Le Qatar, champion du monde des émissions de gaz à effet de serre par habitant, pourra-t-il faire progresser la lutte contre le changement climatique lors de la 18e conférence sur le climat de l'ONU qu'il accueille du lundi 26 novembre au vendredi 7 décembre ?
La question est ouverte alors que la consommation énergétique du pays explose.
Le richissime émirat, qui cherche à se donner une stature internationale, s'est engagé à assurer le succès de la conférence. Sans toutefois convaincre.
"Le Qatar n'aurait pas été mon choix", regrette Raul Estrada, architecte du protocole historique de Kyoto de 1997, interrogé par l'AFP.
Selon lui, le financement de la conférence par ce pays justifiait de lui en confier l'organisation, mais pas la présidence.
"On a besoin d'un leadership fort pour progresser, avancer. Je ne vois pas ce leadership, ajoute cet ex-diplomate argentin. Dans toute l'histoire des négociations climatiques, le Qatar a essayé d'empêcher l'adoption d'engagements à réduire l'utilisation des combustibles fossiles afin d'atténuer le réchauffement climatique."
EMPREINTE MAXIMALE
Depuis une décennie, les Qataris détiennent le record d'émissions de CO2 par habitant: 44 tonnes selon les données de l'ONU de 2009, soit presque trois fois plus qu'un Américain (17 t), huit fois plus qu'un Chinois (6 t) et 22 fois plus qu'un Indien (2 t).
Doha a signé le protocole de Kyoto, qui limite les émissions de gaz à effet de serre. Mais, en tant que pays en voie de développement au moment de la ratification – aujourd'hui 2e pays le plus riche en termes de PIB/hab –, il ne s'est pas vu fixer d'objectif de réduction de ses rejets, et n'a pris aucun engagement volontaire.
Dans son dernier rapport en mai, l'ONG de protection de l'environnement WWF désignait par ailleurs le Qatar comme le pays ayant la plus forte empreinte écologique, à savoir 11,5 hectares globaux par habitant, c'est-à-dire la surface de terre et le volume d'eau nécessaires pour produire les ressources consommées par la population chaque année et absorber le dioxyde de carbone rejeté.
CONSOMMATION D'ÉNERGIE
Comment expliquer une telle empreinte carbone?
La réponse réside dans la colossale consommation énergétique du Qatar. Si 80 % du mix énergétique du pays vient du gaz – deux fois moins émetteur de CO2 que le charbon – et seulement 20 % du pétrole, l'industrie qatarie, essentiellement gazière et pétrochimique, s'avère extrêmement intensive en énergie.
Selon les dernières données de l'Agence internationale de l'énergie, le Qatar était en 2011 le 18e plus important producteur de pétrole brut (avec 60 millions de tonnes) et surtout le 5e plus grand producteur de gaz naturel du monde, avec 150 milliards de m3.
Une capacité de production de GLN doublée depuis 2008 et qui continue de progresser rapidement.
Ramenées à une très faible population (1,67 million d'habitants), les émissions carbonées explosent donc.
La demande en énergie de la population augmente par ailleurs de 7 % chaque année, portée par le développement économique. L'électricité étant gratuite, son gaspillage n'est pas pénalisé.
Dernier facteur aggravant: ce pays côtier du Golfe au climat aride s'appuie, pour ses besoins en eau, sur le dessalement de l'eau de mer, technologie coûteuse en énergie et donc en émissions.
Or, malgré cette rareté, l'eau est gratuite. Conséquence: une consommation des plus importantes au monde, avec 400 litres par habitant et par an.
SOLAIRE ET BIODIESEL
Depuis quelques années, le Qatar, menacé par la montée des eaux entraînée par le réchauffement, semble toutefois disposé à inverser la tendance.
En 2009, la compagnie Qatar Airways a réalisé le premier vol commercial à base de gaz naturel, entre Londres et Doha. Le pays envisage de réduire les rejets du secteur aérien au moyen de cette énergie.
Du côté des renouvelables, un complexe solaire de 3,5 GW devrait voir le jour en 2013.
Le pays entreprend en outre de limiter les rejets de ses industries. C'est notamment le cas de l'immense gisement de pétrole et de gaz Al Shaheen, qui a vu ses émissions diminuer grâce à la récupération et la réutilisation des gaz associés à la combustion des hydrocarbures – au lieu de les détruire en torchères, ce qui constitue un gaspillage de ressources énergétiques et une pollution inutile.
Enfin, des recherches sont menées, en collaboration avec le pétrolier Shell et l'université britannique Imperial College London, pour stocker le dioxyde de carbone.
Ces efforts ont pour l'instant payé: les émissions de CO2 ont été réduites depuis cinq ans, passant de 63 tonnes par habitant en 2005, à 57 tonnes en 2007 et 44 tonnes en 2009.
"Le Qatar dispose d'un gros potentiel pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre, notamment en raison du solaire. Mais actuellement, sa production d'énergie croît rapidement et Doha est plus intéressée par le développement de son secteur gazier que par la réduction de ses rejets, tempère le cabinet d'études sur l'énergie Enerdata, qui a réalisé un rapport sur le Qatar. Il sera donc très compliqué de décarbonner massivement son industrie à court terme."
* Photo: Le Qatar détient le record d'émissions de CO2 par habitant. | AFP/KARIM JAAFAR
Audrey Garric
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Posté Le : 26/11/2012
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: AFP/KARIM JAAFAR ; texte Audrey Garric
Source : lemonde.fr/planete du dimanche 25 novembre 2012