Maxima Acuña de Chaupe le répète: elle ne quittera pas le terrain qu'elle occupe avec les siens près de la Lagune bleue, à 4.000 mètres d'altitude, dans la région andine de Cajamarca, au nord du Pérou.
«Je vis ici depuis des années et je mourrai ici s'il le faut, mais je ne partirai pas », affirme cette femme de 44 ans aux longs cheveux noirs, devenue le symbole de la lutte contre Conga, un immense projet de mine d'or et de cuivre à ciel ouvert.
Le 5 août, elle et sa famille ont pourtant été sommées par la justice péruvienne d'abandonner les lieux sous peine d'aller en prison. Un juge local a estimé que le terrain de 26 hectares appartenait bien à la compagnie Yanacocha depuis 2001 et faisait donc partie de Conga. Un point que nie catégoriquement la paysanne, qui assure avoir acheté l'endroit en 1994.
«J'ai un titre de propriété qui le prouve», s'indigne-t-elle.
Dans un communiqué, la compagnie minière se réjouit du jugement qui démontre, selon elle, «que la famille avait envahi le terrain de manière violente en 2011».
Mais Maxima de Chaupe n'en convient pas, racontant que des agents de la mine ont tenté de l'expulser à plusieurs reprises.
«Ils ont brûlé notre maison, nous ont frappés, ont volé nos biens», s'indigne l'agricultrice.
DEPUIS 2011, CONGA DIVISE LA POPULATION PÉRUVIENNE
«Le terrain des Chaupe est situé au cœur du projet minier Conga. C'est pour cela que Yanacocha fait son possible pour les déloger», estime l'avocate de la famille, Mirtha Vasquez, qui travaille pour Grufides, ONG opposée au chantier.
Depuis 2011, Conga divise la population péruvienne. Alors que certains insistent sur l'importance pour le pays de ce projet qui représente un investissement évalué à 4,8 milliards de dollars (3,6 milliards d'euros) sur dix-neuf ans, d'autres estiment que cette nouvelle mine va mettre en danger les ressources hydriques de la région indispensables aux agriculteurs, déjà affectés par de nombreuses opérations minières. Conga prévoit la disparition de cinq lacs, dont la Lagune bleue, destinée à devenir, si le projet prospère, un espace réservé aux déchets et aux eaux sales.
Le projet Conga a officiellement été «suspendu» par le gouvernement en août 2012, après la mort de cinq manifestants opposés au chantier. Craignant une reprise des travaux, les ONG ne baissent pas la garde et surveillent en permanence les lacs. Depuis mardi, elles multiplient aussi les messages de soutien aux Chaupe.
«NI AUJOURD'HUI NI JAMAIS»
Mirtha Vasquez insiste sur l'importance de l'affaire.
«C'est la première famille qui ose mener la bataille, même sur le plan judiciaire», argue l'avocate.
Pour elle, «la réaction de Maxima et des siens représente enfin la réaction des paysans pauvres qui veulent se défendre».
Parents de quatre enfants, les Chaupe vivent de l'artisanat, de l'agriculture et de l'élevage, comme la majorité des habitants de la région.
«Parce que nous sommes pauvres et paysans, ils pensent qu'ils peuvent envahir de force notre terrain», s'insurge Maxima, avant de répéter d'un ton ferme qu'elle ne vendra pas.
«Ni aujourd'hui ni jamais.»
Craignant d'être délogée à tout moment, la famille Chaupe – qui a reçu le soutien de la Coordination nationale des droits de l'homme, un réseau regroupant 80 ONG – a fait appel du jugement qui la condamne pour usurpation aggravée à deux ans et huit mois de prison avec sursis, à quitter son terrain et à verser 1.450 euros de réparations civiles à la compagnie Yanacocha.
* Photo: Un des cinq lacs menacés par le projet de mine Conga, à Cajamarca. | ERNESTO BENAVIDES/AFP
Chrystelle Barbier (Lima, correspondance)
Journaliste au Monde
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Posté Le : 20/08/2014
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: ERNESTO BENAVIDES/AFP ; texte:Chrystelle Barbier
Source : http://www.lemonde.fr/ publié le 12 août 2014