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Planète - Même au pôle Nord, même en profondeur, le plastique est partout



Planète - Même au pôle Nord, même en profondeur, le plastique est partout


Une campagne de mesures a repêché des microplastiques partout dans l’Arctique, en quantités diverses. Les fibres de polyester, sans doute issues des textiles, en constituent l’immense majorité. La dissémination des microplastiques dans les océans semble ne connaître aucune limite

Reste-t-il seulement un bout de mer exempt de plastique? Même l’océan Arctique n’y échappe pas, y compris dans ses profondeurs, rappellent de nouveaux travaux parus le 12 janvier dans la revue Nature Communications. Des scientifiques canadiens documentent la présence inquiétante de microplastiques dans cette région, présence qui suggère une pollution plus répandue et bien plus pernicieuse que l’image habituellement véhiculée, celle des très visibles bouteilles, cotons-tiges ou encore sacs de supermarché flottant en surface.

Les microplastiques désignent des débris plastiques de petite taille, généralement de moins de 5 millimètres. Leur présence dans la nature préoccupe les scientifiques depuis une quinzaine d’années. Peu visibles, ces déchets sont soupçonnés de polluer toutes les eaux du globe, de la surface aux abysses, et ont le potentiel de se retrouver dans la chaîne alimentaire, avec des effets méconnus sur la santé humaine et celle des écosystèmes. Pour mieux comprendre les menaces des microplastiques, les scientifiques doivent en étudier la production, les flux, la toxicité sur les organismes, etc. Et également avoir une idée précise de l’étendue de la pollution, ce dont il est question ici.

- Même au pôle Nord

L’étude canadienne est la somme de plusieurs missions maritimes effectuées en 2016 à bord de divers navires de recherche. Des échantillons d’eau ont été récoltés à 71 emplacements en surface (de 2 à 8 mètres) et en profondeur, jusqu’à 1.000 mètres, dans six colonnes d’eau en mer de Beaufort, au nord de l’Alaska. Peter Ross, directeur adjoint chargé de la recherche à la Ocean Wise Conservation Association, à Vancouver, a quantifié avec son équipe la présence de microplastiques dans ces échantillons. Les scientifiques ont trouvé 40 particules par mètre cube d’eau en moyenne, constituées à plus de 90% de fibres synthétiques, dont 73% de polyester, un polymère omniprésent dans les vêtements.

De fortes disparités géographiques ont également été mises en évidence, avec près de trois fois plus de particules à l’est qu’à l’ouest. L’océan Atlantique alimentant principalement les régions orientales, ce résultat suggère que ce sont les courants atlantiques qui charrient la majeure partie des microplastiques finissant dans l’Arctique. Les eaux profondes en contiennent autant qu’en surface (jusqu’à 60 particules par mètre cube à 1.000 mètres de profondeur). A noter que même le pôle Nord (ici défini comme la région au-delà de 85 degrés de latitude) n’est plus une vaste région vierge, mais il possède dans ses eaux autant de microplastiques que l’Arctique est, et même davantage que l’Arctique ouest.

Pour parvenir à ces résultats, les scientifiques ont effectué des comptages visuels au microscope, qu’ils ont affinés dans un deuxième temps par spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier. Cette méthode consiste à mesurer l’absorption lumineuse des échantillons à plusieurs longueurs d’onde, ce qui permet de déterminer si les fibres repérées sont bien du plastique ou si elles sont simplement d’origine naturelle et, si oui, de connaître leur signature chimique.

- Vêtements en ligne de mire

Cela a notamment permis de déterminer que les plastiques des filets de pêche (nylon, polypropylène) ne représentent qu’à peine plus de 10% du total. C’est le polyester qui est majoritairement retrouvé, ce qui fait porter les soupçons sur le textile . Les auteurs rappellent qu’un simple vêtement synthétique peut libérer des millions de fibres lors d’un seul lavage, et que la dissémination des débris les plus légers par voie atmosphérique est une réalité dont on commence seulement à peser l’importance, comme cela a récemment été fait pour les résidus de pneus.

«Ces travaux renforcent un faisceau de preuves rappelant que les problèmes posés par les plastiques sont plus importants que ce que l’on pensait jusqu’à présent, commente Julien Boucher, du centre éco-conception EA-Environmental Action, un des auteurs d’un vaste état des lieux de la pollution au plastique paru cet été dans Science. Quand on regarde dans les plus petites tailles, de l’ordre de la dizaine de micromètres, on se rend compte qu’ils sont partout à la surface du globe… et dans les profondeurs des océans. Il devient urgent de mieux comprendre l’impact de cette pollution sur la santé afin de savoir quelles actions privilégier pour y remédier.»


Photo: L’étude suggère que ce sont les courants atlantiques qui charrient la majeure partie des microplastiques finissant dans l’Arctique. — © Lucas Jackson/REUTERS

Fabien Goubet


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