En France, «il y a une ambition nationale pour les protéger mais sans aucun moyen», résume le glaciologue Jean-Baptiste Bosson.
Jean-Baptiste Bosson est glaciologue, chercheur au Conservatoire d’espaces naturels de Haute-Savoie. Il est également directeur de l’association Marge sauvage, créée en mai 2024 pour protéger les glaciers. Alors que s’ouvre aujourd’hui la première année internationale de la préservation des glaciers, il nous explique pourquoi il est crucial de tout faire pour préserver ces géants de glace.
- Reporterre — Ce 21 janvier est le jour du lancement de l’année internationale de la préservation des glaciers sous l’égide de l’ONU. Quels sont les enjeux de cet évènement?
Jean-Baptiste Bosson — Cette reconnaissance onusienne est une prise de conscience de l’importance des glaciers dans la préservation de la vie sur Terre. C’est une alarme pour sensibiliser et mettre des solutions sur la table dans un contexte d’inquiétudes internationales sur le partage de l’eau glaciaire.
C’est aussi le signe qu’on perd ces glaciers comme nous sommes en train de perdre la bataille du climat. Nous sommes dans une période charnière. Soit l’humanité réagit en mettant un coup de frein aux émissions globales, ce qui permettra de préserver une immense partie de la glace sur Terre. Soit on passe un seuil irréversible, et nous basculerons dans une Terre plus chaude. Car la glace recouvre de blanc une partie de la planète: si on perd ce blanc, la Terre sera plus foncée et se réchauffera encore plus vite [en raison de l’effet albédo [1].]
- Comment définir un glacier disparu?
Pour avoir un glacier en bonne santé, il faut qu’il soit en mouvement et qu’il ait une superficie minimum de glace: 0,1 km2. Il est difficile pour les satellites de voir à une échelle plus petite. Mais ce n’est pas toujours facile de décréter la mort d’un glacier. Lorsqu’ils n’ont plus de neige pour les alimenter, ils se disloquent: on passe d’une grande masse épaisse à plein de petits systèmes isolés.
Par exemple, d’ici cinquante ans, la mer de glace à Chamonix va se disloquer en une vingtaine de glaciers dans de petits cirques déconnectés les uns des autres. Leur nombre va certes augmenter mais la surface générale va diminuer.
. Lire aussi: À Chamonix, le tourisme exploite un glacier agonisant (A lire sur site ci-dessous)
- Quelle est la situation des glaciers en France dans les Alpes et les Pyrénées?
Dans les Pyrénées, c’est malheureusement la fin de l’histoire. Si on colle tous les glaciers qui restent ensemble, leur superficie mesure moins d’1 km2. Ils ne sont plus que dix-sept et dans la prochaine décennie, ils vont tous disparaître.
Dans les Alpes, il y a encore environ 700 glaciers. Depuis 1850, ils ont perdu près des deux tiers de leur surface initiale, environ 700 km2. C’est l’un des plus grands changements d’écosystème en France depuis 200 ans. Les Alpes sont également la région du monde où les glaciers fondent le plus vite car l’intensité du réchauffement climatique est plus forte qu’ailleurs.
Les projections montrent que si on applique l’Accord de Paris, on pourra sauver environ un tiers du volume glacier alpin restant. Mais dans un scénario de fortes émissions carbone, nous en perdrons 95 % d’ici la fin du siècle.
. Le pied du glacier Blanc, dans les Ecrins. Le recul du front du glacier en 2024 a été de 16 m et il se trouve ainsi à 2 600 m d’altitude. © Yoan Eynac (Voir photo sur site ci-dessous)
- Pourquoi est-il primordial de protéger les glaciers?
Ce sont les châteaux d’eau de nos territoires et des écosystèmes clés pour préserver le climat. Ils stockent l’eau en hiver pour empêcher les crues. En été, ils fondent et irriguent les bassins versants. Ils permettent d’avoir de l’eau toute l’année pour l’irrigation ou le refroidissement des centrales nucléaires, notamment.
Par exemple, douze millions de personnes vivent sur le bassin du Rhône, qui est alimenté par les glaciers. Les apports d’eau douce du Rhône limitent la remontée de la mer dans les rivières et les nappes phréatiques. La Camargue dépend ainsi des glaciers pour éviter de subir ces remontées d’eau salée.
«Il y a une ambition nationale mais sans aucun moyen»
Au total, on recense 300.000 glaciers sur Terre, en incluant les deux calottes glaciaires. Si tous fondaient, le niveau des mers augmenterait de 66 mètres. C’est un processus qui va prendre plusieurs siècles. Imaginez l’impact sur les littoraux et sur les migrations climatiques, ça va être colossal.
. Le glacier en 1995 et en 2018. Il fond à vue d’oeil : en 2023, le recul du front du glacier avait atteint près d’un 1 km en 40 ans. Parc national des Ecrins (Voir photo sur site ci-dessous)
- Fin 2023, lors du One Polar Summit, Emmanuel Macron avait annoncé vouloir mettre les glaciers «sous protection forte». Cette déclaration a-t-elle été suivie d’effets concrets?
L’annonce d’Emmanuel Macron a été reprise dans la Stratégie nationale biodiversité. Agnès Pannier-Runacher [ministre de la Transition écologique] s’est déplacée à Chamonix en novembre dernier sur le sujet. Mais il n’y a pas eu d’engagement financier ni de feuille de route sur cette question. Il y a une ambition nationale mais sans aucun moyen. Nous attendons que l’État s’engage réellement à l’occasion de cette année internationale de préservation des glaciers.
Notes
[1] Tout corps réfléchit une partie de l’énergie solaire qu’il reçoit. Plus un corps est clair et plus il est réfléchissant : son albédo est fort. À l’inverse, un corps sombre absorbe davantage les rayons du soleil : son albédo est faible.
Photo: Le sommet du glacier Blanc, dans le parc national des Écrins (Hautes-Alpes). La fonte du glacier s’est poursuivie en 2024, avec une perte de glace estimée à 0,39 mètre d’eau. - © Yoan Eynac
Pour voir l'article dans son intégralité et l'accés à l'article en annexe: https://reporterre.net/Les-glaciers-ne-couvrent-plus-qu-un-km2-dans-les-Pyrenees
Par Laury-Anne Cholez
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Posté Le : 22/01/2025
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Par Laury-Anne Cholez - 21 janvier 2025
Source : https://reporterre.net/