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Planète - France: Un projet absurde d’autoroute menace l’Eure-et-Loir



Planète - France: Un projet absurde d’autoroute menace l’Eure-et-Loir




En Eure-et-Loir, la machine administrative s’est mise en branle pour porter un projet d’autoroute payant, l’A154, au détriment de l’intérêt général. Les écologistes font valoir l’inutilité, le coût exorbitant et les dommages environnementaux de cette opération. D’autant qu’une alternative existe, utilisant en partie les voies disponibles.

Il y a des départements en France qui n’ont pas de chance. D’abord parce qu’ils sont près de Paris et qu’ils doivent en subir tous les désavantages, à commencer par deux autoroutes, bientôt trois peut-être ; et ensuite parce qu’ils ont été administrés depuis près d’un demi-siècle par un personnel politique médiocre, ne sachant ni prévoir ni oser. C’est le cas de l’Eure-et-Loir, préfecture Chartres. Là, au milieu de ces grandes plaines céréalières où l’écologie est toujours un gros mot, n’ont guère poussé d’hommes politiques capables de se faire entendre de la capitale pourtant toute proche. Pas de grand ministre depuis le regretté Maurice Viollette [1], ministre d’État sous le Front populaire...

De quoi voulons-nous parler?

D’un projet d’autoroute payante qui irait du nord de l’Eure-et-Loir (Nonancourt) au sud (Allaines) et qui permettrait notamment aux poids lourds venus du nord de l’Europe d’aller vers le Sud ou inversement, sans passer par Paris... Un projet classé en bonne place dans les GPII, ces «Grands Projets inutiles et imposés» dont vous trouverez la liste ici.

Les élus ont cru trouver la baguette magique

Contrairement à l’Eure, où un Jean-Louis Debré a trouvé les moyens de construire sa 2 x 2 voies gratuite d’Évreux à Nonancourt à la fin des années 1990, l’Eure-et-Loir a traîné, souvent à cause de batailles entre «grands maires», bien qu’ils soient souvent du même bord politique – à droite faut-il le préciser. On aura même vu à cette époque le contournement d’une petite ville, St-Rémy-sur-Avre, où passent actuellement 8.000 poids lourds par jour, être remis d’année en année faute d’un accord des élus sur le trajet – allait-on passer au sud ou au nord ? Résultat, les 10 millions d’euros prévus ont été affectés à la mise en sécurité du... port du Havre!

Mais, au milieu des années 2000, les élus ont cru trouver la baguette magique. Puisqu’ils n’ont pas su prévoir ni financer, eh bien c’est simple, il n’y a qu’à confier cela au privé... Et voilà comment on crée une nouvelle autoroute à péage, sur la RN12 et la RN154 en reprenant des tronçons de 2 x 2, voies déjà financés par le contribuable [2]. Les grands maires y ont bien vu leur intérêt: Dreux s’est dit qu’il allait créer une grande zone d’activité au sud de la ville, tout près de l’autoroute, Chartres aurait sa rocade Est sans débourser un sou, Vernouillet (dirigé par un socialiste) pourrait se délester de tous les camions qui passent sur la sienne tandis que St-Rémy aurait enfin son contournement.

Tout le monde est content?

Pas vraiment. Un certain nombre d’associations ont fait valoir les défauts d’un tel projet.

«Construire une nouvelle autoroute, qui va détruire 660 hectares de terres agricoles, n’a aucun sens, c’est un projet du passé, qui date de 1994. Alors que le trafic stagne ou même régresse, on doit imaginer autre chose», explique Martine Trofleau, qui préside la Feel, la Fédération environnement Eure-et-Loir, qui regroupe la plupart des associations locales.

On pourrait par exemple favoriser le ferroutage, puisque la voie ferrée de Rouen à Orléans existe presque en totalité (elle fut construite après la défaite de 1870 pour permettre les manœuvres de l’armée autour de Paris, en cas de nouveau conflit avec l’Allemagne). Mais évidemment le ferroutage ne dépend pas des élus locaux qui, de toutes façons, sont peu sensibilisés à cette question. Et le gouvernement, malgré la COP 21 et les belles paroles, continue de privilégier la route, le plus énergivore des transports.

Au diable les grincheux d’écolos

Depuis près de dix ans donc, la machine administrative avance, sans beaucoup se soucier de ce que peuvent penser les citoyens et les associations qui les représentent. On a eu droit à un beau débat public, en 2009-2010, où les opposants ont cru pouvoir faire valoir leurs arguments. Ils ont d’abord souligné qu’il était un peu fort de café de faire payer aux Euréliens un péage pour des routes qu’ils avaient déjà en partie financées. Ils ont fait valoir qu’avec un péage, de nombreux usagers (voitures et camions) se reporteront sur les voies de substitution qui passent au cœur des villages et des bourgs. Ils ont aussi objecté que cette autoroute pourrait polluer la nappe phréatique qui alimente en eau potable tout le Drouais... D’ailleurs on attend toujours l’étude sur l’empreinte carbone du projet!

