A partir du 1er janvier 2023, la réglementation concernant la valorisation des biodéchets - déchets d'origine végétale ou animale - franchit un nouveau palier. Un renforcement qu'accompagne l'essor du compostage, déjà en place dans plusieurs grandes agglomérations telles que Paris, Lyon et Marseille.
Et si notre poubelle pouvait sauver l'agriculture? Selon l'Agence de la transition écologique (ADEME), 38 % des ordures ménagères résiduelles - non recyclables - pourrait nourrir les sols agricoles et ainsi augmenter leurs rendements. A l'échelle de la planète, 40 % des terres sont dégradés (ONU, 2022).
Épluchures, os, noyaux, écailles, trognons... Nos déchets alimentaires et nos restes de fin de repas - formant l'un des deux types de déchets, avec les "déchets verts" du jardin, qui composent les "biodéchets" - contiennent au moins quatre éléments nécessaires à la fertilité des sols: le carbone, l'azote, le phosphore et le potassium.
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- Obligation progressive de valoriser les biodéchets
Pour faire en sorte que ces précieux nutriments retournent à la terre, la Loi de transition énergétique pour une croissance verte obligeait déjà les professionnels (restaurants, supermarchés, écoles, hôpitaux...), produisant plus de dix tonnes de biodéchets par an, à mettre en place une solution pour valoriser ceux-ci.
A partir du 1er janvier 2023, cette obligation concerne désormais tous les producteurs de plus de cinq tonnes par an - soit, par exemple, les restaurateurs avec plus d'une centaine de couverts par jour.
Et ceci n'est qu'une étape, puisqu'en décembre 2023, non seulement l'ensemble des professionnels - quel que soit leur volume de production - devront également s'y conformer, mais les ménages devront eux aussi avoir à leur disposition une solution de "tri à la source" mise en place par leur collectivité (loi du 10 février 2020 contre le gaspillage et pour l'économie circulaire).
Une vraie révolution! "Pendant longtemps, on a géré les déchets alimentaires de deux manières: soit en les enterrant dans un trou, soit en les incinérant dans un four. Puis, on s'est aperçu que cela posait problème à la fois pour le climat (rejets de gaz à effet de serre des incinérateurs, NDLR) et pour la qualité de l'eau, via la pollution des nappes phréatiques", explique à GEO.fr Alexandre Guilluy, cofondateur des Alchimistes, une entreprise qui sensibilise, collecte et composte les déchets alimentaires des professionnels et des ménages.
- Du compost pour nourrir les sols et végétaliser les villes
Si près de 70 % des déchets alimentaires sont toujours incinérés ou enfouis, deux solutions existent pourtant pour traiter spécifiquement les biodéchets:
. La méthanisation, qui consiste à produire de l'énergie sous forme de gaz (appelé "biogaz") en l'absence d'oxygène, laissant un résidu (le "digestat") qui peut être utilisé sous certaines conditions par les agriculteurs pour être épandu dans les champs;
. Le compostage, qui consiste à opérer un processus de fermentation, cette fois-ci en présence d'air, transformant la matière organique en engrais naturel - le compost - utilisable en agriculture.
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Autrement dit, deux logiques sont possibles. "La grande différence, c'est que dans le cas de la méthanisation, une fois le gaz récupéré, le digestat reste un sous-déchet. Pour qu'il puisse aller fertiliser les sols, il doit y avoir un plan d'épandage déposé en Préfecture, ce qui est une démarche lourde, compliquée et coûteuse. Cela ne fonctionne que pour des surfaces vastes - 100 à 500 hectares, principalement sur des grandes cultures en milieu rural", détaille Alexandre Guilluy.
En revanche, avec le compostage, le principal produit obtenu en fin de parcours n'est pas l'énergie, mais le compost, distribué ou vendu - même en petites quantités - dans la logique d'enrichir les sols. Ce qui convient, par exemple, à du "maraîchage sur des petites parcelles en milieu périurbain" ou encore à la "végétalisation des villes, essentielle pour créer des îlots de fraîcheur afin de faire face aux canicules", précise l'expert.
- Les vers de terre, "sentinelles et soldats de sols en bonne santé"
Alors que la généralisation du tri à la source des biodéchets s'approche, les Français, eux, sont-ils prêts à sauter le pas? "Comme tout projet collectif, cela fonctionne bien à partir du moment où une majorité de personnes a compris l'urgence", reconnaît Alexandre Guilluy.
Et l'urgence, justement, est de taille: au Royaume-Uni, un ver de terre sur trois a disparu des sols, a révélé un récent rapport. "Cela devrait être une préoccupation majeure, car le sol, c'est le début de la vie. Les vers de terre sont à la fois les sentinelles et les soldats de sols en bonne santé, jouant un rôle clé dans leur aération et dans la digestion de la matière organique", alerte l'entrepreneur.
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Toutefois, "passer d'un système où l'on voulait se débarrasser des déchets à un système où l'on souhaite les valoriser, c'est un véritable changement de paradigme", estime-t-il. Pour contribuer à la sensibilisation des citoyens, des entreprises comme les Alchimistes ouvrent leurs portes au public pour des visites guidées: "quand on tient un déchet alimentaire dans une main et du compost dans l'autre, on réalise qu'il est possible de transformer un problème en solution."
- Les collectivités, acteurs majeurs du changement
Si l'éveil de la conscience des citoyens s'avère crucial, la prise en main par les collectivités - bientôt responsables d'offrir aux habitants une solution de tri à la source des biodéchets - l'est tout autant. Néanmoins, "les modalités minimales à organiser par les collectivités sont laissées dans le flou par la loi", s'inquiètent les ONG Surfrider Foundation Europe et Zero Waste France dans un communiqué commun ["Ce qui (devrait) change(r) au 1er janvier 2023"].
"Suffira-t-il de mettre à disposition des composteurs individuels ou faudra-t-il déployer des moyens de collecte suffisants - variables et complémentaires en fonction du type de territoire (rural, où les habitants peuvent nourrir leur propre jardin avec le compost, versus urbain où ce n'est pas possible, NDLR) pour effectivement sortir la majorité des biodéchets de la poubelle de tout-venant?", s'interrogent les ONG.
Pour trouver des points de collecte des déchets alimentaires, c'est d'ailleurs les collectivités locales qui doivent fournir l'information à leurs habitants, à travers leur site web par exemple. L'association Zero Waste France propose également une "carte des solutions" répertoriant notamment les lieux où se rendre pour composter ses biodéchets.
Quant au compost, il peut être utilisé sur place (jardin individuel ou partagé), vendu directement aux maraîchers, ou bien proposé au public dans les rayons des supermarchés et des jardineries - celui des Alchimistes, par exemple, est distribué dans quelque 350 points de vente en France - notamment chez Leroy Merlin ou encore Biocoop.
- Pour aller plus loin:
"Tous alchimistes: réinventons la boucle aliments-terre", de Julie Lenormant (éditions La Butineuse), 102 pages, 21 euros.
Photo: Le compostage consiste à transformer la matière organique de nos déchets alimentaires en engrais naturel. © Capelle.r via Getty_Images
Pour accéder et lire les articles cités en annexe: https://www.geo.fr/environnement/de-la-table-a-la-terre-pour-repondre-a-la-reglementation-sur-les-biodechets-le-compostage-gagne-du-terrain-213061
NASTASIA MICHAELS
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Posté Le : 29/12/2022
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : NASTASIA MICHAELS - Publié le 28/12/2022
Source : https://www.geo.fr/