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Planète (France) - Nicolas Hulot au JDD: 'Tant que je suis là, c'est que j'y crois'



Planète (France) - Nicolas Hulot au JDD: 'Tant que je suis là, c'est que j'y crois'


Cinq mois après son entrée au gouvernement, Nicolas Hulot s'exprime dans le Journal du Dimanche. Le ministre de la Transition écologique et solidaire dément fermement les rumeurs de départ de son ministère - une "légende urbaine" selon lui - et assure que ses relations avec le Président sont au beau fixe: "Je n’ai aucun doute sur la volonté d’Emmanuel Macron de me donner les moyens d’agir", affirme-t-il. Le ministre dresse également un premier bilan de son action au gouvernement et se dit optimiste: "En cinq mois, on en a fait des choses!".


*Nicolas Hulot et sa place dans le gouvernement

- Vous avez démenti cette semaine des rumeurs de démission. D'où viennent d'après vous ces questions récurrentes sur votre départ?

Je ne sais pas d'où vient cette ­légende urbaine. Quand on annonce mon départ, je suis toujours le dernier informé ; en général, c'est ma femme qui me l'apprend par SMS… Il n'y a aucune réalité dans ce scénario. Peut-être que je ne m'exprime pas assez. Mais sans mauvais jeu de mots, j'ai la tête sous l'eau.

- N'entretenez-vous pas le doute en disant vous-même que vous voulez être sûr d'être utile?

Je ne suis pas dans la théâtralisation du rapport de forces. Je me donne un laps de temps pour mesurer si je peux répondre aux attentes de ceux qui partagent mes espoirs et mes craintes. Depuis cinq mois, rien ne me rend inquiet – mais rien ne m'assure non plus que je vais gagner sur tout ce à quoi je crois. En tout cas, je n'ai aucun doute sur la volonté d'Emmanuel Macron de me donner les moyens d'agir.

- Êtes-vous un ministre heureux?

Je ne vois pas comment on peut éprouver du bonheur quand on a le sens des responsabilités – nous sommes dans l'inquiétude permanente de ne pas bien faire. Mais si on participe à un changement en profondeur, on peut éprouver de la satisfaction. Et face à la transition que l'on engage, on peut même être enthousiaste!

- Quel bilan tirez-vous à ce stade?

Le vote mardi de la loi qui interdit l'exploitation des hydrocarbures est une vraie satisfaction. Sur le front du climat, la France prend le leadership dans la mise en œuvre de l'accord de Paris, notamment avec le Plan climat et la neutralité carbone. L'interdiction des voitures diesel ou essence à l'horizon 2040, ce n'est pas rien. La fin de l'utilisation du charbon, d'ici à 2022, pour la production d'électricité non plus. Et ce que le Président a annoncé cette semaine sur notre modèle alimentaire est un virage historique. En cinq mois, on en a fait des choses! La complexité, c'est que je dois en permanence combiner le long terme et le court terme.


*Un "équilibre à trouver" sur le glyphosate

- C'est ce que vous faites sur le glyphosate? Vous voulez l'interdire, mais pas tout de suite…

Si je ne prenais en compte que la situation immédiate des agriculteurs, je ne ferais rien car parfois ils ne peuvent pas se passer de ce produit. Si je m'inscris sur une échelle de temps plus longue et si je considère la santé des citoyens, la sagesse voudrait que je l'interdise tout de suite. C'est un équilibre à trouver. Ma posture d'avant – celle qui consistait à exiger – était plus facile ; maintenant, je dois mettre en œuvre. Notre politique sur ce sujet est la plus responsable d'Europe.

- Interdirez-vous le glyphosate avant la fin du quinquennat?

