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Planète - France: Pour le patron de Paprec, le 21e siècle sera celui du recyclage



Planète - France: Pour le patron de Paprec, le 21e siècle sera celui du recyclage




Ruban rouge de chevalier de la Légion d'honneur à la boutonnière, chemise portant ses initiales: Jean-Luc Petithuguenin est fier de sa réussite. A juste titre, puisqu'il a fait de Paprec, entreprise de 45 salariés spécialisée dans le recyclage des vieux papiers, rachetée en 1995, le premier groupe français indépendant de recyclage, avec 3.500 salariés et un chiffre d'affaires de plus de 750 millions d'euros en 2012. Ce qui donne à cet homme de 56 ans la légitimité pour distribuer bons et mauvais points concernant la valorisation des déchets en France .

Il a assisté aux premières loges à la multiplication des filières appliquant chacune le principe de responsabilité élargie des producteurs (REP) à un gisement de déchets. Il en existe aujourd'hui dix-neuf en France, dotées d'un ou de plusieurs éco-organismes chargés d'organiser la filière. Selon le président-directeur général de Paprec, ce système n'est pas loin d'atteindre ses limites en raison des coûts qu'il entraîne.

« En caricaturant un peu, on se dit qu'on va finir par créer une filière pour récupérer votre bouteille d'eau de Javel, affirme-t-il. Autre exemple de folie: la coexistence de deux éco-organismes pour gérer la filière des déchets d'ameublement, un pour les professionnels, un pour les particuliers. A mon sens, l'avenir est plutôt à des éco-organismes multifilières au niveau régional qui géreront l'ensemble des flux. On sera d'autant plus performant en matière d'innovation et d'économie circulaire. »

CENTRE DE TRI DE PROXIMITÉ

Jean-Luc Petitihuguenin, dont l'entreprise dispose de cinquante centres de tri et de sept usines de transformation du plastique en France, se veut le chantre de solutions locales, élaborées en fonction des besoins et en concertation avec les industriels, les citoyens et les consommateurs, plutôt que de « la pensée centralisatrice et égalitaire ». L'entreprise a ainsi ouvert récemment un centre de tri « de proximité » à Liouc, dans le Gard, afin de tester la viabilité de tels équipements dans des zones peu peuplées.

«Les éco-organismes affirment que pour trier moins cher, il faut de grands centres de tri, estime le patron de Paprec. Je n'en suis pas persuadé. Des unités plus petites mais plus proches des gisements coûtent moins cher en termes de transports.»

Le chef d'entreprise suit également avec un certain scepticisme l'expérience d'extension des consignes de tri à l'ensemble des déchets d'emballages plastiques menée actuellement par l'éco-organisme Eco-Emballages. Selon lui, les faibles quantités de certaines résines plastiques ne permettront pas de les recycler à un coût raisonnable.

«Je le dis en tant que premier recycleur de matières plastiques en France: ce serait une folie de vouloir imposer cela au niveau national, reprend-il. Techniquement, je sais tout recycler, mais à 1.500 euros la tonne, cela vaut-il le coup? Les écologistes veulent recycler davantage, mais cela risquerait d'entraîner un renchérissement considérable de la gestion des déchets en France.»

SECTEUR SANS AVENIR

Le recyclage fait pourtant vivre son entreprise, qui traite près de cinq millions de tonnes de déchets par an. Le papier ne représente plus qu'un tiers de son activité, la part du plastique et des métaux étant croissante.

«Si on s'était limité au papier, on serait morts aujourd'hui», affirme Jean-Luc Petithuguenin.

Lauréat du prix de l'entrepreneur de l'année en 2012, celui-ci aime rappeler qu'à l'époque où il a quitté la Générale des eaux (devenue Veolia depuis), dont il était un cadre dirigeant, pour se lancer dans l'aventure Paprec, un de ses collègues lui avait demandé ce qu'il allait faire dans ce secteur sans avenir...

«Le 21e siècle sera celui des matières premières issues du recyclage, qui vont devenir majoritaires», assure-t-il.

Selon lui, les ressources recyclées permettent notamment d'éviter une envolée des prix des matières premières dites vierges, que la raréfaction des ressources naturelles risquerait de provoquer.

Il estime qu'avec deux groupes de dimension internationale comme Veolia et Suez Environnement ainsi que des entreprises de taille intermédiaire comme Paprec, Séché Environnement ou Derichebourg, la France dispose d'un savoir-faire et d'atouts appréciables en matière de recyclage des déchets.

«Il existe peu de secteurs où la France est aussi compétitive que celui du recyclage», insiste-t-il, tout en rappelant que le recyclage des matières premières est l'une des sept ambitions retenues par Anne Lauvergeon dans le rapport sur l'innovation en France qu'elle a remis en octobre à François Hollande.

Au passage, Jean-Luc Petithuguenin ne peut se retenir d'égratigner son ancien employeur, dont le PDG, Antoine Frérot, s'est vu confier le volet «recyclage et matériaux verts» du plan de reconquête industrielle lancé en septembre par le gouvernement.

«C'est bien que Veolia, qui ne comprend pas grand-chose au recyclage, pilote ce projet», lance-t-il, un sourire en coin.

* Photo: Jean-Luc Petithuguenin, PDGl de Paprec. | Paprec

Gilles van Kote
Journaliste au Monde



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