«La paix basée sur l'égalité et la justice passe avant tout par la fin de l'impunité d'Israël. Il faut un boycott politique, économique, sportif, moral à l'image de celui qui a fait plier le régime de l'Apartheid» (Pierre Stamboul)
Monsieur le Président, vous voilà réélu. Moult dossiers vous attendent: chômage, crise économique, immigration… Mais pas seulement, car en politique étrangère, demeure la récurrente question palestinienne. Israël continue de n'en faire qu'à sa tête. Colonies tous azimuts et annexion de fait de Jérusalem. Et les USA -et l'Europe occidentale- n'arrivent pas à réfréner ses ardeurs. Pourtant, l'Afrique du Sud a plié sous la pression de ces mêmes pays. Pourquoi donc le printemps pour l'éclosion d'un Etat tarde t-il tant en Palestine occupée? C'est le moment ou jamais pour vous de contribuer effectivement à la résolution de cette question. Vous n'avez plus l'angoisse d'une autre élection à perdre. Quatre ans devant vous pour ce faire.
Monsieur le Président,
Rappelez-vous, tout commence le 2 novembre 1917. Un certain Arthur Balfour, ministre britannique des Affaires étrangères s'il en fut qui, dans une lettre ouverte, a pu écrire: «Le gouvernement de Sa Majesté voit favorablement l´établissement d´un foyer national juif en Palestine» (exit l´Argentine et l'Ouganda comme projet pour ce faire). Pour rappel, l´ONU adopta la résolution 181 partageant la Palestine en un État juif (56% des territoires pour seulement un tiers des habitants Juifs et le reste -48% des terres- pour les deux tiers d'habitants arabes) ; ce, avec un statut international pour Jérusalem. Pour les Palestiniens, c´est la Naqaba, la catastrophe, la destruction de leur société et de leurs villages suivie de l´exil de la grande majorité de la population ; dès l'origine et à ce jour, les Palestiniens vivent la marginalisation, les discriminations, les assassinats «ciblés», la misère. …Il s'agit tout de même de l'expulsion de tout un peuple de sa terre.
Et depuis plus d´un siècle, le sionisme applique la même stratégie: s'emparer des terres et institutionnaliser le fait accompli afin de marginaliser le peuple palestinien. Et pourtant en Palestine, et ailleurs dans les pays arabes du Machrèk comme du Maghreb, la communauté juive vivait paisiblement avec les Arabes de façon générale et les Palestiniens de façon particulière. Peuple innocent, le peuple palestinien a été également trahi par les dirigeants des pays arabes ; ainsi, la guerre de 1948 a entraîné 800.000 expulsés -plus de la moitié de la population arabe de Palestine- et des villages entiers ont été effacés de la carte de la Palestine (plus de 500) ; ceux qui ont pu échapper à l´expulsion forment aujourd´hui avec leurs descendants environ 15% de la population israélienne et vivent dans un Etat qui se définit comme juif les ignorant superbement.
Cette duplicité (y compris des frères arabes) qui ne dit pas son nom continue ; ainsi, l´Égypte a commencé le 1er mai 2008 ses livraisons de gaz à Israël. Elle s´est engagée à livrer 1,7 milliard de mètres cubes de gaz par an à Israël durant 15 ans au moment même où Ghaza, sous embargo israélien, n´a pas d´électricité! Et, en cela, vous auriez raison de dire que vous ne pourriez être plus arabe que les arabes eux-mêmes, sauf à dire que votre pays -dont vous assurez la direction- demeure encore l'un des rares sur la planète qui peut imposer la paix à Israël. Bien entendu, même en composant avec les groupes de pression agissant dans les sphères politique, économique et médiatique pour l'essentiel (dont certains -beaucoup? - appartiennent aux Démocrates, votre propre camp), vous devriez bénéficier ès qualité de Président d'une marge de manœuvre suffisante vous permettant cette action de nature à effacer définitivement cette injustice flagrante à l'endroit des Palestiniens. Car ils continuent de souffrir le martyr du fait du sentiment de culpabilité des pays occidentaux sur lesquels un magistère moral est exercé en permanence par ces mêmes groupes de pression. Et, faut-il le rappeler, Israël reçoit une énorme aide de toutes natures des Etats-Unis (chaque année quelque cinq milliards de dollars) et autres livraisons d'armes? Ce que vous ne saurez ignorer.
Et faut-il rappeler ici que, de l'intérieur d'Israël même, des voix s'élèvent pour dire non à cette injustice et à l'impunité d'Israël. Ainsi, ce qu'il a été convenu d'appeler les nouveaux historiens israéliens soulignent par exemple la responsabilité de Ben Gourion, entre autres, dans l´expulsion de plus d´un demi-million de Palestiniens. L'un d'eux, Ilan Pappé, dont l'un des ouvrages est paru sous le titre: «Le Nettoyage ethnique de la Palestine» ne manque pas de le souligner: «Quand la propagande israélienne répète inlassablement que «les Arabes sont partis d´eux-mêmes» à l´appel de leurs dirigeants, il s´agit d´un mensonge fondateur destiné à masquer le crime qui s´est déroulé, il y a 60 ans» (1).