Je ne serai jamais faible vis-à-vis d'entreprises qui tentent de mettre en coupe réglée les ressources de la planète et qui se sont rarement distinguées par leur altruisme. Avec Agnès Buzyn, la ministre de la Santé, nous allons demander des évaluations indépendantes pour que nos décisions soient incontestables. Mais nous en savons assez pour dire qu'il faut sortir du glyphosate. L'objectif est d'y parvenir le plus vite possible en développant des solutions de substitution. Sachez une chose: je ne recule jamais ; parfois, je patiente un peu. Parce qu'il arrive qu'en faisant un pas de trop, on casse tout un processus. Moi, je veux aboutir.

- Dans le "laps de temps" dont vous parlez, qu'est-ce qui vous convaincra du fait que vous êtes utile… ou pas?

Mon obsession quotidienne, c'est de ne pas trébucher et de ne pas desservir la cause que je défends. J'ai un critère: est-ce que mon action crée des dynamiques irréversibles pour engager la transition écologique et solidaire? Je ne suis pas là pour conforter un modèle qui appartient au passé. Tant que je suis là, c'est que j'y crois.


*Hydrocarbures, nucléaire, Notre-Dame-des-Landes... Les autres dossiers qui l'attendent

- Construire l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, ce serait conforter un modèle du passé?

Je n'y pense pas aujourd'hui. Nous aurons un rapport d'experts début décembre. On décidera ensuite.

- Pourquoi ne vous êtes-vous pas fait davantage entendre dans les états généraux de l'alimentation?

Ils sont pilotés par Stéphane Travert, le ministre de l'Agriculture, mais je vous rappelle que je ne suis pas pour rien dans leur existence. Et j'en partage les objectifs. La loi qui en découlera sera décisive pour sécuriser le monde agricole. Dans le domaine du bio, nous allons changer d'échelle. Si nous pouvions avoir 50% de conventionnel amélioré et 50% de bio, ce serait positif. À terme, c'est de la souveraineté alimentaire de la France qu'il s'agit. C'est un objectif qui peut soulever une adhésion magnifique de la société.

- Le Ceta, qui vient d'entrer en vigueur, ne contredit-il pas nos engagements climatiques?

M'avez-vous entendu dire que c'était génial? Ce n'est pas ce que je pense. Mais c'est un traité à ratifier, cela relève du Parlement. Je souhaite qu'un vrai débat ait lieu. Comme le Président s'y était engagé, nous avons saisi une commission indépendante qui a remis ses conclusions. Sur cette base, nous travaillons à un plan d'action.

- Supprimer les aides au maintien de l'agriculture biologique, n'est-ce pas un mauvais signal?

Il faut mieux répartir les aides entre les types d'agriculture – c'est ce que nous avons fait pour aider plus l'agriculture de montagne. À l'avenir, si on crée un marché bio volumineux, et ce sera le cas avec la restauration collective, ce sera tout aussi structurant pour la filière. Sans crier victoire, le monde agricole, même le plus conservateur, est dans un état d'esprit favorable. Attendons la conclusion des états généraux.

- Votre loi sur les hydrocarbures n'en fixe l'abandon qu'en 2040. N'est-ce pas trop tard?

Dès que la loi sera promulguée, on n'accordera plus de nouveaux permis. La France est le premier pays à bannir immédiatement l'exploration, et à terme l'exploitation, des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels. Le glas des énergies fossiles a été sonné. Il vaut mieux planifier que subir – ou renoncer.

- Vous jugez nécessaire la fermeture de 17 réacteurs nucléaires d'ici à 2025. Est-ce vraiment possible?

On a trop souvent fait des lois comme des trophées, avec des objectifs ambitieux mais sans se soucier de la mise en œuvre – la preuve: on n'a toujours pas fermé Fessenheim. Avec la loi de transition énergétique, j'hérite d'objectifs que l'on dit pharaoniques ou utopiques – moi, je dis nécessaires. Elle prévoit de réduire à 50% la part du nucléaire dans notre production d'électricité en 2025. Cela implique de fermer un grand nombre de réacteurs. Pour cela, il faut une stratégie. Il y a des emplois en jeu, des solutions de ­remplacement à trouver, nos émissions de gaz à effet de serre à réduire… J'écoute toutes les parties avant de définir le rythme ­approprié de la transition à conduire.

