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Planète (France/Europe) - En grève de la faim contre l’A69 (autoroute), ils témoignent



Planète (France/Europe) - En grève de la faim contre l’A69 (autoroute), ils témoignent


Au-delà du médiatique grimpeur Thomas Brail, sept autres militantes et militants sont en grève de la faim contre l’autoroute A69. Voici leurs témoignages et les raisons qui les ont poussés à agir.

Ces textes ont été recueillis par le collectif La Voie est libre auprès de militantes et militants opposés à l’autoroute Toulouse-Castres. Ils ont tous entamé une grève de la faim, comme le défenseur des arbres Thomas Brail. L’association opposée à l’A69 a aussi créé une série de portraits vidéos sur ces grévistes de la faim.

• Olga: «Contre cette autoroute, nous avons tout essayé»

Olga, désormais en grève de la faim depuis 15 jours. © Alain Pitton / Reporterre (Voir photo sur site)

«J’ai 21 ans, j’ai entamé la grève de la faim le jeudi 7 septembre. J’en suis à mon 14e jour. Lorsque j’ai commencé, je pesais aux alentours de 45 kg. Je fais cette grève de la faim, car j’ai l’impression que c’est mon dernier recours dans cette lutte.

Cette histoire, si elle ne se finit pas bientôt, terminera à coup sûr de la manière tragique qu’a déjà connu le Tarn avec le barrage de Sivens [avec la mort de Rémi Fraisse en 2014].

Je suis engagée dans cette lutte et je n’en sortirai pas, c’est ma raison de vivre aujourd’hui; si je ne parviens même pas à aider à arrêter un projet de ce genre, aussi incohérent et décrié qu’il soit, quelles perspectives d’avenir dois-je envisager pour espérer vivre dans un monde non pas «meilleur», mais au moins vivable?

. Lire aussi: Bulldozers, béton, arbres coupés: la future A69 détruit tout sur son passage (A lire sur site)

Depuis plusieurs années que je lutte pour l’écologie et la justice sociale, depuis que j’ai pris conscience de l’ampleur du ravage en cours, j’ai tout essayé: les marches pour le climat, les pétitions, la désobéissance civile sous toutes ses formes... Et nous avons également tout essayé, dans cette lutte contre l’autoroute la plus critiquée de France. Mais rien ne change, quoi qu’on fasse, la machine en face est trop puissante.»

• Marion: «J’éprouve une infinie tristesse à voir le paysage familier défiguré»

. Marion, en grève de la faim depuis le 10 septembre 2023. © Alain Pitton / Reporterre (Voir photo sur site)

«J’ai 41 ans et je suis mère de deux enfants. Je suis agricultrice, paysanne boulangère, et j’habite à une quinzaine de minutes du tracé de l’A69. Il y a un an et demi, j’ai été mandatée par la Confédération paysanne de Haute-Garonne pour suivre le dossier de l’autoroute, notamment sur son volet agricole. C’est là que j’ai pris conscience de l’aberration du projet et que j’ai rejoint le collectif La Voie est libre.

Depuis lors, j’ai consacré toute l’énergie que mon métier très prenant me laissait pour agir contre les travaux. J’ai participé à l’organisation d’actions et de manifestations, et ayant souvent choisi la voie de la désobéissance civile, je me suis exposée à des risques juridiques, à la surveillance et aussi à l’épuisement.

J’éprouve de la révolte et de l’incompréhension à constater chaque jour le précipice entre le discours et les actes de nos représentants politiques. J’éprouve une infinie tristesse à voir le paysage familier défiguré, les arbres tomber. Les arbres majestueux, mais aussi les bosquets modestes, les haies, les fosses écrasées où la vie foisonnait encore, il y a peu.

J’éprouve de la colère quand je contemple, impuissante, les terres agricoles condamnées qui ne donneront plus les récoltes qui auraient pu servir à la résilience alimentaire de notre territoire et qui nous manqueront peut-être cruellement bientôt.

L’autoroute Castres-Toulouse n’est qu’une manifestation locale du système économique nocif qui domine et condamne notre avenir. Je me mobilise où je me trouve. Parce que je ne peux me résoudre à ce que nos enfants grandissent dans un monde où l’espoir d’un changement à la hauteur des enjeux sociaux et environnementaux n’est plus. Parce que c’est tout ce que je peux faire encore. Parce que cette cause est juste et qu’une alternative existe.»

• Reva: «Nous méritons des vies plus heureuses»

. Reva, en grève de la faim depuis le 10 septembre 2023. © Alain Pitton / Reporterre (Voir photo sur site)

«J’ai 36 ans. Je suis jardinier paysagiste et arboriste grimpeur, chef d’entreprise. J’ai débuté ma grève de la faim le 10 septembre. Voilà un engagement fort. Extrême? De toute évidence. Mais à la hauteur de l’hypocrisie et du déni autour de l’environnement.

Aujourd’hui, nous savons le degré d’urgence et d’importance de ce sujet. Pourtant, le vivant est saccagé, pillé quotidiennement au profit d’intérêts privés. Ne sommes-nous pas complices en laissant faire, tant que nous avons notre confort personnel?»

• Victoria: «La Terre se défend et ce n’est que le début»

. Victoria, en grève de la faim depuis le 11 septembre 2023. © Alain Pitton / Reporterre (Voir photo sur site)

«J’ai 29 ans, je me suis engagée dans cette grève de la faim face à un sentiment d’injustice et d’impuissance dans le combat contre l’autoroute A69. Habitante de la vallée du Girou depuis trois ans, je ne croyais pas à la réalisation de ce projet, tellement celui-ci est inutile et écocide. Et puis face à l’imminence des abattages au mois de mars, je me suis investie pleinement dans ce combat pour la vie, au risque de mettre la mienne de côté. J’y ai apporté toute mon énergie, toute ma sensibilité et tout mon amour pour le vivant. J’ai tenté tant bien que mal de sensibiliser autour de moi, j’ai manifesté, j’ai travaillé au projet alternatif, j’ai participé à des actions non violentes, et finalement, j’ai beaucoup pleuré nos arbres...

