Les organismes génétiquement modifiés (OGM) ont-ils discrètement changé d'appellation? C'est l'opinion des Faucheurs volontaires qui ont mené, dimanche 2 septembre, plusieurs fauchages partiels dans la Drôme et l'Isère, ciblant deux variétés de tournesol obtenues par mutagenèse, rendues résistantes à un herbicide, le premier commercialisé par BASF, le second par Pioneer.
Les Faucheurs entendaient protester contre le développement de cultures qui sont, selon eux, assimilables à des cultures transgéniques, sans pour autant être soumises au même régime d'autorisation de mise sur le marché et d'étiquetage.
Dans un communiqué rendu public le jour de leur action, les Faucheurs disent vouloir attirer l'attention sur le fait "qu'une partie importante des surfaces de tournesol de la région (Rhône-Alpes) a été semée avec des variétés mutées (...), véritables OGM qui ne disent pas leur nom".
La mutagenèse, un succédané de la transgenèse? Les végétaux dits "mutés" sont-ils des OGM? L'Union française des semenciers (UFS) récuse l'amalgame.
"La mutagénèse utilise un phénomène naturel, mis à profit depuis les débuts de l'agriculture pour sélectionner des variétés en fonction de leurs propriétés", répond Emmanuel Lesprit, directeur de la réglementation et de l'innovation à l'UFS.
Ce phénomène est l'accumulation de mutations génétiques accidentelles et aléatoires, d'une génération sur l'autre ; il est à la base de l'évolution des espèces.
Il est possible d'induire et d'accélérer ce processus en laboratoire, en soumettant les végétaux à des rayons X, à des rayonnements ultraviolets (UV) ou à des agents chimiques. En contraignant ainsi à un taux élevé de mutations génétiques un grand nombre de plants, la probabilité devient forte que l'un d'eux développe les caractéristiques recherchées.
LA FNSEA A CONDAMNÉ LES FAUCHAGES
"Sans ajouter de gènes extérieurs à la plante [comme c'est le cas pour la transgenèse], ajoute M. Lesprit, il est ainsi possible d'obtenir des variétés de plantes pourvues de caractères nouveaux, comme un changement de la texture des fruits, de la couleur des fleurs ou encore une résistance à des parasites ou à des herbicides."
La Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) a condamné les fauchages. Au contraire, Philippe Collin, porte-parole de la Confédération paysanne, estime que "les plantes issues de la mutagénèse devraient logiquement être évaluées comme des OGM".
A l'UFS, on explique que les variétés de tournesol ciblées sont utilisées pour lutter contre l'ambroisie – une plante invasive et allergène – très présente dans la région. Une fausse solution pour M. Collin, pour qui le développement de tournesol muté résistant à des herbicides déjà homologués sur d'autres cultures, "va intensifier leur utilisation, ce qui conduira à l'émergence de résistances chez l'ambroisie et les autres adventices [mauvaises herbes]".
Une expertise collective, menée par l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et le CNRS, a mis en garde contre cette perspective. De fait, en Amérique du Nord, le développement massif de cultures transgéniques dites "Roundup Ready", et de l'herbicide associé, conçu par Monsanto, s'est soldé, en plus d'une décennie, par l'apparition de résistances parmi les mauvaises herbes. Aux Etats-Unis et au Canada, la gestion de ces 'super-adventices' est devenue très problématique.
Cependant, rétorque-t-on à l'UFS, l'ensemble de la filière (semenciers, agrochimistes et instituts techniques agricoles) s'est engagée à respecter un plan supervisé par le ministère de l'agriculture, destiné à n'utiliser de variétés mutées résistantes qu'en cas de réelle nécessité.
"CONTRÔLE LÉGAL" DES SEMENCIERS SUR LES SEMENCES
Mais au-delà du cas spécifique des variétés résistantes à des herbicides, le développement de la mutagenèse apparaît, aux yeux des Faucheurs comme à ceux de la Confédération paysanne, comme un moyen mis en œuvre par les semenciers pour asseoir leur "contrôle légal" sur les semences, au détriment des agriculteurs.
Un sujet sensible depuis la condamnation, en juillet, par la justice européenne, de l'association Kokopelli, spécialisée dans la vente de semences de variétés anciennes et 'libres de droits', attaquée par un semencier français pour concurrence déloyale. Une loi, votée fin 2011, renforce les droits de propriété des semenciers sur les semences, au détriment des agriculteurs. Certains d'entre eux craignent d'être progressivement privés du droit de replanter, d'une année sur l'autre, une part de leur récolte.
* Photo: Des militants anti-OGM dans un champ de maïs transgénique. Au total, 200 membres du Collectif des faucheurs volontaires rejoints par ceux de la Confédération paysanne et d'associations locales avaient participé à la manifestation, en août 2007. ' MICHEL GANGNE/AFP
Stéphane Foucart
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Posté Le : 05/09/2012
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: MICHEL GANGNE/AFP ; texte: Stéphane Foucart
Source : Le Monde.fr du mercredi 5 septembre 2012