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Planète (Niger/Afrique) - "Marcher sur l'eau", le poignant témoignage d'un village peul du Niger victime du changement climatique



Planète (Niger/Afrique) -


Le 10 novembre prochain, sort en salles le film "Marcher sur l'eau" réalisé par Aïssa Maïga. Un documentaire poignant et engagé qui transporte au cœur du village de Tatiste, au nord du Niger, où les habitants doivent se battre pour avoir accès à l'eau dans un environnement de plus en plus impacté par le changement climatique.

Le petit garçon est accroupi et contemple ses bras tachés de terre. Il empoigne la théière, se verse doucement de l'eau et entreprend de se rincer. Sous le regard contrarié de sa grande sœur qui lui demande d'arrêter. Dans le village de Tatiste, au nord du Niger, on ne gaspille pas l'eau. Elle est devenue bien trop rare pour que le moindre centilitre ne soit perdu.

Depuis 2010, l'accès à l'eau potable est reconnu comme un droit fondamental par les Nations Unies. Pourtant, ce sont toujours plus de deux milliards de personnes qui ne bénéficient pas d'un accès direct à cette ressource à travers le monde. Dans de nombreuses régions, les populations sont contraintes de parcourir régulièrement de longues distances pour s'approvisionner. Une situation aggravée par le changement climatique.

Cette problématique est au cœur du film "Marcher sur l'eau" réalisé par Aïssa Maïga et qui sortira en salles le 10 novembre prochain. Entre 2018 et 2020, la comédienne est parti poser ses caméras à plusieurs reprises au sein de la communauté de Peuls Wodaabe du village de Tatiste afin de documenter son quotidien. Un quotidien où la question de l'eau occupe une place centrale et suscite toutes les préoccupations.

Le film suit ainsi la jeune Houlaye 14 ans qui doit, comme d'autres jeunes, marcher chaque jour des kilomètres pour aller puiser l'eau si essentielle au village. Cette tâche l'empêche, entre autres, d'être assidue à l'école. Mais ce manque pousse aussi son père comme sa mère à quitter la famille, la laissant seule avec ses petits frères, pour aller chercher des ressources et des pâturages plus cléments ailleurs.

- Raconter l'histoire du changement climatique "à hauteur humaine"

Ce sont des repérages effectués en Afrique de l’ouest par le journaliste Guy Lagache qui ont donné naissance au projet. "Quand on m'a proposé de faire ce film, j'ai failli dire non parce que je faisais en même temps "Regard noir" et que je ne m'imaginais pas faire deux films en même temps", a confié à l'AFP la réalisatrice Aïssa Maïga lors de la présentation de son documentaire au Festival de Cannes en juillet dernier.

"Mais après réflexion, j'ai rappelé le producteur pour lui dire que je me sentais connectée à cette histoire du fait de mes origines (maliennes et sénégalaises, ndlr)", a-t-elle poursuivi. C'est finalement elle qui a jeté son dévolu sur le village de Tatiste situé dans la région de l’Azawagh et sur ses habitants qu'elle est partie rencontrer à l'automne 2018. "Ils nous ont formidablement accueillis et très vite acceptés", a-t-elle raconté.

Et le film a rapidement pris forme. "C’était inespéré, car la toute première réunion, des villageois, qui a eu lieu le jour de notre arrivée, et que nous avons pu filmer, nous a permis de poser tout de suite le récit, le contexte et les enjeux", a-t-elle continué. Ces premières rencontres ont aussi permis de concrétiser le personnage de la jeune Houlaye, représentative des responsabilités qui pèsent très tôt sur les épaules des femmes peules.

L'idée était vraiment de "raconter cette histoire du réchauffement climatique mais à hauteur humaine à travers l'histoire d'une famille dont les liens sont impactés par ce dérèglement", a précisé la réalisatrice dans un entretien accordé à France 24. "Montrer comment des gens, qui vivaient dans un milieu qui n'était pas hostile, se retrouvent en quelques années à souffrir du manque d'eau et sont contraints de migrer", a-t-elle appuyé pour l'AFP.

- Un problème de l'eau qui exacerbe les difficultés

Les Wodaabe sont une minorité dans le groupe Peul. Ils font partie des derniers nomades, de ceux qui ont vraiment préservé le pastoralisme tel qu'il était avant la sédentarisation massive des Peuls, décrypte Abigaëlle Paris, socio-anthropologue qui a participé aux traductions du film de la langue peule Wodaabe vers le français. Ces dernières décennies, néanmoins, de plus en plus de familles se sont semi-sédentarisées.

Si l'éducation des enfants en est l'une des raisons, les conditions climatiques ont également joué un rôle crucial. Plusieurs sécheresses dévastatrices ont conduit à une réduction drastique de la végétation et à une perte des troupeaux, entraînant de premiers mouvements massifs de sédentarisation au sein des familles Wodaabe. Depuis, la situation écologique déjà fragile s'est encore aggravée avec le changement climatique.

"La pluviométrie a énormément diminué ces trente dernières années", confirme la spécialiste qui vit au Niger. "Cela a conduit à un raccourcissement de la saison des pluies alors que c'est normalement un moment de répit pour les nomades". Ce problème de l'eau a exacerbé les difficultés déjà rencontrées par les communautés, les obligeant à développer une 'stratégie de survie plus globale'.

Loin de sombrer dans le misérabilisme, c'est justement cette résilience qu'Aïssa Maïga met en lumière à travers son film. Avec une grande bienveillance, elle réussit à mêler la narration à la réalité des habitants de Tatiste. Ses caméras s'attardent sur les enfants, les femmes comme les hommes, exposant la force de cette communauté à faire face aux difficultés et trouver des solutions ensemble.

"C’est un film qui rend justice à cette souffrance"

De cette même façon, elles rappellent aussi la réalité du changement climatique: si ce dernier est un problème d'ampleur mondiale, les populations les plus pauvres sont les premières à en subir les conséquences. Elles sont aussi les plus démunies pour y faire face. "Ce film m’a beaucoup touchée", assure Abigaëlle Paris, elle-même née de mère peule Wodaabe et de père français, parce que "ça fait écho à mon enfance, à ma famille et aux difficultés qu’ils traversent".

"C’est un film qui rend justice à cette souffrance qu’on ignore et qui ne touche pas que les Wodaabe mais toutes les populations nomades, surtout dans le Sahel qui est en première ligne du changement climatique", témoigne-t-elle. "Pour une fois que cette souffrance est représentée de façon juste, sans rentrer dans le misérabilisme, ni biaiser les choses, en donnant la parole aux gens qui vivent ça vraiment".

Pas de misérabilisme, ni de culpabilisation d'ailleurs, a assuré la réalisatrice. "La culpabilisation n'a jamais été mon moteur, ni dans ma vie ni dans mon travail. Je suis là à travers ma sensibilité pour transmettre une émotion, un regard, qui nous rassemblera tous". Ce regard, c'est celui de Houlaye et de tous les habitants de Tatiste heureux de simplement voir enfin l'eau couler à flots près de leur village.

Le film "Marcher sur l'eau" réalisé par Aïssa Maïga et co-écrit avec Ariane Kirtley de l'ONG "Amman Imman" sort en salles le 10 novembre 2021.




Photo: Le film "Marcher sur l'eau" réalisé par Aïssa Maïga sort en salles le 10 novembre 2021. © Les Films du losange

Voir l'article dans son intégralité avec plus d'illustrations: https://www.geo.fr/environnement/marcher-sur-leau-le-poignant-temoignage-dun-village-peul-du-niger-victime-du-changement-climatique-207004

EMELINE FÉRARD


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