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Planète - «Le pire est à venir»: les experts de l’ONU alertent sur les effets imminents du dérèglement climatique



Planète - «Le pire est à venir»: les experts de l’ONU alertent sur les effets imminents du dérèglement climatique


Problèmes systémiques, manque d’adaptation, faim, pauvreté extrême, catastrophes météorologiques, transformation de l’Amazonie en savane et hausse du niveau de la mer de 13 mètres: le rapport en cours d’écriture du GIEC prend un ton apocalyptique et offre une unique note d’espoir


AFP

Publié mercredi 23 juin 2021 à 07:42
Modifié mercredi 23 juin 2021 à 07:42

La vie sur Terre telle que nous la connaissons sera inéluctablement transformée par le dérèglement climatique quand les enfants nés en 2021 auront 30 ans, voire plus tôt. C’est l’alerte donnée par des experts climat de l’organisation des Nations unies dans un projet de rapport obtenu par l’Agence France-Presse. Quel que soit le rythme de réduction des émissions de gaz à effet de serre, les impacts dévastateurs du réchauffement sur la nature et l’humanité qui en dépend vont s’accélérer, assure le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), et devenir douloureusement palpables bien avant 2050.

- «Le pire est à venir»

«La vie sur Terre peut se remettre d’un changement climatique majeur en évoluant vers de nouvelles espèces et en créant de nouveaux écosystèmes», note le résumé technique de 137 pages. «L’humanité ne le peut pas.» Le projet de rapport rédigé par des centaines de scientifiques rattachés au GIEC, qui fait autorité en la matière, oscille entre un ton apocalyptique et l’espoir offert aux hommes de changer leur destin par des mesures immédiates et drastiques.

Le rapport d’évaluation complet de 4.000 pages, bien plus alarmiste que le précédent de 2014, a pour vocation d’éclairer les décisions politiques. Même si ses principales conclusions ne changeront pas, il ne sera officiellement publié qu’en février 2022, après son approbation par consensus par les 195 Etats membres. Trop tard cependant pour les cruciales réunions internationales sur le climat et la biodiversité prévues fin 2021, notent certains scientifiques.

Parmi ses conclusions les plus importantes, figure un abaissement du seuil au-delà duquel le réchauffement peut être considéré comme acceptable. En signant l’accord de Paris en 2015, le monde s’est engagé à limiter le réchauffement à 2 °C par rapport à l’ère préindustrielle, si possible 1,5 °C.

Désormais, le GIEC estime que dépasser 1,5 °C pourrait déjà entraîner «progressivement, des conséquences graves, pendant des siècles, et parfois irréversibles.» Et selon l’Organisation météorologique mondiale, la probabilité que ce seuil de 1,5 °C sur une année soit dépassé dès 2025 est déjà de 40%. «Le pire est à venir, avec des implications sur la vie de nos enfants et nos petits-enfants bien plus que sur la nôtre», martèlent les experts du GIEC, alors que la prise de conscience sur la crise climatique n’a jamais été aussi étendue.

- Le climat a déjà changé

Alors que la hausse des températures moyennes depuis le milieu du XIXe siècle atteint 1,1 °C, les effets sont déjà graves et seront de plus en plus violents, même si les émissions de CO2 sont freinées. Et les êtres vivants, humains ou non, les moins à blâmer pour ces émissions sont ironiquement ceux qui en souffriront le plus. Pour certains animaux et variétés de plantes, il est peut-être même déjà trop tard: «Même à 1,5 °C, les conditions de vie vont changer au-delà de la capacité de certains organismes à s’adapter», souligne le rapport, citant notamment les récifs coralliens dont un demi-milliard de personnes dépendent.

Parmi les espèces en sursis figurent les animaux de l’Arctique, territoire qui se réchauffe trois fois plus vite que la moyenne. Sur place, des modes de vie ancestraux, de peuples vivant en lien étroit avec la glace pourraient aussi disparaître. Agriculture, élevage, pêche ou aquaculture, «dans tous les systèmes de production alimentaire, les pertes soudaines s’accroissent», observe aussi le rapport, pointant là encore les aléas climatiques comme «principal moteur.»

Or l’humanité n’est à ce stade pas armée pour faire face à la dégradation certaine de la situation. «Les niveaux actuels d’adaptation seront insuffisants pour répondre aux futurs risques climatiques», préviennent les experts. Même en limitant la hausse à 2 °C, jusqu’à 80 millions de personnes supplémentaires auront faim d’ici à 2050 et 130 millions pourraient tomber dans la pauvreté extrême d’ici dix ans.

- Des effets en cascade

En 2050, des centaines de millions d’habitants de villes côtières seront menacées par des vagues-submersion plus fréquentes, provoquées par hausse du niveau de la mer, qui entraînera à son tour des migrations importantes. A 1,5 °C, dans les villes, 350 millions d’habitants supplémentaires seront exposés aux pénuries d’eau, 400 millions à  2 °C. Et avec ce demi-degré supplémentaire, 420 millions de personnes de plus seront menacées par des canicules extrêmes. «Les coûts d’adaptation pour l’Afrique devraient augmenter de dizaines de milliards de dollars par an au-delà de 2 °C», prédit le rapport. Encore faut-il trouver cet argent.

Le texte souligne d’autre part le danger des effets en cascade. Certaines régions (est du Brésil, Asie du Sud-Est, Chine centrale) et presque toutes les zones côtières pourraient être frappées par trois ou quatre catastrophes météo simultanées, voire plus: canicule, sécheresse, cyclone, incendies, inondation, maladies transportées par les moustiques, etc. Et il faut de surcroît prendre en compte les effets amplificateurs d’autres activités humaines néfastes pour la planète, note le document: destruction des habitats, surexploitation des ressources, pollution, propagation des maladies, etc.

Sans oublier les incertitudes autour des «points de bascule», éléments clés dont la modification substantielle pourrait entraîner le système climatique vers un changement violent et irrémédiable. Au-delà de 2 °C, la fonte des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique de l’Ouest – qui contiennent assez d’eau pour provoquer une hausse du niveau de la mer de 13 mètres – pourraient par exemple entraîner un point de non-retour, selon de récents travaux.

- Freiner l’emballement

C’est pour cela que «chaque fraction d’un degré compte», insistent les scientifiques, alors qu’un autre point de rupture pourrait voir l’Amazonie – un des poumons de la planète avec les océans – transformée en savane. Face à ces problèmes systémiques, aucun remède miracle unique. En revanche, une seule action peut avoir des effets positifs en cascade.

Par exemple, la conservation et la restauration des mangroves et des forêts sous-marines de kelp, qualifiées de puits de «carbone bleu», accroissent le stockage du carbone, mais protègent aussi contre les submersions, tout en fournissant un habitat à de nombreuses espèces et de la nourriture aux populations côtières.

En dépit de ses conclusions alarmantes, le rapport offre ainsi une note d’espoir. L’humanité peut encore orienter sa destinée vers un avenir meilleur en prenant aujourd’hui des mesures fortes pour freiner l’emballement de la deuxième moitié du siècle. «Nous avons besoin d’une transformation radicale des processus et des comportements à tous les niveaux: individus, communautés, entreprises, institutions et gouvernement», plaident les auteurs. «Nous devons redéfinir notre mode de vie et de consommation.»



Photo: Cette photographie prise le 23 octobre 2020 montre le barrage d'Abdelmoumen, à 60 kilomètres de la ville côtière d'Agadir, au Maroc. — © FADEL SENNA / AFP

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