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Planète (France/Europe) ( REPORTAGE. Une soirée au cimetière du Père Lachaise: la vie entre les tombes


Planète (France/Europe) ( REPORTAGE. Une soirée au cimetière du Père Lachaise: la vie entre les tombes


Entre 19h30 et 22 heures, nous avons arpenté les allées du cimetière le plus connu de France avec son conservateur Benoît Gallot à la recherche d'animaux sauvages. Et une surprise de taille nous attendait.

Il est 18 heures lorsque la cloche retentit. D'un bout à l'autre du cimetière du Père Lachaise, les visiteurs d'un jour comme les habitués comprennent qu'il est temps de quitter cet écrin intemporel de 45 hectares niché sur les hauteurs du XXe arrondissement de Paris. Petit à petit, le calme et le silence s'intensifient. Seules restent les âmes des défunts enterrés par milliers dans le dédale d'allées pavées. Du moins le pense-t-on. Car, au crépuscule, les lieux ne sont plus le terrain de jeu des hommes mais de ses habitants du soir qui profitent du tintement de la cloche, comme d'un signal, pour sortir de leurs cachettes. Renards, fouines ou chats errants investissent leur territoire. Une vie prolifique dans un lieu dédié au souvenir des disparus. Le décor est planté.

Il est 19h30 lorsque nous entrons au Père Lachaise par l'entrée Sud. Derrière l'imposant portail vert, un homme nous attend. Sac à dos sur les épaules, appareil photo en bandoulière, Benoît Gallot est notre hôte. Le cimetière est son royaume. Et son jardin. Conservateur du lieu depuis trois ans, le quadragénaire habite un appartement à l'étage du bâtiment de la conservation à l'intérieur des murs. Loin de l'image d'Epinal du croque-mort, il est sorti de l'anonymat lors du premier confinement quand, en déambulant entre les tombes, il a aperçu des renardeaux. Et s'est décidé à relayer sur les réseaux sociaux la vie à la "ferme des animaux du Père Lachaise". "C'était à une époque extrêmement difficile, où les inhumations et les crémations liées à la pandémie de Covid-19 s'enchaînaient", confie-t-il d'un ton monocorde. Ni une ni deux, il a sorti son appareil photo pour immortaliser le moment. À ce moment-là, les images de dauphins revenus dans la baie de Venise et d'animaux en tout genre profitant de l'absence de l'Homme faisaient le tour du Web. La présence de renardeaux, photos à l'appui, dans le plus célèbre cimetière français était la cerise sur le gâteau. Les seuls recensés à Paris intra-muros. Benoît Gallot a pourtant hésité à rendre public l'information, de peur des réactions des familles des défunts enterrés là, des visiteurs qui pourraient avoir envie de leur courir après pour un selfie, ou encore des chasseurs.

Bien lui en a pris puisque ces quelques clichés ont fait le tour du monde, et des dizaines de milliers de personnes suivent désormais via leur smartphone la vie des petits renardeaux qui ont, depuis, bien grandi. La présence de renards au Père Lachaise n'est pourtant pas liée, comme on pourrait le penser, au premier confinement. Les animaux sont arrivés en février 2020. Pour le conservateur, c'est davantage la conséquence de l'interdiction des produits phytosanitaires dans les cimetières à partir de 2015. À cette époque, Benoît Gallot est en charge du cimetière d'Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne) depuis déjà cinq ans. "Quand j'ai pris mes fonctions, j'étais là en tant que gestionnaire. Je devais gérer les emplacements des tombes, veiller à ce que tout soit propre... Quand on dit "propre", l'idée était en réalité que tout soit mort, dans tous les sens du terme". Autrement dit, dans un cimetière, la vie n'avait pas sa place. Pas de végétation, pas d'animaux, ou si peu... Tout devait disparaître, avec l'aide du désormais controversé glyphosate, pulvérisé à tous endroits. "Une fois qu'on a arrêté les produits phytosanitaires, c'est devenu plus vert en à peine deux ou trois ans, et les animaux revenaient". Et avec eux naissait, chez Benoît Gallot, une véritable passion pour le vivant. "Nous sommes un cimetière avant tout, je ne l'oublie pas. Nous sommes là pour enterrer les Parisiens. Mais c'est aussi un espace arboré avec une riche biodiversité qu'il faut protéger. Il y a un équilibre à trouver", détaille-t-il.



Photo: Deux renards observés au cimetière du Père Lachaise le 22 juillet. @Benoît Gallot

Par Yohan Blavignat
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