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Planète (France/Europe) - Méconnues et comestibles: à la découverte des mauvaises herbes


Planète (France/Europe) - Méconnues et comestibles: à la découverte des mauvaises herbes


En salade, en sauce ou confites, de nombreuses plantes et herbes des villes peuvent être cuisinées. Comment les reconnaître? Et les préparer? Direction un parc parisien, à la découverte de pâquerettes, lilas ou trèfles comestibles. [SÉRIE 3/4]

Vous lisez la troisième partie de notre série «Le chemin de l’autonomie». La première est ici et la deuxième ici.

Pissenlits, orties, trèfles… Et si nous commencions à considérer ces mauvaises herbes avec gourmandise? Depuis quelques années, la cueillette de plantes sauvages et comestibles connaît un regain d’intérêt. Même en ville, il est possible de trouver de quoi remplir son assiette. Voici quelques conseils pour se mettre à la cueillette et à la cuisine de plantes sauvages, même quand on habite en ville.

- Je ne connais rien aux plantes. Par où commencer ?

Pas de panique! «Pas besoin d’être un grand botaniste pour cueillir des orties et faire une soupe», aime à répéter Christophe de Hody. Botaniste et herbaliste, il a fondé il y a douze ans son entreprise, Le Chemin de la nature, et propose régulièrement des balades à prix libre dans Paris pour apprendre à reconnaître les plantes comestibles et médicinales qui y poussent.

En ce vendredi soir de fin juillet, c’est au parc des Buttes-Chaumont, au cœur de la capitale, qu’il a décidé de crapahuter, suivi par une bonne trentaine d’apprentis cueilleurs.

La balade débute par l’énumération rapide des quelques règles incontournables de la cueillette. La première d’entre elles: «Être sûr d’avoir correctement identifié la plante.» Pas à 100 %, à 500 %. Il existe en effet en France plus de 300 plantes toxiques, dont une cinquantaine sont mortelles, explique Christophe de Hody, qui s’est arrêté sous un résineux à l’aspect tout à fait inoffensif. Il s’agit d’un if, dont la consommation pourrait s’avérer fatale.

Il est donc impératif de faire preuve d’une grande prudence quand on débute dans la cueillette. Certaines plantes toxiques ressemblent énormément à des plantes comestibles, et parfois, seule une partie de la plante l’est, quand le reste est dangereux.

Christophe de Hody recommande donc de se lancer dans la cueillette avec patience et méthode: «On commence avec deux ou trois plantes et on s’entraîne à bien les reconnaître.»

- Les plantes dans les villes, c’est sale?

Évidemment, il faut éviter autant que possible les zones polluées. Aux Parisiens, Christophe de Hody recommande donc de préférer les bois de Vincennes et de Boulogne aux parcs situés intramuros. Pour le botaniste, trois types de zones sont à éviter: les abords des routes, des chemins de fer et des usines de métal. Dernière consigne, éviter de toujours cueillir au même endroit, car on peut toujours tomber sur une zone polluée sans le savoir. Pour le reste, tout est permis.

Caroline Decque, une des fondatrices de l’association marseillaise Bigoud’ qui approvisionne une trentaine de restaurants en plantes et fleurs sauvages, est plus téméraire. Elle cueille en plein centre de Marseille, y compris au bord des routes ou dans les fossés. Sa démarche est militante. «Il y a un vrai combat à mener en ville. On se bat pour se réapproprier des endroits que plus personne n’utilise. Nous, on cueille sur des ronds-points. Dans beaucoup de villes, ils sont plus fleuris que les écoles ou les parcs. Pourquoi on ne pourrait pas faire de ces espaces de lieux de vie?»

Elle souligne en outre, que, depuis l’entrée en vigueur de la loi Labbé, en 2017, il est interdit d’utiliser des produits phytosanitaires pour l’entretien des espaces verts, promenades, forêts et voiries.

Les deux cueilleurs s’accordent sur un principe: ramasser les plantes en hauteur, afin d’éviter les excréments des animaux, notamment.

À cet égard, Caroline Decque recommande par exemple la vergerette, dont les fleurs font penser à des pâquerettes et qui a l’avantage de monter relativement haut. «Je la hache et l’assaisonne avec de la béchamel, et ensuite, hop, je colle quelques fleurs dessus», explique avec enthousiasme l’autrice d’un livre sur la cueillette et la cuisine de plantes sauvages.

- Comment cueillir?

