Une association tire la sonnette d'alarme sur la disparition des butineurs. Pour y remédier, il faut replanter des haies et éviter les insecticides.
Les insectes pollinisateurs assurent la reproduction de 90 % des plantes sauvages et des deux tiers de notre alimentation. Pourtant, ils sont sur le déclin. Les espèces rares, comme le bourdon, sensibles aux changements climatiques, commencent à disparaître, mais c'est la population dans sa globalité qui est sur la mauvaise pente. «26 sites protégés sont observés depuis trente ans en Allemagne et il apparaît que 80 % de la biomasse des insectes volants ont disparu, s'alarme Hugues Mouret, directeur scientifique de l'association de défense de l'environnement Arthropologia. Je vous laisse imaginer ce qui se passe dans les zones perturbées.» Son association a organisé du 25 au 27 septembre à Lyon les assises nationales des insectes pollinisateurs. Elles ont rassemblé scientifiques, chercheurs, experts de l'agriculture, des espaces urbains et des infrastructures routières, pour trouver des solutions.
Les causes de la mort lente des butineurs? Les pesticides et insecticides, utilisés dans l'agriculture, mais aussi en zone urbaine, le long des routes, dans les jardins particuliers… «Nous sommes tous coupables», résume Hugues Mouret. «Il y a aussi la destruction de l'habitat et des ressources alimentaires des insectes entraînés par la disparition des haies et l'uniformisation des milieux; poursuit le naturaliste, l'embrasement climatique, le développement des espèces invasives comme la coccinelle asiatique, la punaise diabolique, le frelon asiatique qui prennent le dessus sur les pollinisateurs.»
En France, la vitesse de destruction des sols naturels, donc des refuges pour les insectes, est impressionnante. «Par l'expansion des villes, la construction de parkings, de routes, d'activités commerciales, de trottoirs, on perd chaque année en France 68.000 hectares de sols naturels, soit plus que l'équivalent d'une ville comme Berlin par an [89.000 hectares, NDLR], ou encore de 18 terrains de foot par heure, ou 19 mètres carrés par seconde, explique le directeur scientifique d'Arthropologia. Et en cent ans, en France, on a détruit près de 2 millions de kilomètres de haies, mais également 85 % des zones humides.»
- De l'importance des haies
Voilà pour les causes de la disparition des pollinisateurs. Le but des assises était avant tout d'avancer des solutions simples pour enrayer le phénomène. Elles consistent à «inverser les causes» de leur disparition. «Il faut replanter des haies, commence Hugues Mouret. On le fait déjà, mais on en arrache plus qu'on en replante.» Les haies, ces magiciennes de la nature, sont des réserves d'habitat et de nourriture, pour les insectes mais également le bétail. Elles arrêtent le vent, protègent des aléas climatiques, remplissent les nappes phréatiques. Il faudrait aussi réimplanter des zones humides, mares, étangs, prairies humides, même si cette solution est plus compliquée à mettre en œuvre. «Nous pouvons agir aussi collectivement par l'intermédiaire de notre consommation, poursuit l'entomologiste, en acceptant de payer un peu plus cher des produits agricoles cultivés sans produits chimiques.» Et puis, ajoute-t-il, «parce qu'il n'y a pas de petite écologie», il y a aussi de petits gestes du quotidien qui consistent à laisser la nature, et les fleurs, s'installer partout, sur les balcons, les bords de fenêtres, les rues, «avec des espèces locales» précise Hugues Mouret.
Certaines des solutions avancées aux assises nationales des pollinisateurs sont plus inattendues. C'est ainsi qu'Arthropologia appelle à la «désobéissance civile», face aux campagnes de démoustication organisées contre les moustiques tigres. «Il faut faire barrage aux camions qui viennent démoustiquer. Ces insecticides sont une aberration. Ils tuent tous les insectes, mais ne viennent pas à bout des moustiques tigres.»
- Nos cimetières sont des bombes chimiques
L'association invite aussi à revoir notre gestion des cimetières, mais également de la mort. Elle s'étonne ainsi de l'exception faite aux cimetières comme aux terrains de sport d'appliquer la loi Labbé relative au zéro phytosanitaire. «Nos cimetières sont des bombes chimiques dont on ne sait ce qu'elles vont devenir» explique Hugues Mouret, «en plus des cages de béton des caveaux, des boîtes de bois exotique qui ont fait le tour de la planète des cercueils, ils contiennent des quantités astronomiques de formol, produit chimique dont on imbibe les corps et non dégradable». L'incinération? Tout aussi polluante dans la mesure où elle envoie des quantités de dioxyde de carbone dans l'atmosphère et accélère le réchauffement climatique.
La solution? L'humification, où le retour du corps à l'humus, méthode ancestrale interdite en France, mais pratiquée aux États-Unis. «Elle consiste à enterrer le corps directement dans la terre en pleine forêt. L'homme est extrait de la nature, il retourne à la nature» explique Hugues Mouret.
Photo: Gazé. © DR
De notre correspondante à Lyon, Catherine Lagrange
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Posté Le : 10/06/2023
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : De notre correspondante à Lyon, Catherine Lagrange