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Planète (France/Europe) - Face à l’inertie de l’État, des fonctionnaires s’engagent pour l’écologie



Planète (France/Europe) - Face à l’inertie de l’État, des fonctionnaires s’engagent pour l’écologie


Échanges en ligne, kits de formation, guides pratiques... Inquiets de l’inaction publique, des hauts fonctionnaires se regroupent depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron pour agir en faveur du climat et de la biodiversité.

Et si la transition venait de l’intérieur?

Alors que l’État français est régulièrement épinglé pour son inaction climatique, de plus en plus de fonctionnaires prennent un virage vert. Fin juin, sept organisations créées par des agents publics appelaient ainsi à un «plan d’investissement massif»: «Il ne saurait y avoir d’autre horizon que celui d’une transformation écologique rapide et profonde des politiques publiques et de leur mise en œuvre», soulignaient-elles.

Parmi elles, plusieurs ont en effet placé l’écologie au cœur de leur action. À l’instar d’une Fonction publique pour la transition écologique (FPTE), créée en 2021, qui rassemble les agents publics désireux d’«accélérer la prise en compte, dans les décisions et projets publics, des impératifs de la transition écologique» et du Lierre, fondé en 2019, le «réseau écologiste des professionnel·le·s de l’action publique».

«Tout cela a commencé à prendre forme en 2019, en écho au “Manifeste étudiant pour un réveil écologique” publié un an plus tôt et signé par plus de 30.000 personnes, se souvient Marc Abadie, vice-président de FPTE et haut fonctionnaire en fin de carrière au sein de l’Inspection générale de l’administration. On a eu envie de s’engager. Et on s’est aperçu que notre système de formation ne prenait pas clairement en compte les rapports du Giec. Alors qu’on voulait, en tant que cadres de la nation, que l’écologie fasse partie de l’action publique.»

- «On voulait que l’écologie fasse partie de l’action publique»

Ainsi, une tribune intitulée «Répondre au défi climatique nécessite de former l’ensemble des agents publics» est parue dans Le Monde à la fin de cette même année. Une démarche soutenue par des figures de l’écologie institutionnelle telles que le philosophe Dominique Bourg, Laurence Tubiana, alors directrice de la Fondation européenne pour le climat, et Jean Jouzel, climatologue. De très hauts fonctionnaires y ont également déposé leur nom. Ainsi que plus d’une centaine d’anciens élèves de la haute fonction publique, dont Diane Delaurens, passée par l’Inspection générale des affaires sociales et fondatrice de FPTE.

«Un certain nombre de jeunes, notamment elle, ont pris l’initiative de regrouper les agents publics pour dire qu’il y avait une focale à faire sur l’administration publique, retrace Marc Abadie. C’est comme ça qu’elle a lancé une page sur Linkedin.» «L’idée était d’établir un lieu d’échanges et de bonnes pratiques afin que les gens ne se sentent plus désespérés», ajoute-t-il. «Comme ça, ils ne sont plus seuls à se dire “Ah, c’est la catastrophe: mon préfet est nul! Une fois de plus, on a cédé aux lobbies”», analyse un haut fonctionnaire qui a préféré conserver l’anonymat.

«On vise aussi à travailler ensemble entre agents publics, pour qu’on ne soit pas dans une sorte de guerre entre services», dit Marc Abadie, qui était encore, en janvier dernier, président de la branche «biodiversité» de la Caisse des dépôts et consignations. Des obstacles que Le Lierre ou FPTE tentent de surmonter. «Notre volonté est d’agir en transversalité et en communauté élargie pour que nos messages se diffusent le plus largement possible», dit Adam Forrai, responsable des affaires générales du Lierre. Et de citer comme «source d’espoir» une discussion informelle sur la place de l’écologie dans l’action publique entre un «directeur de Dreal [direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement] et un agent public de douze niveaux en dessous de lui».

«On veut développer une culture commune, insiste quant à lui Marc Abadie. Agriculture, écologie, finances: que tout le monde comprenne le point de vue de l’autre!» Au moment de démissionner du ministère chargé de l’Écologie en 2018, Nicolas Hulot avait souligné au micro de France Inter à quel point ce dialogue entre secteurs, du fait des lobbies de l’agriculture et des contraintes budgétaires, pouvait être difficile.

- Kit d’autoformation écologique, cartographie des formations...

Pour bâtir cette culture commune, connaissances et compétences sont essentielles. Ainsi, depuis 2020, les membres de FPTE ont publié plusieurs propositions sur la «formation des agents publics à la transition écologique». Ils ont aussi réalisé, en janvier 2023, un «kit d’autoformation» écologique destiné aux membres de la fonction publique et dressé, en mars dernier, une «cartographie» – non-exhaustive – des formations et des ressources pour les acteurs des administrations mais aussi, plus largement, pour les étudiants et les enseignants.

En avril dernier, un «guide pratique» dédié au «management écologique de la fonction publique» et co-écrit par Le Lierre, Pour un réveil écologique et Fonction publique du 21e siècle (FP21) est paru. Des mesures aussi diverses qu’ambitieuses y figurent, telles que l’intégration de l’écologie aux fiches de poste et aux entretiens annuels, mais également la bonification des carrières pour ceux qui s’orientent vers «un poste ou une entité publique engagée pour la transition écologique».

Dans le même temps, le gouvernement a commencé à se préoccuper de la formation de ses fonctionnaires aux enjeux environnementaux. En octobre 2022, Stanislas Guérini, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, lançait ainsi un plan de «formation à la transition écologique des cadres de l’État» pour 25.000 personnes à l’horizon 2024, appuyé par des chercheurs reconnus. Avec la promesse que la totalité de la fonction publique en bénéficiera d’ici 2027. Un appel à volontariat pour former les agents de la fonction publique d’État avait été lancé en juin dernier par le ministère, relayé conjointement par Le Lierre, FPTE, FP21 et The Shift Project.

- Obstacle: le «manque de volonté politique au plus haut niveau»

Pourtant, quelques mois plus tôt, des voix avaient exprimé des regrets, y compris au sein du Lierre. Comme Véronique Balbo Bonneval, l’une des conceptrices du Cycle supérieur de la transition de l’Institut national des études territoriales — une grande école du service public. Elle avait constaté, dans une note en date de février dernier publiée sur Le Lierre, une «place marginale» des «sujets autres que climatiques». «Faire des fresques du climat, des visites de terrain, une demi-journée de sensibilisations avec des chercheurs: c’est bien, mais ce n’est pas suffisant, souffle Adam Forrai. Une conscience écologique, ça grandit en soi. C’est un travail réfléchi, organisé et régulier qui dure des années.»

Une démarche dont le parcours demeure semé d’embûches. Lors de la «Journée du Lierre» organisée le 24 juin dernier, de nombreux éléments de blocage avaient été identifiés par différentes organisations «écolos» de la fonction publique. Du «manque de volonté politique au plus haut niveau, mais aussi dans les collectivités» à «la transparence et l’accès à l’information faibles», en passant par le «propre rythme de l’administration avec une inertie entre l’annonce et la mise en œuvre» jusqu’à la «perte d’expertise dans les territoires»: la liste était loin d’être terminée.

Face à cela, Le Lierre emploie d’autres outils pour faire progresser la cause verte à l’extérieur des administrations. Et s’attelle à diffuser ses idées dans le débat public en produisant des notes, certes assez techniques. Les réflexions en cours portent sur la sobriété, la «transformation écologique des services publics» ainsi que l’agriculture et l’alimentation.





Photo:- © Juan Mendez / Reporterre

Par Marius Matty





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