SCIENCES PARTICIPATIVES: En ce dernier week-end de janvier, comme chaque année depuis dix ans, la LPO vous invite, pendant une heure, à compter les oiseaux dans votre jardin. Un observatoire devenu précieux pour les scientifiques
. Depuis dix ans, les derniers week-ends de septembre et de mai, la LPO et le Muséum national d’histoire naturelle, vous proposent, pendant une heure, de compter et identifier les oiseaux qui se posent dans vos jardins.
. 28.000 Français ont joué le jeu depuis 2012 et ce sont près d’un million de données qui ont été collectées lors de ces deux week-ends. De quoi établir des tendances solides sur l’évolution des populations d’oiseaux en France.
. Résultat, en hiver, les compteurs s’affolent. 49 % des espèces qui sont présentes en France à cette période ont leurs effectifs qui augmentent. Bonne nouvelle? Pas forcément, précise la LPO. Surtout, au printemps, la tendance est bien plus inquiétante.
Ça peut être l’activité rigolote et apaisante de ce week-end. Comme chaque fin janvier, la Ligue de protection des oiseaux (LPO) et le Muséum national d’histoire naturelle nous invitent à observer pendant une heure nos jardins. Ça marche aussi sur les balcons ou dans un jardin public. La consigne est toujours la même: compter et identifier tous les oiseaux qui se posent, que ce soit au sol, sur une branche, sur une clôture. Puis envoyer les résultats sur une plateforme en ligne. Pas si simple, à première vue, quand on ne connaît rien aux volatiles. Des fiches en ligne sont tout de même là pour vous aider. «Et on se prend rapidement au jeu», promet Marjorie Poitevin, qui coordonne cet «Observatoire des oiseaux des jardins» pour la LPO.
Voilà dix ans que cette opération revient les derniers week-ends de janvier et de mai. En 2012, 3.000 Français répondaient à l’appel. Six milles l’année suivante, 10.000 en 2017 et jusqu’à 40.000 en 2020, quand le confinement nous mettait tous en quête d’activités à faire chez soi.
- Plus grand programme de sciences participatives de France
Depuis, la participation est quelque peu retombée. Ils étaient tout de même plus de 28.000 l’an dernier encore. De quoi faire de cet observatoire le plus grand programme de sciences participatives de France. En dix ans, près d’un million de données ont ainsi été collectées dans 58.220 jardins, dénombre la LPO. Du Conquet (Finistère) à Furiani (Haute-Corse) et de Leffrinchouke (Nord) jusqu’à Cerbère (Pyrénées orientales).
Une mine d’informations pour les scientifiques qui étudient l’évolution des populations d’oiseaux sous nos latitudes. Dans la même veine, il y a déjà le Suivi temporel des oiseaux communs (Stoc), un autre programme participatif, lancé en 1989 et «alimenté, cette fois-ci, par des experts dont les observations se font essentiellement en pleine campagne», précise Benoît Fontaine, biologiste au Mnhn. L’observatoire des oiseaux de jardins apporte alors un très bon point de comparaison, sur des espaces plus façonnés par l’homme que sont nos parcs et jardins.
- Des compteurs qui s’affolent en hiver
Que retenir de ces dix ans d’observation? Peu de bonnes nouvelles, à écouter Allain Bougrain-Dubourg, président de la LPO. Pourtant, les tendances ne sont pas toutes à la baisse. Sur les comptages réalisés le dernier week-end de janvier, c’est même tout le contraire. «On constate une très forte augmentation des populations pour 49 % des espèces observées», note Allain Bougrain-Dubourg. L’exemple le plus emblématique est la perruche à collier, originaire d’Asie et d’Afrique, relâché par accident en France dans les années 1970. L’espèce s’y est très bien acclimatée au point d’atteindre près de 30.000 individus aujourd’hui et d’être très régulièrement observée dans nos jardins.
