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Planète - «Le contact avec la nature pendant l’enfance développe la conscience écologique»



Planète - «Le contact avec la nature pendant l’enfance développe la conscience écologique»


ENTRETIEN. Le chercheur Michel Loreau rappelle que la distance géographique entre lieu de vie et espace naturel n’a cessé d’augmenter depuis les années 2000.

Un groupe de chercheurs, parmi lesquels le Belge Michel Loreau, de la Station d'écologie théorique et expérimentale du CNRS, a compilé 18 études empiriques internationales sur l'extinction de l'expérience de la nature. Cette synthèse de données est une première, et le constat sans appel: notre proximité physique et culturelle, notamment celle des enfants, avec la nature ne cesse de reculer.

- Le Point: À l'ère post-Covid19, un élan vers la nature se fait ressentir. Pourtant, toutes les études sur lesquelles vous vous êtes penchés, vous et les chercheurs Victor Cazalis et Gladys Barragan-Jason, montrent un éloignement croissant. Comment cela se traduit-il?

Michel Loreau: Ce résultat peut paraître surprenant. Il y a, en effet, une réelle différence entre les discours et la réalité. L'expérience de la nature, qui est un concept récent et plutôt vaste, peut se quantifier. Il s'agit d'abord de la distance géographique entre lieu de vie et espace naturel. Elle s'élève à 9,7 km en moyenne, plus précisément 16 kilomètres en France, et 22 kilomètres en Allemagne. Cela fait 640 mètres perdus en moyenne par personne dans le monde, en vingt ans!.

Et cette distance qui nous sépare des espaces naturels n'a cessé d'augmenter, avec une hausse de 7 % depuis les années 2000. Les activités de plein air et les entrées dans les parcs nationaux ont également fortement diminué, principalement aux États-Unis, au Japon et en Espagne.

Deux bons élèves se distinguent: l'Allemagne et la République tchèque, où la hausse de la fréquentation des parcs naturels par les enfants a augmenté ces dernières années. Il faudrait pousser davantage l'enquête pour en tirer des leçons. Enfin, la couverture forestière en ville et en zones périurbaines est, elle aussi, en déclin.

- Comment ces phénomènes s'expliquent-ils?

L'urbanisation est le principal facteur: elle explose, particulièrement en Afrique et en Amérique latine. Aujourd'hui, la moitié de la population mondiale vit en ville, et on atteindra les deux tiers dans quelques années. Un phénomène qui n'est pas compensé par le verdissement des villes. Sur ce sujet, on est loin du compte, on note même une régression. Enfin est prise en compte la destruction des milieux naturels.

- Vous relevez pourtant un intérêt accru pour la nature via les réseaux sociaux, les documentaires et les films…

Oui, on perçoit une appétence récente pour les sujets liés à la nature, aux animaux, mais, une fois encore, sur le long terme, la réalité est tout autre. Des études montrent qu'en Angleterre et en Australie, depuis les années 1950, la présence d'animaux et de thématiques environnementales s'est faite de plus en plus rare dans la littérature, la musique et le cinéma. Et le même constat a été fait dans les films Disney et Pixar entre 1937 et 2010, où la représentation humaine prédomine de plus en plus.

- Quelle importance cette expérience de la nature a-t-elle concernant les enfants?

De nombreux chercheurs, au début des années 2000, puis en 2018, ont établi une corrélation entre le contact avec la nature pendant l'enfance et l'attachement émotionnel à la nature et la tendance à développer des comportements proenvironnementaux.

- Ces résultats sont-ils alarmants?

Il y a suffisamment de cris d'alarme sur le changement climatique, la perte de biodiversité et la destruction de la ressource naturelle pour ne pas en rajouter! Mais il est urgent de souligner ce cercle vicieux: moins on sera en contact avec la nature, et ce, dès l'enfance, moins on développera une conscience de ces enjeux, et moins on sera sensibles aux politiques proposées. Pour faire face aux enjeux écologiques du XXIᵉ siècle, et aux transformations sociales nécessaires, il est important de conserver une connexion à la nature.





Photo: Une vue des Pyrénées. «Les activités de plein air et les entrées dans les parcs nationaux ont fortement diminué», selon les études analysées par le chercheur Michel Loreau.

Propos recueillis par Caroline Douteau


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