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Planète - Journée de la Terre: Vous avez interviewé Christian Huglo, auteur d'«Avocat pour l'environnement»



Planète - Journée de la Terre: Vous avez interviewé Christian Huglo, auteur d'«Avocat pour l'environnement»




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Conclusion:

Toute conclusion est par définition bêtise, comme disait Flaubert. Dans le domaine de l'environnement, c’est l’avenir qui est en cause et ce sont les efforts que nous ferons pour mobiliser la société civile qui seuls compteront, en attendant un Code mondial de l’environnement , comme je préconise dans mon ouvrage «Avocat pour l’environnement», publié aux éditions LexisNexis et qui sortira le 26 avril.


Zekri: Que doit t'on faire en premier lieu pour pouvoir mettre en place une politique de recyclage des ordures ménagères?

La pesée embarquée: il existe des systèmes de ce genre mis en place par des collectivités territoriales (en Alsace notamment), ce qui diminue le volume et permet un “recyclage domestique,” et non le “tout à la poubelle”. Pour le reste, il faut que l’on substitue à la notion de déchet, celle de matière primaire secondaire. On passera d’un droit des déchets négatif à un droit des déchets positif.

Jeremie: Parmi tous les scandales environnementaux du 20e ou 21e siècle, quel est le plus majeur? Pourquoi? D’une manière générale, comment jugez-vous la prise de conscience de la population sur ces catastrophes?

C’est la pollution qui ne se voit pas. Je cite souvent à mes étudiants l’exemple de la mer blanche, hautement polluée par les carcasses de bâtiments soviétiques à réacteurs nucléaires hors service. L’idée que l’on puisse avoir une catastrophe comparable de près ou de loin à celle de Fukushima ou de Tchernobyl me terrifie.

Quant à la prise de conscience, elle est réelle mais n’est pas suivie d’effectivité. Le système politique actuel au scrutin majoritaire empêche la société civile d’envoyer un message plus riche à nos dirigeants. Je vois que les procédés de démocratie directe sont utiles et indispensables. Il nous faudrait aussi la création d’un conseil des générations futures, composé de personnes jeunes pour remplacer notre conseil économique et sociale , dit environnemental, qui ne sert pas à grand chose. C’est aux générations futures de parler.

Charlotte: M. Huglo, ne pensez-vous pas que le système des class actions, comme aux USA, permettrait de donner plus de poids aux victimes multiples de grandes catastrophes et permettraient de voir plus souvent condamnés les grands pollueurs? Un projet de loi serait en cours en France, qu'en pensez-vous?

Précisément sur le point, les class actions à l’américaine dans l’affaire de l’Amoco Cadiz ont échoué. Car les avocats américains qui étaient chargés de cette procédure parallèle à la notre, n’ont cherché à servir que leurs intérêts propres. Un avocat ne doit pas être propriétaire de la cause qu’il défend, il doit toujours rendre des comptes sur les moyens qu’il emploie et le but qu’il poursuit. Le système de la class action est donc à bannir. En France, un projet de loi sur les aspects droit de la consommation et droit de la santé rendrait un grand service, et d’après les échos que je reçois, il semble que dans les projets du gouvernement, ce ne soit pas vraiment l’optique recherchée. Dans le domaine de l’environnement en l’état, on peut faire de grandes choses avec les associations, surtout lorsqu’elles s’allient avec les collectivités publiques.

Patrick: Vous-même, au quotidien, que faites-vous pour la planète? Etes-vous un écolo acharné?

Je ne suis pas exemplaire, mais je m’y efforce. Le seul acharnement que je connais, c’est celui du travail, mais je peux vous dire que je ne me sers jamais de ma voiture à Paris et que ma femme a une petite Smart.

Lautier: Nicolas Hulot en politique, vous y avez cru ou pas?

J’ai beaucoup de sympathie pour Nicolas Hulot, mais ce qui est gagné dans les médias doit être gagné dans la réalité.

Hervé: Quelle est la meilleure manière selon vous de s’engager en faveur de l’environnement?