Il y a un monde qui écrase la nature à coups de grosses machines, sans même prendre conscience que nous sommes tous interdépendants, et que les ressources naturelles s’épuisent. C’est celui d’un système capitaliste arrivé à bout de souffle et qui va plus vite dans le mur.

Ce projet d’autoroute viendra raser tout un territoire entre Toulouse et Castres. Peu importe ces voisins séparés par un rideau de bitume, ou la maraîchère installée depuis peu, nos promenades au bord de l’Agout, ou encore les biches et les renards qui traversent ces plaines, peu importe celles et ceux qui voulaient simplement respirer…

Aujourd’hui, je constate beaucoup trop d’indifférences, de mépris et de violence de la part des décideurs. Les arbres bourgeonnent en hiver, et nos forêts brûlent en été, la Terre se défend et ce n’est que le début.»

• Matthieu: «Nous devons sortir de la voiture individuelle»

. Matthieu, en grève de la faim depuis le 11 septembre 2023. © Alain Pitton / Reporterre (Voir photo sur site)

«J’ai 46 ans, et j’ai découvert les problèmes de réchauffement climatique vers l’âge de 14 ans en 1991. À l’époque, les «climatosceptiques» avaient la part belle dans les médias. Seront-ils un jour poursuivis pour crime contre l’humanité? Au cours de ma vingtaine, j’ai fait un tour du monde de deux ans à vélo, 44.000 kilomètres. En parcourant le monde, j’ai surtout découvert qu’une très grande partie de la planète était recouverte de déserts ou de zones devenues incultivables, souvent à cause d’une déforestation excessive. J’ai aussi compris, à l’époque, que nous n’étions qu’au début de gros problèmes écologiques.

Nous devons sortir de la voiture individuelle. Je me souviens qu’en 2007, durant le fameux Grenelle de l’environnement — dont il n’est rien sorti —, l’idée d’un moratoire sur les constructions d’autoroutes avait été lancé, mais seize ans après, toujours aucune avancée! La France possède le deuxième réseau routier le plus dense au monde (qui coûte une fortune aux collectivités locales, donc à nous), faut-il encore en ajouter?»

• Çelik: «Nous ne résistons pas pour nous-mêmes, mais pour l’ensemble de l’écosystème»

. Célik. © Alain Pitton / Reporterre (Voir photo sur site)

«J’ai 59 ans. Je suis photojournaliste activiste d’origine kurde. Je salue ici tous les amis du monde qui résistent contre les écocides. Je ne suis pas venu ici juste pour arrêter le projet d’autoroute A69. De la forêt d’Akbelen en Turquie au Camping des Platanes vendinois en France, des forêts de Guyane aux forêts mapuches d’Araucanie chilienne, nous sommes tous reliés. Nous sommes tous des défenseurs de l’eau, des enfants de la Terre Nourricière qui se sont réunis avec un sentiment commun d’urgence.

En tant que gardiens de l’eau et des arbres, nous nous comprenons et nous nous complétons mutuellement. Nous résistons ensemble, non pas pour nous-mêmes, mais pour l’ensemble de l’écosystème.»

• Bernard: «Le chantier avance comme une énorme machine aveugle»

. Bernard, en grève de la faim depuis le 12 septembre 2023. © Alain Pitton / Reporterre (Voir photo sur site)

«J’ai 68 ans et je suis entrepreneur en économie sociale, retraité. J’ai arrêté totalement de m’alimenter le 12 septembre. Je suis révolté par ce projet d’autoroute inutile, injuste, antisociale, écocide, à rebours des engagements affirmés par l’État, symbole de la libéralisation cupide, qui aboutit à l’accaparement de centaines d’hectares de terres nourricières par des actionnaires privés qui en ont les moyens, au saccage irrémédiable d’un petit territoire…

Le chantier avance comme une énorme machine aveugle; aveugle à la beauté des paysages, aux trésors de biodiversité cachés sous les feuilles de la haie, ou sous l’écorce du tronc de cet arbre plus que centenaire, aveugle aux modalités d’existence des habitants et des usagers en transit de Castres à Toulouse, de Lavaur à Caraman, de Vendine à Cuq-Toulza... Aveugle aux conséquences climatiques d’un tel chantier parmi tant d’autres.

Au-delà de la trahison de l’État dans sa mission de protection des citoyens, je ressens douloureusement ce mépris des Indiens de la plaine du Girou, des bords de l’Agout, des coteaux de Puylaurens… Nous sommes les gens qui habitent ce territoire.

J’œuvrerai jusqu’à la dernière force à ce que ce chantier s’arrête, car je puise ma détermination dans la beauté de cette lutte, qui fait se rencontrer comme jamais des centaines de riverains, qui se prennent ensemble à rêver à un projet de territoire désirable, respectueux, efficace, sobre, où la priorité est bien de s’adapter collectivement à la crise climatique, dans la solidarité …»





Photo: Olga, désormais en grève de la faim depuis 15 jours. - © Alain Pitton / Reporterre

Pour voir l'article dans son intégralité avec plus d'illustrations et article: https://reporterre.net/En-greve-de-la-faim-contre-l-A69-ils-temoignent

Des militantes et militants opposés à l’A69 (Autoroute)


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