Il est célèbre pour avoir le premier alerté le public sur l'influence des activités humaines sur le changement climatique. Le climatologue engagé James Hansen a quitté la NASA, où il dirigeait le principal laboratoire de science climatique, l'Institut Goddard des études spatiales (GISS), mardi 2 avril, après quarante-six ans de carrière et la publication de moultes études sur le réchauffement de la planète.
A 72 ans, le scientifique aspire à une plus grande liberté pour mener son action militante en faveur du climat, un engagement qu'il qualifie "d'obligation morale". Dans un e-mail au New York Times, il indique quitter l'agence spatiale pour "pouvoir se consacrer entièrement à la recherche scientifique, mobiliser l'attention des jeunes sur les implications du réchauffement et expliquer ce que la science recommande".
Selon le quotidien américain, James Hansen envisage ainsi de jouer un rôle plus actif dans les actions en justice menées au nom de l'écologie, comme pour reprocher au gouvernement son incapacité à limiter les émissions de dioxyde de carbone. Il prévoit en outre de faire du lobbying auprès des décideurs politiques européens – parmi les plus sensibles au changement climatique – et espère parvenir à taxer le pétrole extrait des sables bitumineux au Canada, une énergie fossile particulièrement polluante et largement consommée aux Etats-Unis. "En tant qu'employé du gouvernement, vous ne pouvez témoigner contre le gouvernement", justifie-t-il.
TENSIONS AVEC SA HIÉRARCHIE
Ces dernières années, James Hansen était pourtant déjà devenu un militant. Il s'était ainsi mis à plusieurs reprises en congé de la NASA pour participer à des manifestations pour le climat. Il avait par ailleurs été arrêté et cité à comparaître une demi-douzaine de fois, comme en automne 2009, après avoir passé la nuit dans un parc à Boston avec des étudiants tentant de faire pression sur l'Etat du Massachusetts pour qu'il adopte une loi sur le climat.
Un engagement personnel qui lui a valu des tensions avec sa hiérarchie et le gouvernement fédéral, particulièrement sous l'administration du président George W. Bush. Il s'est ainsi vu un moment interdit de parler à la presse, avant de révéler au New York Times que son travail était soumis à une censure politique visant à ne pas fragiliser les positions de la Maison Blanche.
Au-delà des pressions politiques, certains de ses collègues ont eux aussi vertement critiqué son action militante et son manque de retenue, estimant qu'il prêtait le flanc aux attaques des climatosceptiques et desservait au final la lutte contre le changement climatique.
Exemples de ces dérapages: fin 2007, témoignant devant une commission chargée de statuer sur la construction d'une centrale à charbon dans l'Iowa, il avait comparé les convois de houille aux "trains de la mort" sillonnant l'Europe à destination des camps d'extermination nazis pendant la seconde guerre mondiale. Il accusait en outre régulièrement ses adversaires climatosceptiques de perpétrer des "crimes contre l'humanité". Franc-tireur, il a aussi déçu jusqu'aux rangs écolos, notamment en promouvant activement l'énergie nucléaire.
Lire : Un climatologue en guerre contre les pétroliers
À L'AVANT-GARDE DE LA SCIENCE DU CLIMAT
Malgré tout, une partie de la communauté scientifique lui a témoigné un soutien indéfectible, admirant sa volonté de risquer sa carrière pour ses convictions. "Ces dernières années, il était allé au bout de ses idées. Il est parfois allé trop loin, mais c'est une bonne chose que de grands scientifiques comme lui s'engagent pour défendre une telle cause. Il a énormément apporté à la compréhension du climat", juge le climatologue français Jean Jouzel, lui aussi passé par le GISS.
"James Hansen a été à l'avant-garde de quasiment toutes les avancées conceptuelles dans la science du climat depuis quarante ans, confirme le directeur adjoint du GISS, Gavin Schmidt, dans un courrier au New York Times. Ce que Jim a écrit il y a vingt ans a donné le ton à tout ce champ de recherche et ses prédictions se sont généralement concrétisées, malheureusement pour la planète."
SENSATION DEVANT LE CONGRÈS
Quand James Hansen, originaire d'une petite ville de l'Iowa, commence sa carrière au GISS en 1967, comme chercheur post-doctorant, c'est pour étudier Vénus, jumelle de la Terre devenue fournaise. Mais au cours des années 1970, la préoccupation grandit quant au réchauffement de la Planète bleue. Hansen change de téléobjectif et commence à publier des articles scientifiques démontrant les effets majeurs de la hausse des températures sur la planète, tels que la hausse du niveau des mers.
En 1988, par un été caniculaire, ses recherches sur le changement climatique sortent des laboratoires pour entrer dans le débat public. Auditionné par une commission du Sénat, celui qui est alors directeur du GISS depuis sept ans fait sensation en annonçant être certain à "99 %" que le climat terrestre était entré dans une période de réchauffement provoqué par les activités humaines et non la variabilité naturelle du climat.
Lire : James Hansen : un climat très politique
Devenu une figure publique, il s'emploie, à l'aide de modèles climatiques et relevés satellites, à confirmer le changement climatique en cours, parfois avec un certain manque de réserves. Mais les événements ultérieurs n'ont cessé de confirmer ses dires. Les dix-neuf années les plus chaudes depuis le début des relevés de température en 1880 se sont toutes produites depuis son premier discours devant le Congrès. Et une température mensuelle mondiale inférieure à la moyenne du XXe siècle n'a plus été observée sur Terre depuis le mois de février 1985.
Voir : La NASA illustre le réchauffement climatique de 1880 à 2011
Lire : Novembre, 333e mois consécutif de surchauffe sur la planète
* Photo: Le climatologue américain James Hansen, en août 2012. | ASSOCIATED PRESS/Mary Altaffer
Audrey Garric
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Posté Le : 07/04/2013
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: ASSOCIATED PRESS/Mary Altaffer ; texte: Audrey Garric
Source : lemonde.fr / 03.04.2013