Par un frais et lumineux jour de décembre dans la campagne anglaise attenante à Heathrow, des défenseurs de l'environnement empilent du bois pour faire des barricades, jurant qu'ils ne laisseront jamais le tentaculaire aéroport continuer à se développer.
Implanté sur un terrain vague, le camp «Grow Heathrow» est né en mars 2010 afin d'empêcher la construction d'une troisième piste, qui nécessiterait la destruction de centaines de maisons et qui selon les militants nuirait à la qualité de l'air de Londres.
«Personne ici ne veut prendre le risque d'attendre qu'un politique sauve sa maison ou s'assure que l'air soit respirable», explique Rob Jones, 26 ans, à côté d'une parcelle cultivée par les résidents du camp, où poussent haricots, épinards et fenouils.
«Nous ne pouvons pas à la fois bâtir de nouvelles pistes et contrer le changement climatique. Les scientifiques sont catégoriques sur ce point», poursuit-il.
Heathrow prétend au contraire que ce sera «l'aéroport le plus respectueux de l'environnement au monde» grâce notamment à l'amélioration des possibilités d'accès par les transports en commun.
Moyennant 10 livres (14 euros) par mois, entre 40 et 50 personnes vivent dans ce camp aux couleurs vives alimenté par les énergies renouvelables. Les résidents y font divers travaux de bricolage, jardinent, tiennent un atelier de réparation de vélos et prennent leurs repas ensemble.
Un conteneur transformé en dortoir, une maison faite de paille et de boue et d'anciennes serres aménagées avec des canapés, servant aux réunions, constituent les parties communes du camp.
- «Détermination sans faille» -
Les résidents de Grow Heathrow ont déjà résisté à une tentative d'expulsion du terrain qui appartient, selon eux, à un homme d'affaires local possédant une société offshore.
Si la troisième piste est approuvée, «la désobéissance civile continuera», prévient M. Jones, campé sous des cabanes juchées dans les arbres, dans lesquelles les activistes peuvent se réfugier si jamais le camp est assiégé.
«Notre détermination est sans faille», assure-t-il.
De leur côté, les partisans de l'agrandissement d'Heathrow brandissent les retombées économiques du projet: selon un rapport publié cet été, la troisième piste générerait 147 milliards de livres (204 milliards d'euros) pour l'économie britannique sur 60 ans.
Le gouvernement conservateur de David Cameron s'est laissé jusqu'à la fin de l'année pour décider de donner le feu vert à ce projet ou bien à l'expansion de l'aéroport de Gatwick, mais cette décision pourrait encore être repoussée.
Il faut dire que ce projet rencontre d'importantes résistances jusque dans le gouvernement conservateur, le Premier ministre lui-même s'étant prononcé en 2009 contre l'expansion d'Heathrow.
- Compensation financière -
Le député local, John McDonnell, également porte-parole du parti travailliste pour les questions économiques, est lui aussi opposé à l'agrandissement d'Heathrow.
«Pas question que la troisième piste soit construite», a-t-il martelé le mois dernier lors d'un rassemblement du groupe Stop Heathrow Expansion, dans le village d'Harmondsworth, limitrophe de l'aéroport.
«Pas question que nous les autorisions à détruire nos maisons, à potentiellement priver de toit 10.000 personnes, à empoisonner notre atmosphère et à créer du bruit qui gênera une grande partie de Londres», a-t-il continué, devant une audience directement concernée.
Le conflit dure maintenant depuis des années et certains résidents sont désireux d'en finir, de recevoir une compensation financière et de quitter cette zone abîmée par l'intense circulation des voitures se rendant à l'aéroport, le bruit des avions et la prolifération des hôtels.
«L'autre jour, quelqu'un qui voulait toucher la compensation offerte m'a traité de traître, raconte Brian Spink, 61 ans. Moi je ne veux pas bouger, je suis trop vieux pour ça.»
Comme lui, Armelle Thomas, 69 ans, est bien décidée à se battre pour conserver sa maison. Elle estime que l'inquiétude a miné son mari, Tommy, mort huit semaines après avoir été informé que leur habitation serait détruite en cas de troisième piste.
«Pour moi, c'est de l'ordre de l'intime. Ne me parlez surtout pas de compensation. Rien ni personne ne peut remplacer 46 ans avec mon mari bien-aimé», dit-elle en tenant contre son cœur une photo de Tommy, vétéran de la Seconde Guerre mondiale, jeune homme et en uniforme.
Photo: Implanté sur un terrain vague, le camp 'Grow Heathrow' le 5 décembre 2015, près de Londres - LEON NEAL AFP
© 2015 AFP
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Posté Le : 12/12/2015
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: LEON NEAL AFP ; texte: © 2015 AFP du vendredi 11 déc 2015
Source : 20minutes.fr