Algérie

Planète - Menad Si Ahmed. Climatologue et expert senior aux Nations unies: Depuis le temps qu’on nous bassine avec les seules émissions de gaz à effet de serre…



Planète - Menad Si Ahmed. Climatologue et expert senior aux Nations unies: Depuis le temps qu’on nous bassine avec les seules émissions de gaz à effet de serre…


- La Nasa vient de publier des images faisant état d’une diminution spectaculaire de la pollution en Chine suite à l’arrêt des activités industrielles causées par la propagation du coronavirus. Un commentaire?

Il n’y a rien d’étonnant puisque les émissions de NOx (azotes produits par la combustion des hydrocarbures dans les moteurs à explosion et bien sûr de CO2) diminuent avec l’activité des transports et l’activité économique de ces zone en Chine, sauf que les photos produites par la NAsA sont des zones de la chaleur induite par les activités humaines dans cette partie de la Chine.

Nous les présenter comme des zones d’émission des polluants est inexact, alors il est normal qu’en période de ralentissement, les zones apparaissent froides (ou bleues). Ceci dit, il faut savoir que la planète a un temps d’inertie assez long, c’est-à-dire qu’elle ne réagit pas immédiatement à un changement, donc cette diminution (temporaire du reste) ne se fera ressentir que dans quelques années. Le mal est déjà fait par les émissions passées.

- Sans aucune surprise, l’homme est derrière le réchauffement climatique…

Oui, ça je le confirme, sauf que ce sont toutes les activités humaines et non juste les émissions de gaz à effet de serre. Je suis heureux que pour une fois on traite la problématique du changement du climat sous l’angle de toutes les pollutions et nuisances produites par l’ensemble des activités humaines. Depuis le temps qu’on nous bassine avec les seules émissions de gaz à effet de serre et qu’on y consacre des messes annuelles mondiales m’a toujours interpellé et je m’insurge contre cela.

Je persiste et je signe: le climat change parce que la planète change. Nous l’avons modifiée de fond en comble, transformé des montagnes en plaines, déboisé à tout-va (plus d’un tiers de la forêt mondiale a disparu), acidifié les océans, pollué d’immenses cours d’eau, stérilisé des centaines de millions d’hectares de terres arables, déversé des millions et des millions de tonnes de pesticides qui modifient nos gènes (nos corps renferment aujourd’hui en moyenne 18 substances chimiques composées qui n’existaient pas chez nos grands-parents il y a moins de 100 ans), augmenté considérablement la population mondiale qui exploite de plus en plus des ressources naturelles mondiales, modifié les entrailles de la Terre.

Aujourd’hui, nous consommons plus de ressources naturelles qu’il ne s’en régénère ou se renouvelle. Nous sommes en train de bouffer notre capital ressources. Je peux encore énumérer à l’infini les agressions que subit notre planète (y compris les pertes de biodiversité) et le climat fait partie intégrante de cette planète (il en a la représentation dynamique la plus visible par les vents, les précipitations, la chaleur, le froid, les mouvements tourbillonnaires autour de la Terre, les grands courants marins, tels que le Golf Stream, El Nino, El Nina, etc.).

Alors, nous faire croire qu’en diminuant nos émissions de gaz à effet de serre nous allons en guerre contre la planète est une tromperie monumentale et qui plus est fonctionne bien chez nos populations. Non, la planète est en danger de par toutes les activités humaines et toutes les agressions qui en sont induites.

- La pause industrielle actuelle est quand même bénéfique pour la planète…

Elle n’aurait d’effet que si elle s’étend à toute la planète. Et cet effet ne s’en ressentira que dans les 25 années à venir (phénomène d’inertie). Il est entendu que nous parlons d’une pause économique et non juste industrielle et qui ne peut se concevoir dans les chemins actuels de consommation à l’échelle mondiale. Pour sauver la planète, il faudra des changements drastiques et profonds auxquels les pouvoirs économiques et financiers qui gouvernent le monde ne sont pas près de céder. Il existe des études confidentielles où il est question de réduire les populations mondiales d’au moins 50% pour revenir à un certain équilibre planétaire.

Ces études montrent qu’une grande frange de la population mondiale est consommatrice de ressources sans en produire, donc à leurs yeux, des bouches inutiles à nourrir (suivez mon regard sur l’Afrique, le monde arabe, certains pays d’Asie, etc.). Nous sommes rentrés dans des schémas de destruction plutôt que de prospérité et les guerres larvées qui se déclarent dans certaines régions ne sont, à mon avis, que le prélude à une vaste reconfiguration du monde.

Croire que les pouvoirs vont nous trouver des solutions pour notre bien, c’est se voiler la face, et les grandes conférences mondiales sur la planète (à laquelle j’assiste sans discontinuer) ne sont que des scènes où l’on amuse la galerie. Les solutions sont ailleurs et dévastatrices pour les damnés de la terre, c’est-à-dire nous… Ils ont déjà leurs schémas pour éviter l’implosion de la planète, mais à leur seul profit. Je suis conscient que c’est un tableau noir.

- C’est une vision un peu pessimiste que vous développez…

Je suis arrivé a ma propre conclusion, les pays colonisés par télécommande vont payer le prix de la gestion catastrophique de la planète. Ces pouvoirs occultes concoctent des stratégies pour un contrôle total de toutes les richesses de cette Terre et éliminer tout ce qui leur paraîtra superflu. Et ils ont des serviteurs zélés à tous les niveaux. Mettre à genoux des populations entières, c’est le cadet de leurs soucis, quitte à brûler des pays entiers s’il le faut. Il s’agit la de ma position…

- Mais en même temps, la situation de ralentissement de la pollution est enregistrée uniquement en Chine, qu’en est-il chez les autres?

Chez les autres, il n’y a aucun signe de ralentissement, mais mon propos est de dire qu’au-delà d’un ralentissement voire de nouvelles pratiques, ce ne sera qu’un frémissement et ce sont toutes les manières de gérer nos ressources, nos modes de consommation, voire nos modes de pensée qu’il faudra entièrement revoir… et de ce point de vue-là, nous sommes loin d’être sortis de l’auberge…

Ceux qui nous gouvernent n’ont pas en tête notre bien-être et par extension celui de la planète, mais bien la consolidation de leur pouvoir est capital pour eux et plus stratégique que le gain lui-même.



Photo: Menad Si Ahmed. Climatologue et expert senior aux Nations unies

Entretien réalisé par Nassima Oulesbir
noulebsir@elwatan.com


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