Je crois que c’est de participer aux associations. Je ne crois pas aux partis politiques classiques qui ont récupéré de façon décevante l’idée écologique. C’est dans la société civile que l’on peut trouver les leviers nécessaires.

Marie: Question orientation: Pourquoi le droit de l’environnement et pas le pénal ou autre chose? Au cours de vos études, qu’est-ce qui vous a poussé vers cette voie?

Il y a deux questions : il y a du pénal dans le droit de l’environnement, mais il est très faible et mal organisé. Pourquoi la France refuse-t-elle toutjours d’adopter , comme le demande l’Europe un délit général d’environnement?
Ensuite, c’est au cours de ma pratique professionnelle que j’ai été formé au droit public qui est relié par nature au droit international et au droit européen. Et c’est grâce à cette vision stratégique , qui dépasse le seul territoire de la République, qu’il a été possible de commencer les grands procès internationaux dans le domaine de l’environnement.
A la vision juridique, il faut toujours ajouter une bonne connaissance technique des données en cause. Et je me suis formé en écologie dans les ouvrages spécialisés, notamment les traités du professeur Ramade, car vous ne démontrez rien si vous n’avez pas l’expertise avec vous.

Ginies: En tant que spécialiste de l’environnement, que pensez-vous du mouvement GINKS, qui vise à limiter le nombre d’enfants, pour soi-disant, sauver la planète?

Je ne connais pas en détail les tenants et aboutissants de ce mouvement, mais pour moi , passer uniquement par la démographie, c’est refuser de voir le problème. Ce qui est en cause dans l’écologie et dans les problèmes que nous avons avec la planète, c’est la question de la maîtrise de nos industries, de notre consommation et de nos territoires. Car si nous sommes en crise, c’est tout simplement que nous avons voulu inverser la logique des fins et des moyens.

Titia: Pensez-vous que la législation soit la seule manière de réellement protéger l’environnement?

Bien sûr que non. Quand on regarde ce qui s’est passé, on s’aperçoit que le législateur ne fait que suivre ce qui est pris en main par la société civile. Il faut comprendre que l’Etat est lui-même assureur , transporteur, industriel, et que c’est souvent contraint et forcé qu’il cède et reconnait des droits à l’environnement. La lecture des travaux parlementaires est très éloquente à cet égard. Ma confiance va plutot dans le juge qui est à la source de toutes les innovations.

Verité: D’après vous, quelle loi serait à mettre urgemment en place?

Pas une loi, mais une juridiction internationale.

Samuel: Quelles sont selon vous, les vraies retombées écologiques et sanitaires de Fukushima?

Elles sont considérables. Pires que celles de Tchernobyl , c’est toute une région qui est touchée ainsi qu’un vaste espace marin. Les nouvelles qui nous parviennent sont d’autant plus alarmantes que le risque est grand qu’il se produise un nouvel accident car la situation actuelle est instable.

Manira: En tant qu’avocat, quelle affaire auriez-vous rêvé de défendre? Ou rêverions-vous de défendre?

Celle de Tchernobyl que j’ai commencé en avril 1986, mais c’’était le moment où s’ouvrait la deuxième partie du procès de l’Amoco Cadiz à Chicago. Pour l’avenir, celle du premier procès qui se déroulerait devant une nouvelle juridiction internationale.

Kylie: L’écologie, ni de gauche ni de droite, on entend ce refrain partout, qu’en pensez-vous?

En fait, l’écologie est tellement politique qu’elle dépasse à la fois la gauche et la droite. Je fais la différence entre ceux qui y croient vraiment, qui font semblant d’y croire, qui font semblant de la servir pour mieux s’en servir... Il y a de vrais écologistes qui ont mis leur temps et leurs compétences au service de cette cause, c’est la seule chose qui m’intéresse.

Pascontent: Sincèrement, vous pensez vraiment que décréter une journée de la Terre, ça peut changer les choses? Quand passera-ton vraiment à l’action avec des textes contraignants pour les entreprises et les particuliers?

