Algérie

Planète (France) - Marie-Monique Robin: «L’ortie est devenue pour moi un symbole de résistance»



Planète (France) - Marie-Monique Robin: «L’ortie est devenue pour moi un symbole de résistance»


Fille d’agriculteur, Marie-Monique Robin a vu toute son enfance les orties éliminées à grand renfort de Roundup. Depuis, la journaliste d’investigation et auteure de documentaires tels que «Le Monde selon Monsanto» a fait la paix avec cette plante mal-aimée.

«Je suis née dans une ferme des Deux-Sèvres. Mon père et ma mère, agriculteur et fille de commerçant, se sont rencontrés à la JAC, la Jeunesse agricole catholique. Ce mouvement né dans l’entre-deux-guerres peut paraître ringard, mais il était très novateur à l’époque: ces fils de paysans, souvent considérés comme des ploucs, affirmaient là leur statut avec fierté. Mon père était brillant, il aurait pu avoir un autre parcours, mais il a voulu rester agriculteur, convaincu qu’il fallait faire évoluer le monde rural. Il a toujours dit: “On fait le plus beau métier du monde, si on n’était pas là, personne ne pourrait vivre ni travailler.”

Quand il a repris la ferme familiale, il est entré tête baissée – comme bien d’autres à ce moment-là – dans le système agro-industriel. On ne peut pas leur en vouloir. On leur disait “il faut nourrir le monde”, c’était un objectif noble. Les paysans sont devenus des “exploitants” agricoles, mon père s’est endetté pour se moderniser. Il s’est associé avec quatre agriculteurs : on était cinq familles réparties sur 200 hectares, avec toutes sortes de productions – moutons, vaches laitières, cultures de maïs –, qui n’étaient adaptées ni à la région ni aux besoins locaux.

Nutritive, riches en vitamines, tonique, régénérante…

Vous pensez bien que les orties, ça n’existait pas chez nous: on mettait du Roundup dessus! Pendant toute mon enfance et une grande partie de ma vie, je ne les ai vues que comme des mauvaises herbes invasives, des plantes méchantes qui font peur, parce que mes parents me racontaient aussi des histoires de fessées aux orties. Ce n’est que plus tard, une fois en lien avec les mouvements écologiques, que j’ai commencé à les apprécier.

«Et, là, j’ai découvert les mille façons de l’utiliser : soupe, jus, flan, confiture, beignet, gâteau, sirops, savon, crème, shampoing, tissu, purin (c’est un fertilisant et un insecticide naturel)…»

En 2012, on m’a proposé d’être la marraine du festival Orties Folies, le rassemblement annuel des amoureux de cette plante. Et, là, j’ai découvert les mille façons de l’utiliser: soupe, jus, flan, confiture, beignet, gâteau, sirops, savon, crème, shampoing, tissu, purin (c’est un fertilisant et un insecticide naturel)… J’ai aussi appris qu’elle était nutritive, riche en vitamines, minéraux, protéines, mais aussi tonique, régénérante, dépolluante… Cela a changé ma vie. L’ortie est devenue pour moi un symbole de résistance que l’agriculture industrielle et chimique s’évertue à détruire.

Mes parents sont à la retraite mais vivent toujours sur leurs terres. Quand mon frère a repris la ferme, il a vu mon film Le Monde selon Monsanto et a décidé de tout passer en bio. C’est dans le jardin de mes parents que je suis allée chercher des orties pour les replanter dans mon potager en banlieue parisienne. J’en ai deux mètres carrés, que je récolte régulièrement pour les cuisiner. J’aime tout particulièrement cette recette de «brandade», tirée d’un livre du botaniste François Couplan, car elle joue avec la saveur presque marine que peuvent avoir les orties matures. C’est un plat végétal, délicieux et très nourrissant, qui ne coûte presque rien: un plat parfaitement résilient.»


En salles le 20 novembre: «Nouvelle Cordée», documentaire de Marie-Monique Robin

Photo: Marie-Monique Robin, journaliste d’investigation et auteure de documentaires. Photo Julie Balagué pour M Le magazine du Monde

Camille Labro


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