D’autres espèces affolent les compteurs l’hiver. Le chardonneret élégant, le pinson des arbres, la fauvette à tête noire… Allain Bougrain-Dubourg ne s’en félicite pas pour autant. «Il s’agit souvent d’espèces du nord et de l’est de l’Europe qui viennent traditionnellement passer l’hiver en France, à la recherche de températures plus douces, rappelle-t-il. Auparavant, ces oiseaux se répandaient surtout dans nos campagnes. Ils y trouvent de moins en moins de ressources alimentaires aujourd’hui, si bien qu’ils se reportent dans les jardins où de plus en plus de particuliers les nourrissent l’hiver.»
Autrement dit, cette hausse des observations témoigne plus de changements de comportements chez ces oiseaux que d’une hausse de leurs populations. C’est manifeste pour le chardonneret, «facilement identifiable et donc peu affecté par les erreurs de comptage», précise Benoît Fontaine. «L’observatoire des jardins montre une forte augmentation du nombre d’individus l’hiver depuis dix ans, quand le programme Stoc – plutôt côté campagne donc – relève des effectifs stables», reprend le biologiste.
- Des jardins dépeuplés au printemps
En revanche, pour les comptages printaniers, pas de doute: les tendances sont mauvaises. Seulement 2 % des espèces habituellement rencontrées dans les jardins à cette période ont vu leurs effectifs augmenter depuis 2013. Pour 24 %, ils sont stables. Et pour 41 %, les populations sont en déclins. Parfois très nettement. «Pour le martinet noir ou le verdier d’Europe, les abondances ont baissé de 46 % en dix ans», s’alarme Allain Bougrain-Dubourg. Et les tendances sont tout aussi mauvaises dans Stoc pour ces deux volatiles.
C’est ce déclin printanier qui retient l’attention du président de la LPO, «parce qu’il touche les oiseaux "de France", c’est-à-dire les espèces qui nidifient chez nous», explique-t-il. «Et il traduit non plus des changements de comportements mais bien des baisses de populations cette fois-ci», ajoute Benoît Fontaine.
Ces résultats tendent alors à confirmer cette perte générale d’abondance de biodiversité déjà observée dans plusieurs études scientifiques. Celle par exemple publiée en octobre 2017 dans la revue PlosOne, qui avait fait grand bruit en évaluant à 75 % la baisse de la biomasse des insectes volants en près de 30 ans en Allemagne. Les auteurs soupçonnaient l’intensification de l’agriculture, en particulier le recours accru aux pesticides, d’en être la principale cause.
- Les insectes chutent, les oiseaux suivent
Elle touche aussi les oiseaux, au moins indirectement alors que ces insectes volants constituent leur nourriture de base au printemps. La LPO et le Museum font de cette raréfaction des ressources alimentaires l’une des principales causes au déclin des effectifs d’oiseaux à partir du printemps. S’ajoutent les maladies, la dégradation des habitats naturels (destruction des haies par exemple), l’artificialisation croissante ou encore les canicules à répétition.
«Certains étés, on a mesuré des températures de plus de 40°C dans les nids, obligeant les jeunes à les quitter précipitamment», raconte Allain Bougrain-Dubourg. Autre menace, plus étonnante: la rénovation énergétique des bâtiments. Bien souvent, pour des questions d’isolations, elle implique de reboucher les cavités dans les façades et toitures. Des trous qu’affectionnent pourtant plusieurs espèces pour installer leur nid. Le martinet noir notamment.
Photo: Une mésange bleue eurasienne (Cyanistes caeruleus) se nourrit d'une boule de graisse dans un jardin, à Hede-Bazouges, dans l'ouest de la France, le 10 janvier 2021. Cette espèce est l'une de celles de moins en moins observées dans nos jardins au printemps. — Damien MEYER
Fabrice Pouliquen
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Posté Le : 30/01/2023
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Fabrice Pouliquen - Publié le 27/01/23
Source : 20minutes.fr