Le diesel fait-il vraiment 42.000 morts par an?
Quels sont ses effets sur la santé?
Les nouveaux moteurs sont-ils moins dangereux?
Eclairage, avec deux spécialistes.
Alors que le gouvernement s'interroge sur l'avenir à donner au diesel, l'éclairage de Karine Léger? adjointe au directeur d'Airparif, association de surveillance de la qualité de l'air en Ile-de-France, et Agnès Lefranc, adjointe à la direction santé et environnement de l'Institut de Veille sanitaire (INVS).
Delphine Batho, Cécile Duflot et Jean-Vincent Placé ont évoqué ces derniers jours 42.000 voire 44.000 morts dus au diesel en France. Est-ce un chiffre crédible ?
Agnès Lefranc - "Ces chiffres portent à ma connaissance sur les particules fines et non le diesel proprement dit.
Ils proviennent d'une étude de la Commission européenne, dans le cadre du programme "Clean Air for Europe" (CAFE), sur la pollution atmosphérique liée aux particules fines toutes sources confondues - dont le diesel. Cette étude estimait à environ 380.000 le nombre de décès anticipés liés à l'exposition aux niveaux de particules observés en 2000 dans les Etats membres. On y retrouve le chiffre de 42.000 morts pour la France."
Comment savoir quelle proportion de ces morts est due au diesel ou aux autres sources de particules fines? Jean-Vincent Placé évoquait ce matin "une bonne moitié"…
AL - "C'est très difficile. Il est déjà compliqué d'évaluer le nombre de décès liés à la pollution atmosphérique, qui est un phénomène complexe.
Parmi les particules fines, on compte les particules primaires, provenant d'une combustion (ce qui comprend les émissions des transports, mais aussi de l'industrie ou du chauffage à bois entre autres), les particules secondaires (qui naissent par réaction chimique entre des polluants dans l'atmosphère) et les particules remises en suspension (par une voiture roulant sur une chaussée couverte de particules, ou par le travail de la terre par exemple).
Quand sur un certificat de décès il est indiqué tuberculose comme cause de la mort, on sait à quoi s'en tenir. Quand on lit affection respiratoire chronique, aggravée par le tabagisme ou d'autres facteurs, c'est beaucoup plus difficile d'évaluer le rôle de la pollution atmosphérique, a fortiori le rôle éventuel du diesel. Les chiffres que nous avons sont des estimations entourées d'incertitudes."
Jean-Vincent Placé a évoqué une baisse d'espérance de vie imputable au diesel "de six à neuf mois", qu'en dites-vous?
AL - "Encore une fois nous n'avons aucun élément sur le diesel en particulier. Mais l'INVS a mesuré l'impact sanitaire de la pollution atmosphérique dans neuf villes françaises pour la période 2004-2006, dans le cadre du projet européen Aphekom. Pour les particules fines, le respect des valeurs guides de l’OMS (Organisation mondiale de la santé) aurait entraîné un gain moyen d’espérance de vie à 30 ans de 3,6 à 7,5 mois selon la ville, à long terme."
Quels sont les effets reconnus du diesel sur la santé? Ceux des particules fines?
AL - "La communauté scientifique reconnaît aujourd'hui l'existence d'un lien avéré entre émission liées au diesel et cancer du poumon. Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), l'agence pour le cancer de l'OMS, a relevé l'année dernière la classification de ces particules de "cancérogènes probables" à "cancérogènes certains" pour l'homme.
Concernant les particules, toutes sources confondues, y compris le diesel donc, des études épidémiologiques ont montré un lien à court et long terme entre leur émission et des décès anticipés ou des hospitalisations pour des causes respiratoires ou cardiovasculaires.
Quelques études font également naître des suspicions sur un lien entre exposition chronique à la pollution atmosphérique et retard du développement fœtal, problèmes de fertilité et certaines maladies neurologiques."
Quelle différence entre moteurs diesel et essence?
Karine Léger - "Les moteurs diesel rejettent des particules fines, contrairement aux moteurs à essence. Ces derniers rejettent en revanche davantage de CO2 donc de gaz à effet de serre. Tous les moteurs, essence comme diesel, rejettent du monoxyde de carbone et du dioxyde d'azote."
Les nouveaux moteurs diesel sont-ils moins dangereux comme l'a affirmé Arnaud Montebourg?
KL - "Ils sont moins dangereux qu'il y a 10 ans certes, car les normes sont plus strictes, mais seules les normes Euro 6, qui ne sont prévues pour entrer en vigueur qu'en 2014, permettront de lutter efficacement contre les émissions liées à ces moteurs. D'autre part, pour diminuer ces émissions, les constructeurs ont développé des technologies, et notamment des filtres à particules, mais ceux-ci dégagent… du dioxyde d'azote."
Propos recueillis le lundi 4 mars 2013 par Anne-Sophie Hojlo
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Posté Le : 09/03/2013
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: Diesel - Illustration Fred Tanneau / AFP ; texte: Anne-Sophie Hojlo en date du lundi 4 mars 2013
Source : http://tempsreel.nouvelobs.com