Un principe à retenir: je ne prends que ce dont j’ai besoin. De toute façon, souligne Caroline Decque, «nous, êtres humains du XXIe siècle, ne sommes plus capables de nous faire des ventrées de plantes sauvages. Elles sont beaucoup plus riches en nutriments que les légumes cultivés, très arrosés». Le trèfle en grandes quantités, par exemple, est mal digéré par les estomacs humains, précise la cueilleuse.

S’il n’y a que deux ou trois individus d’une plante sur la zone de cueillette, même si cette plante est répandue, on évite de la prélever. De la même manière, on se renseigne sur les plantes rares à l’échelle régionale ou nationale pour ne pas décimer leur population.

Il faut aussi prêter attention à la manière de prélever les plantes. Si on cueille de la bonne manière, «elles repoussent mieux et il y en a plus après notre passage qu’avant», sourit Christophe de Hody. Il faut, à chaque fois, bien se renseigner sur la méthode de cueillette qui convient le mieux: les plantes à bulbe peuvent être coupées au ras du sol, quand d’autres seront sectionnées au niveau de leurs intersections.

Dernière astuce, partagée par Christophe de Hody, passer après les élagueurs ou les tempêtes pour ramasser sans effort les écorces, les fruits et les feuilles tombés au sol.

- Pourquoi cueillir alors qu’il y a tout dans les magasins?

La cueillette ne permettra jamais de parvenir à l’autonomie alimentaire. Si les plantes-légumes et les aromatiques sont foison dans la nature, difficile en revanche de faire le plein de calories et de protéines. «Tout ce qui est calorique, comme les noix, les noisettes et les châtaignes arrive plutôt à la fin de l’été et à l’automne», reconnaît Christophe de Hody. Le reste du temps, c’est vache maigre.

En revanche, le botaniste en est convaincu, la cueillette «apporte une sensibilité à notre environnement». «Le seul moyen d’avoir le désir de protéger quelque chose, c’est de l’aimer, ou au moins de le connaître», souligne-t-il.

- Et ce soir, on mange quoi?

La cueillette permet aussi de diversifier son alimentation, de découvrir de nouveaux goûts, textures et couleurs. Selon Christophe de Hody, on ne consomme aujourd’hui qu’environ soixante espèces de plantes, quand un millier, rien qu’en France métropolitaine, sont comestibles! «C’est ça qui va transformer ta cuisine de tous les jours, lui donner du pep’s, assure Caroline Decque. Si tu prends un œuf mimosa lambda, par exemple, c’est un peu triste. Mais tu peux ajouter à ta mayonnaise des feuilles ou des fleurs d’oxalis [une plante dont les feuilles roses ressemblent à celles du trèfle] qui ont un peu le même goût que l’oseille. Ça va apporter une acidité intéressante.»

En une heure de balade dans le parc des Buttes-Chaumont, Christophe de Hody parvient à ouvrir les horizons culinaires de son public. Confites dans le vinaigre, les baies du sureau noir, qu’il nous apprend à identifier, donnent par exemple d’excellentes câpres. La benoîte commune, cette herbacée omniprésente en Île-de-France, délivre quant à elle un arôme de clou de girofle idéal pour aromatiser des vins chauds, ou pains d’épices.

Pour décorer les salades et autres plats, enfin, n’hésitez pas à ajouter quelques fleurs. Nombre d’entre elles sont comestibles, à commencer par les pâquerettes, le lilas ou la glycine.

- Quelques ressources pour aller plus loin:

Le Chemin de la nature propose des balades à prix libre pour découvrir la cueillette à Paris et dans sa proche banlieue. L’organisme met également en ligne de nombreuses vidéos de vulgarisation. Celle-ci présente par exemple 10 plantes sauvages à cueillir en été.

Zones à cueillir, plantes sauvages, comestibles et bonnes recettes, de Caroline Decque, Camille Gasnier et Amélie Laval (illustration), éditions Ulmer, 18 euros.

Se nourrir, construire une maison, se vêtir… autant de besoins vitaux que nous — enfin beaucoup d’entre nous — ne savent plus satisfaire seuls. On ne sait plus jardiner, monter une charpente, coudre, tricoter, etc. On achète, on consomme, on fait faire. Mais bonne nouvelle : on peut y remédier!

Il est possible de retrouver une forme d’autonomie, d’émancipation. Et on vous le raconte à Reporterre du 8 au 12 août, dans cette troisième série d’été, en passant par du bricolage entre femmes, un chantier participatif, une cueillette sauvage et l’éloge de la lenteur.




Photo: - © Marianne Tricot/Reporterre

Voir l'article dans son intégralité avec plus d'illustrations: https://reporterre.net/Meconnues-et-comestibles-a-la-decouverte-des-mauvaises-herbes

Par Maïwenn Lamy et Mathieu Génon (photographies)




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