Certains journalistes israéliens ne sont pas en reste dans la dénonciation d'Israël, l'un d'eux écrit: «Deïr Yassin, c´est ce paisible village que les groupes juifs terroristes Etzel et Lehi avaient attaqué, le 9 avril 1948, en massacrant toute la population: hommes, femmes et enfants. Je ne rappellerai pas ici l´histoire sanglante des oreilles tranchées, des entrailles répandues, des femmes violées, des hommes brûlés vifs, des corps jetés dans une carrière, ni la parade triomphale des meurtriers» (2). Et que dire alors de Sabra et Chatila? De l'invasion du Liban et des massacres de Ghaza? Alors comment faire la paix dans ces conditions? Si le président Bill Clinton, président durant deux mandats, n'a pas réussi, le pourriez-vous? C'est là sans doute l'espoir non seulement des Palestiniens en tant que peuple, mais également de toute personne et de toute nation éprise de paix et de justice.
A moins de dire, à l'unisson, avec Pierre Stamboul que: «La paix basée sur l´égalité et la justice passe avant tout par la fin de l'impunité d´Israël. Il faut un boycott politique, économique, sportif, moral à l´image de celui qui a fait plier le régime de l´Apartheid» (3).
Monsieur le Président,
Pour cette question éminemment urgente, celle de la Palestine, force est d'observer qu'à la fin de votre premier mandat, votre action dans la perspective de la paix n'a pas eu les résultats escomptés? Et sans aucun doute, votre réélection permettra de mesurer les efforts que votre pays aura encore à consentir pour à la fois redresser l'économie de votre pays (ce faisant l'économie mondiale), mais également à contribuer à résorber les foyers de tensions en Palestine, en Irak et en Afghanistan. Vote pays y est pour quelque chose. Il est donc de son devoir de remettre ces pays en l'état, à un moment où, de surcroît, notre Terre gravement menacée par ailleurs comme ne cessent de nous en aviser les experts en écologie.
Dans cette perspective, le prix à payer, en milliards de dollars, passera par la sécurité alimentaire mondiale : sortir donc l'Afrique (dont vous êtes originaire vaille que vaille) de l'état de famine plutôt qu'un regain de vente des armes au détriment de la plus grande population mondiale et au bonheur d'une minorité de marchands de canons. Il est vrai qu'un auteur américain, William Blum, ayant gravité dans l'Administration américaine en qualité de haut fonctionnaire, expose lucidement les intérêts de cette administration, voire de certaines couches et individualités localisées et liées aux grandes sociétés pétrolières et au complexe militaro-industriel américain.
De fait, en l'absence de contrepoids sérieux, crédible et efficace dans son opposition à cette même administration, force est d'observer que celle-ci monopolise (pour combien de temps encore ?) la violence à l'échelle planétaire sous le couvert de «mondialisation» et agit de façon fort belliqueuse depuis 1945 afin de mettre toutes les économies considérées comme périphériques sinon à genoux, à tout le moins tournant autour de sa galaxie… Ainsi pour atteindre ses objectifs, l'auteur nous rappelle que l'Administration américaine a été l'auteur de bombardements du Japon (bombe A sur Hiroshima et Nagasaki) et du Vietnam (un million de morts et vingt ans de destruction de ce pays). Elle a utilisé de l'uranium appauvri (qui est radioactif) lors de la guerre du Golfe, ainsi que des bombes à fragmentation (4).
Monsieur le Président,
Vous aviez dit Yes, we can? Vous dites aujourd'hui: Four More Years. Soit. Contribuer au règlement de la question palestinienne est un devoir de la plus haute importance pour les USA, d'autant que les Palestiniens - les Arabes, et les Musulmans également - n'ont pas de lobby qui oeuvrent pour leur cause. Ou si peu (combien, en effet, la Maison Blanche compte t-elle de collaborateurs et autres conseillers Arabes et Musulmans?). Il y va de la crédibilité de votre politique de changement préconisée lors de votre premier mandant. Vous êtes condamné à réussir. Et notamment dans votre quête visant l'édification d'un Etat palestinien.
In fine, vous me permettrez de réitérer également et de nouveau le voeu que les Etats-Unis puissent présenter, sous votre nouveau mandat, leurs excuses officielles - avec réparation de tous dommages causés - tant aux Noirs américains longtemps réduits en esclavage et sans droits civiques qu'aux Amérindiens en tant que véritables autochtones longtemps brimés dans votre propre pays.
Avec tous mes respects et en toute cordialité.
* Avocat - auteur Algérien
Notes
1/ Ilan Pappé : Le Nettoyage ethnique de la Palestine (Ed. Fayard, Paris).
2/ Israël Shamir: Les chasseurs de vampires Jaffa, le 14 mars 2001 (cité par L'Expression du 12 Mai 2008).
3/ Pierre Stambul: Il y a 60 ans, la Naqaba.
4/ William Blum : L'Etat voyou, éditions Parangon, cité dans ma contribution: «L'Irak : les leçons d'une agression» in El Watan du 6 avril 2008.
Posté Le : 08/11/2012
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: ladepeche.fr ; texte: Contribution de Ammar Koroghli *
Source : Le Quotidien d'Oran du jeudi 8 novembre 2012