De par ses potentialités hydriques irrégulièrement réparties, l’Algérie, disposant globalement de près de 600m3/hab/an, «se situe dans la catégorie des pays pauvres en ressources en eau et non pas en état de pénurie comme il est sous-entendu assez souvent au regard du seuil de rareté fixé par les instances mondiales à 1.000m3/hab/an tels les pays développés au climat assez humide», affirme Ali Dakiche, expert en ressources en eau et enseignant à l’université d’Oran.
Selon lui, sans une politique intégrée de développement et de planification de l’eau, sa gestion, qui a pu être restructurée au fil des décennies en termes de vision stratégique, présente et présentera toujours pour toutes les régions semi-arides, comme c’est le cas de la rive sud de la Méditerranée, l’un des défis majeurs socio-économiques de par son caractère fragile et vulnérable sous les effets des changements climatiques sur différentes échelles spatio-temporelles. Il faut savoir que les changements climatiques en cette dernière période de sécheresse, soit les quatre dernières décennies, ne sont pas sans conséquences sur l’eau. Ils contribuent, selon M. Dakiche, à un déficit pluviométrique très irrégulier selon la région (20-35%).
Par conséquent, les écoulements de surface ont tendance, selon lui, à se réduire notablement de 20-30%, particulièrement dans des régions où les bassins versants, sans protection du couvert végétal, sont drastiquement dégradés sous toutes les formes érosives. Les ressources souterraines, quant à elles, ne sont pas en reste. En effet, elles sont, selon M. Dakiche, violemment affectées de par les surexploitations intensives des aquifères, engendrées par l’agriculture traditionnelle dont les techniques adoptées sont entièrement inappropriées en termes d’irrigation.
Ainsi, la croissance démographique, les besoins différenciés mais croissants du pays, les aléas climatiques, les risques naturels majeurs, qu’il s’agisse de sécheresses et pénuries chroniques ou d’inondations dévastatrices, contribuent largement, selon l’expert, au stress hydrique que connaît le pays, particulièrement dans certaines régions où les potentialités sont naturellement précaires, voire limitées. D’ailleurs, depuis quelques semaines déjà, le réseau d’alimentation en eau potable a connu de sérieuses perturbations.
- Perturbations
A cet effet, M. Dakiche explique que de par son caractère précaire et vulnérable dans tous ses états de production et de distribution, l’eau constitue un environnement complexe, à la fois ressource vitale et écosystème sur lequel s’exercent différents usages socioéconomiques, particulièrement dans les domaines de l’alimentation en eau potable, où le réseau d’alimentation doit être potentiellement de mise sous toutes les formes à caractère aléatoire ou technique accidentel. C’est pourquoi, une bonne gestion des milieux aquatiques ou des unités hydrologiques ou encore des zones humides, nécessite, selon le spécialiste, de disposer à fortiori d’une évaluation de l’état de connaissances sur la ressource en eau, lequel repose sur un certain nombre d’indicateurs chiffrés tels que la pluviométrie, l’hydrométrie et la piézométrie, d’une part, et sur d’autres indices liés à la qualité des eaux ainsi que sur l’état géomorphologique des unités hydrologiques ou bassins aquatiques, d’autre part.
Ajoutant que compte tenu de son état persistant et de son intensité, parfois sévère, mais à juste titre contrôlable de par la connaissance suffisante des paramètres hydrologiques spatio-temporels, la sécheresse, combinée aux autres aléas climatiques, devrait être prise en compte sérieusement dans la stratégie de planification, d’aménagement et de gestion intégrée des ressources en eau. «Dans ce contexte, compte tenu des diverses actions entreprises au niveau institutionnel, moyennant investissements colossaux et grands projets du secteur de l’eau, une synergie devrait être développée entre tous les intervenants techniques et scientifiques pour assurer une régulation efficiente et une intégration harmonieuse des différentes opérations dont l’objectif est de pouvoir rendre optimale l’action de l’Etat, d’apporter un soutien efficace à l’état d’esprit des populations, tout en préservant les ressources en eau et en sol», recommande-t-il.
- Politique d’économie d’eau
De son côté, Emir Berkane, président de la fondation Probium, estime qu’au moment où des guerres de l’eau sont déjà en cours, notamment en Ethiopie, Egypte, Jordanie, Irak et plateau du Golan, «les stratégies hydriques doivent se faire sur les cinquante prochaines années et ne doivent plus dépendre d’un programme présidentiel ou d’un mandat ministériel car les enjeux sont immenses».
Mais concrètement, quel est le mode de consommation le plus approprié pour un pays comme l’Algérie? A en croire les experts, la puissance démographique combinée aux activités anthropiques diverses font que les besoins différenciés en eau du pays sont en nette croissance. «Toutefois, très affecté par les aléas climatiques, qu’il s’agisse de sécheresses, désertification et pénuries chroniques ou d’inondations dévastatrices, cet état de rareté hydrique exacerbe sans nul doute le caractère vital de l’eau qui est devenue au quotidien un enjeu psychologique social, culturel mais aussi économique dans son contexte de politique et de planification nationale», confie M. Dakiche.
Quelles sont alors les solutions qui s’offrent à nous afin de diminuer la pression exercée par ce stress hydrique? Pour M. Dakiche, se basant sur le facteur climatique aléatoire, il est admis que le pays subit sans cesse des fluctuations de plus en plus irrégulières, mais à caractère cyclique, donc contrôlable en matière de disponibilité de la ressource.
C’est, selon lui, dans ce cas précis que les potentialités des ressources en eau, se faisant bien sentir, non maîtrisées convenablement, sont de plus en plus affectées. A cet effet, M. Dakiche dresse deux hypothèses. Dans le cas d’une pluviométrie moyenne, le spécialiste assure qu’il est nécessaire qu’il y ait un équilibre pour toutes les régions en termes de satisfaction de tous les besoins, à savoir alimentation en eau potable et irrigation.
Et dans le cas d’une pluviométrie sèche, l’expert assure qu’il est plus recommandé de satisfaire les besoins en alimentation en eau potable et assurer une irrigation à un déficit de 50%. «Dans tous les cas de figure, la nécessité d’une politique d’économie d’eau est absolue, en consolidant le potentiel pour assurer un rééquilibrage entre les régions et les usages, ainsi que l’équité dans la dotation en eau», précise M. Dakiche.
Sofia Ouahib
souahib@elwatan.com
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 27/08/2021
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Sofia Ouahib
Source : elwatan.com du jeudi 26 août 2021