Je partage votre opinion, c’est tout les jours qu’on devrait s’occuper de la Terre. Notre société a une capacité inouie à cacher les vrais problèmes. Le vrai sujet, c’est que tous les états adoptent une législation préservatrice de l’environnement. On n’y est pas encore, et c’est pourquoi je propose de travailler sur un projet de code mondial de l’environnement et de réfléchir sur la création d’une juridiction internationale pour prévenir et / ou réprimer les atteintes graves à l’environnement.

Henri: De quel procès gardez-vous les souvenirs les plus forts ? Quelle a été votre plus grande victoire? Et votre plus grande défaite ?

Naturellement, l’affaire de l’Amoco Cadiz, pour les bretons, car les américains voulaient nous écraser sous les dollars et qu’il a fallu des trésors d’énergie pour, sans beaucoup de moyens, résister. J’ai une grande tendresse pour le procès de la Montedison dont je parle longuement dans mon livre et pour la passion que les Corses ont mis dans la défense de leur territoire. Pour la plus grande défaite, je raconte comment en France, le Conseil d’Etat et la Cour de Cassation dans l’affaire de la baie de seine et l’affaire de Calais ont mis à néant plusieurs années de procédure. Mais cela ne m’a pas empêché de continuer mes efforts pour obtenir une législation européennes sur le bioxyde de titane dont la fabrication est responsable des fameuses boues rouges.
Je ne désespère jamais.

Jeanne: On parle d’inscrire le préjudice écologique dans le code civil, qu’est-ce que cela changerait?

Cela officialiserait de façon solennelle la reconnaissance de ce type de préjudice. Vous remarquerez que déjà dans un procès pénal, il est possible de l’invoquer : c’est ce que j’ai réussi à faire dans l’affaire de l’Erika. Ce qu’il faudrait, c’est qu’il soit reconnu aussi par le juge administratif. J’ai publié un article dans une revue spécialisée sur ce point (Actualité juridique de droit administratif) . Personnellement, je pense que la seule reconnaissance importante, c’est celle du juge en toute circonstance et surtout de dépasser la conception selon laquelle tout préjudice doit être réparé en argent, mais procéder à ce que l’on appelle de la compensation qui est à mon avis la seule réparation écologique valable.

Michel: Quelle différence macroscopique peut-on faire entre la viandes de boeuf et celle de cheval?

Il est évident que cela ne se voit pas immédiatement et qu’il faut recourir à une expertise, c’est bien pourquoi la question de l’information et surtout de la fiabilité de l’information est totalement essentielle.

OhCheat: Depuis la catastrophe de Fukushima, les politiques de certaines pays parlent de sortie du nucléaire, cependant aucune énergie ne se dégage pour succéder au nucléaire à part une, et peu de gens le savent: le charbon. Le charbon c'est 1/4 de la consommation mondiale en énergie et encore 125 ans de réserves. Peut-on imaginer que la sortie du nucléaire entrainera un retour du charbon, en particulier dans les pays pauvres?

Il est vrai que le recours au charbon est la solution préconisée comme la plus rapide et la plus efficace, mais le problème ne se pose pas en termes de fatalité car la solution semble être celle du stockage de l’électricité. Des expériences existent, et je me réfèrerait à une récent conférence de presse de Corinne Lepage qui explique comment nos voisins allemands ont commencé à industrialiser ce procédé. Ceci est essentiel parce que précisément le stockage de l’électricité permet de stocker l’électricité provenant des énergies dites renouvelables. Ce qui faisait difficulté pour elles, c’est leur intermittence.
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Erika, c’était lui. Le nucléaire a aussi occupé quelques-unes de ces plaidoiries. En cette Journée de la Terre du 22 avril, nous avons le plaisir de recevoir Christian Huglo, avocat spécialisé en droit de l’environnement. Sur le front de plusieurs grandes batailles judiciaires, ce juriste a développé sa propre idée d’une législation efficace en matière d’écologie. Il sera à la rédaction de 20 Minutes, lundi 22 avril, pour en parler avec vous.

* Photo: Christian Huglo, auteur d’ «Avocat pour l'environnement» C.GONTHIER / 20MINUTES

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