Mais, au diable les grincheux d’écolos, le projet va de l’avant. Le 25 juin 2010, le ministre de l’époque, Jean-Louis Borloo, signe donc le décret, en demandant – seul bémol – des études complémentaires. Depuis, 5 millions d’euros ont été dépensés pour ces études, qui concluent évidemment que l’autoroute est la meilleure solution.

Les associations, elles, prônent depuis le début un choix plus sage: l’utilisation des voies existantes, qui sont déjà partiellement aménagées en 2 x 2 voies. Ce projet alternatif, baptisé MOB28, ne prendrait que 97 hectares de terres agricoles pour les contournements, n’imposeraient pas de péage, et répond à tous les besoins des poids lourds et des Euréliens (voir sur Facebook Tous avec MOB 28 – MOB28). Pas question, répondent obstinément les autorités.

Au sein de la Feel, certains ne croient plus au processus de concertation et voudraient passer à des actions plus musclées.

«C’est toute la question. Nous sommes pris entre deux feux, explique Martine Trofleau. De temps en temps, on pense qu’il faut s’impliquer dans la procédure pour motiver les gens... Mais beaucoup de militants pensent que c’est du pipeau. Alors que faire? Soit on continue, soit on ferme boutique. Soit on tombe dans la résistance.»

La présidente de la Feel est une femme posée et tenace, qui préfère jouer le jeu et rester légaliste. Elle garde le contact avec le préfet, entretient de bons rapports avec les experts mandatés par les pouvoirs publics et a obtenu une première «victoire»: le chiffrage du projet alternatif par la Dreal (la direction régionale du ministère de l’Ecologie, qui est maître d’ouvrage du projet). C’est suite en effet à une rencontre avec des collaborateurs de Manuel Valls que les opposants ont obtenu cette concession.

Verser au privé une «subvention d’équilibre»

Et le résultat est sans appel: tandis que le projet d’autoroute coûtera plus d’un milliard d’euros (selon le préfet de région), celui du MOB 28 ne s’élève qu’à 320 millions (le chiffrage en terme d’impact environnemental qui était également demandé n’a pas été fait). Mais bien sûr dans le cas de l’autoroute, c’est le privé qui paie l’essentiel (en réalité, ce sont les futurs péages), alors que pour les voies existantes, c’est au public (l’État pour 50 %) de payer. Or, les caisses sont vides. Mais il faut savoir que le privé n’avancera pas tout. Une «subvention d’équilibre» devrait être versée par l’État et les collectivités, qui pourrait aller de 60 millions d’euros (hypothèse basse avec peu d’échangeurs et des péages élevés) à plus de 200 millions. En 2013, Frédéric Cuvillier, alors secrétaire d’État au Transport, explique aux élus, dans une lettre assez jésuite, que l’État ne mettra que 30 millions et que c’est aux politiques locaux de se débrouiller.

«Depuis, on nage en plein mystère, explique Jean, un antiautoroute, on ne sait pas qui va financer quoi.»

Au sein du conseil départemental, où il n’y a que des élus de droite, à l’exception de deux socialistes, c’est la foire d’empoigne. À tel point que l’on évite maintenant de mettre à l’ordre du jour le dossier de l’A154... Ce qui est certain, c’est que même avec le péage la facture sera lourde (subventions plus péages), et que le projet MOB28, s’il était étalé dans le temps, ne serait pas plus douloureux pour les citoyens.

En juin dernier, Ségolène Royal, la ministre de l’Écologie, a enterré, au grand dam des élus locaux, le projet d’autoroute A831 qui devait relier Rochefort (Charente-Maritime) à Fontenay-aux-Roses (Vendée).

La raison avancée?

Le coût du projet et surtout son absence de rentabilité qui se traduirait par «des compensations de déficits qu’il faudrait verser à l’exploitant». Sans commentaire.

Encore beaucoup d’incertitudes et de non-dits

En Eure-et-Loir, où le projet de l’A154 ne sera pas plus rentable, les pouvoirs publics prévoient-ils aussi des «compensations» chaque année? Mystère. Les élus, en tête le député et conseiller régional Philippe Vigier (droite), affirment que non. Mais sont-ils tout à fait informés? Il y a sans doute encore beaucoup d’incertitudes et de non-dits autour de ce projet. Et donc quelques espoirs pour les opposants

Le 18 novembre, les associations battaient le pavé à Chartres pour faire signer une nouvelle pétition). L’objectif? Récolter 5.000 signatures au moins, pour prouver que les Euréliens, contrairement à ce qu’affirment les élus, ne sont pas tous d’accord avec le projet... Il y aura sans doute plus de mobilisation lorsque l’enquête d’utilité publique démarrera, fin 2016.





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