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Planète (France/Europe) - Chenilles, champignons…: Les menaces sur le buis sonnent-elles la mort des jardins à la française ?



Planète (France/Europe) - Chenilles, champignons…:  Les menaces sur le buis sonnent-elles la mort des jardins à la française ?


PÉNIBLE CHENILLE • Très utilisé pour dessiner des bordures dans les plus beaux parcs et châteaux français, le buis est la proie de nuisibles qui le mettent en péril

- L'essentiel

. Le buis est l’arbuste privilégié pour réaliser des allées et bordures qui sont très utilisées dans les jardins à la française.

. Il est menacé et ravagé depuis quelques années par une chenille baptisée pyrale et par des champignons.

. Les ravages sont tels que certains parcs et jardins préfèrent l’abandonner. Des solutions existent mais demandent une grande implication des jardiniers.



Donnez-moi un B, un U, un I, un S ! Qui je suis ? Le buis ! Qui ça ? Le buis ! Qui, qui, qui ? LE BUIS ! Vous êtes sans doute nombreux ici à connaître ce petit arbuste, véritable rock star des plus beaux jardins français, italiens ou anglais. Ce que vous ne savez peut-être pas, c’est que la fameuse petite plante est menacée de disparition. Au point de mettre en péril les formes géométriques si parfaites des plus beaux parcs et châteaux de France? Soyons honnêtes, ce n’est pas impossible. Le buis aurait même peut-être déjà disparu sans la mobilisation permanente de passionnés. Avec l’arrivée du printemps, les jardiniers sont même passés en alerte rouge. Leur objectif: repérer le plus tôt possible l’arrivée de la dangereuse pyrale du buis.

«C’est une plante indispensable, essentielle à nos jardins. J’ai pourtant vu des jardins entiers ravagés. Alors oui, ça m’inquiète, mais on se bat chaque jour pour la préserver.» Giovanni Delu est le jardinier en chef au Grand Trianon dans le prestigieux domaine du château de Versailles. Ici, le buis, c’est un trésor qu’il ne faut surtout pas partager avec les nuisibles. Utilisé depuis des siècles pour dessiner de jolies bordures, l’arbuste n’a pas été choisi au hasard par les jardiniers d’Henri IV, de Louis XIII ou de Louis XIV. «Il grandit doucement, il résiste bien à la taille, il a une pousse régulière et uniforme qui fait qu’il ne monte pas en tige. En plus, il est assez facile à reproduire et s’adapte à la fois au soleil, à l’ombre et résiste à la sécheresse. Avant l’arrivée de la pyrale, il se portait très bien», résume le jardinier en chef de Versailles.

Originaire d’Asie, cette chenille a été observée pour la première fois en Europe en 2007, selon l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae). «En l’espace de dix ans, elle a colonisé une grande partie du continent européen, constituant une menace pour les buxaies natives [forêts de buis] et les jardins à la française», rappelle l’Inrae. Face à l’appétit vorace de cette larve de papillon, plusieurs traitements ont été testés. Le plus répandu est dénommé «Bacillus thuringiensis» ou «BT» pour les intimes.

- «On ne peut pas faire sans»

Compatible en agriculture biologique, ce produit se révèle redoutable. Mais cela reste un insecticide, incapable de faire la distinction entre les «bonnes» et les «mauvaises» chenilles. «Ça a quand même un impact sur la biodiversité donc on le limite au maximum», assure Giovanni Delu. «Il faut être honnête. On ne peut pas faire sans», embraye Françoise Mathiot-Mathon, véritable amoureuse du buis. La propriétaire du château de La Ballue (Ille-et-Vilaine) emploie trois jardiniers pour entretenir deux hectares de jardin. Tous sont formés à la détection du nuisible tant redouté. A chaque débarquement, ils sortent leur pulvérisateur.

La plus grosse arme que possèdent les jardiniers pour lutter contre la pyrale se révèle pourtant beaucoup plus naturelle que le traitement chimique: leurs yeux. Chaque jour, ces passionnés scrutent les feuilles du buis pour guetter l’apparition des premiers œufs. Des pièges à phéromones sont également utilisés afin de capturer les papillons, mais ils permettent surtout d’anticiper une période de ponte. «C’est une surveillance permanente! Ça demande énormément de travail. Il y a des gens qui disent qu’ils n’en peuvent plus et je les comprends. Quand on a du buis, on ne peut plus vraiment prendre de vacances. Car quand les pyrales attaquent, il faut réagir tout de suite. Mais j’ai envie de dire aux gens: battez-vous! Parce que le buis en vaut le coup», harangue Françoise Mathiot-Mathon.

- A Rennes, on a préféré laisser tomber

Partout en France, certains propriétaires ont préféré renoncer après avoir subi l’appétit de chenilles affamées. A Rennes, la direction des jardins et de la biodiversité a dû se résoudre à abandonner son essence fétiche, qui représente tout de même 4 km de plantations dans le charmant du parc du Thabor. Les alternatives végétales comme le houx crénelé, le lierre ou le chèvrefeuille arbustif ont bien été étudiées mais «elles s’avèrent trop imposantes pour de si petites bordures». A la place, la ville a décidé d’installer des bordures en acier tressé. Moins d’entretien, moins de tracas.

Pour éviter d’en arriver à une telle situation, les propriétaires multiplient les «petits gestes» du quotidien censés limiter les risques. «Chez nous, on n’a aucun éclairage nocturne car la lumière attire les papillons», conseille Françoise Mathiot-Mathon, par ailleurs membre de la très sérieuse EBTS, première association européenne d’amateurs de jardins. Giovanni Delu abonde et y ajoute quelques autres conseils, précieux pour lutter contre l’autre grand prédateur du buis: le champignon. «Au Grand Trianon, on ne le traite pas, on l’accepte. Mais on redouble l’entretien pour enlever le bois mort et avoir une haie bien aérée, qui va limiter l’humidité et le développement des champignons.» Là encore, du boulot.

Depuis son adoption par les jardiniers du XVIIe siècle, le buis a toujours fait l’objet d’une grande attention de la part des jardiniers. «A l’époque, ils étaient régulièrement changés. Les problèmes ne datent pas d’hier», rappelle Françoise Mathiot-Mathon, qui peut se vanter d’avoir 300 variétés dans ses jardins. Fragilisée par ses prédateurs, l’espèce a en effet pu compter sur l’inventivité des passionnés pour mieux résister. En développant de nouvelles variétés plus résistantes, les jardiniers ont armé la plante pour mieux lutter. Et sans doute sauvé les jardins à la française que le monde entier nous envie. Longue vie au buis.





Photo: Les jardins du château de Chambord voulus par François Ier et imaginés par Leonard de Vinci sont inscrits au patrimoine mondial de l'Unesco. Pour dessiner les allées, des milliers de buis ont été plantés.  - Retmen/Sipa / Sipa

Camille Allain


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