- Il y aura donc des fermetures de réacteurs sous ce quinquennat?

Évidemment, ne serait-ce que parce que nous fermerons Fessenheim. Le Président s'y est engagé.

- Les futurs "contrats de transition" pour les lieux concernés par les fermetures prévoiront-ils des aides aux collectivités ou à ceux qui perdent leur emploi?

L'État pourra aider les collectivités, identifier les créations de nouvelles activités. Dans une transition, les gens ont des craintes, c'est normal. Mais au final, le bénéfice sera plus grand que le préjudice: sur les hydrocarbures, on estime que d'ici à 2040, quelques milliers d'emplois seront concernés ; alors que plusieurs centaines de milliers d'emplois seront créées avec la rénovation des bâtiments et le développement des énergies renouvelables.


*Emmanuel Macron et l'écologie

- Avez-vous convaincu Emmanuel ­Macron de s'engager à fond pour l'écologie?

L'injonction climatique nous oblige à accélérer la sortie des énergies fossiles. Ce sera un bénéfice pour la santé (les conséquences sanitaires de la pollution se chiffrent à 5.000 milliards par an dans le monde), la paix (la lutte pour les sources d'énergie provoque des guerres) et pour l'équilibre Nord-Sud. C'est un monde nouveau qui se prépare, et une formidable révolution sociétale. Emmanuel Macron sait tout cela. Si j'ai pu le convaincre sur certains points, tant mieux – c'est mon rôle. Mais il n'a pas eu besoin de moi pour réagir quand Donald Trump s'est dégagé de l'accord de Paris. C'est lui qui m'a appelé!

- Le Président a confié ensuite au JDD qu'il pensait convaincre Trump de revenir en arrière…

C'est son fantastique optimisme! Il faut toujours essayer de convaincre quand on a raison. Mais changer les convictions de Trump sur ce sujet sera difficile. Il faut donc également tourner notre diplomatie vers les autres acteurs américains: les entreprises, les villes ou les États. Eux peuvent compenser l'effet négatif de la décision de Trump.

- Sur la suppression des aides à l'achat de vélos électriques, vous avez perdu contre Bercy?

Les aides sont faites pour stimuler de nouvelles filières, pas pour durer éternellement. Le marché du vélo électrique est lancé, tant mieux. Il peut vivre de lui-même à présent. Nous allons par ailleurs réfléchir, dans le cadre des assises de la mobilité, le meilleur moyen de soutenir le vélo électrique et plus généralement l'usage du vélo.

- Anne Hidalgo est critiquée pour sa politique contre la voiture à Paris. La soutenez-vous?

Oui. Elle est très courageuse parce qu'il n'y a que des coups à prendre. Que sa politique ne produise pas d'effets immédiatement démontrables contre la pollution ne doit pas la faire reculer.

- Sa politique fiscale fait-elle de Macron un "président des riches"?

Je n'ai pas du tout ce sentiment. Sa stratégie, c'est d'assainir les comptes publics pour retrouver un climat de confiance, puis de relancer l'économie et de répondre aux préoccupations sociales. Le ­budget porte de nombreuses ­mesures pour les ménages modestes et les classes moyennes. C'est aussi ce que nous faisons avec nos mesures sur le ­climat: des aides pour les plus modestes sur le changement de voiture, la rénovation des ­logements.

Peu de ministres se mettent en avant pour défendre la politique du Président et du gouvernement. Votre popularité ne devrait-elle pas vous y inciter?

Mon domaine est si vaste et ­tellement essentiel que je dois me concentrer. Je travaille dix-huit heures par jour et je n'ai guère de temps pour communiquer. Être ministre, c'est n'avoir plus ­beaucoup de libertés. Quand je retournerai dans la société civile, je serai plus indulgent sur ce ­boulot…


Interview JDD






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