EN TÊTE A TERRE: Organisée en collectif avec d’autres jardiniers et jardinières, Viviane Griveau-Genest, défend les Jardins Ouvriers des Vertus, à Aubervilliers, menacés par les JO 2024 et le Grand Paris Express
La première chose qui m’a frappé, c’est la sensation de fraîcheur. Le rendez-vous pour l’interview avait été fixé au 9 juin 2021, et la météo annonçait environ 35° à Aubervilliers. En sortant du métro, à la station Fort d’Aubervilliers sur la ligne 7, on arrive sur la dalle d’une gare routière à l’angle de la Nationale 2 et de l’avenue de la Division Leclerc. Il est 11 heures, et à cette époque de l’année, le soleil est déjà haut. Les quelques personnes qui attendent sont regroupées à l’ombre de la guérite des chauffeurs de bus. Je me demande pourquoi je n’ai pas pensé à ma casquette.
Mon rendez-vous se situe à moins de 100 mètres de là: aux Jardins Ouvriers des Vertus. Quand je pousse la petite grille et que je me retrouve entouré de verdure, la différence de température me surprend aussitôt. L’air semble tout simplement plus respirable. «C’est ce que les scientifiques appellent, l’évapotranspiration» m’explique Viviane Griveau-Genest. «Un arbre, c’est cinq climatiseurs».
- Refuge face aux épisodes de fortes chaleurs
Le jardinage pour elle, c’est d’abord une passion familiale. Sa mère et l’un de ses oncles sont diplômés de l’Ecole Du Breuil (l’école d’horticulture de la ville de Paris). C’est ensuite une culture livresque qu’elle s’est forgée pendant ses études à Paris quand elle était loin des plants de tomates, laitues et autres cucurbitacées. Devenue chercheuse, spécialiste de littérature médiévale et enseignante, elle s’installe à Aubervilliers en 2018.
Peu après la naissance de sa fille arrive la canicule. Et à Aubervilliers, «une des villes les plus bétonnées de France», «on la vit très très mal». Elle se retrouve aux urgences pour déshydratation sévère. Avec son mari, elle se met en quête d’un coin de verdure et tombe par hasard sur les Vertus. En février 2020, elle reçoit de la part de l’Association de la Société des Jardins Ouvriers des Vertus le droit d’exploiter une parcelle. Ses 200 m2 de verdure deviennent un laboratoire où elle met en pratique toutes ses connaissances théoriques, et aussi un refuge face aux épisodes de fortes chaleurs.
- «Ce projet, au niveau environnemental, il est mal fait»
Mais au mois d’avril suivant, on lui demande de quitter sa parcelle. Celle-ci fait partie d’une zone des Jardins amenée à disparaître au profit d’une piscine olympique pour les entraînements des athlètes pour les JO de 2024. Viviane Griveau-Genest n’est pas contre la construction d’une piscine – la ville manque d’équipements aquatiques pour les scolaires – mais elle ne comprend pas pourquoi elle doit empiéter sur les Jardins. Et puis, «ce projet, au niveau environnemental, il est mal fait, je le dis brut de décoffrage». Appartenant au collectif Sauvons les jardins ouvriers d'Aubervilliers avec d’autres jardiniers et jardinières, elle propose une alternative réalisée avec l’aide d’un architecte, mais des travaux préliminaires ont déjà commencé, et elle se retrouve sous la menace d’une expulsion.
Grand Paris Aménagement (GPA), maître d’ouvrage de la piscine, a également d’autres projets pour les Vertus: une gare pour la future ligne 15 du Grand Paris Express. Là encore, des parcelles devraient être supprimées. Ces suppressions seront compensées grâce aux friches du Fort d’Aubervilliers, mais «c’est une compensation que le collectif conteste. La compensation réelle, c’est de verdir un endroit qui était bétonné. Ce n’est pas de recaser du vert sur du vert. Sinon, ça veut dire qu’à la fin, il y a moins de vert. C’est mathématique». «La seule idée que ces gens ont, c’est: “on va bâtir, on va encore rajouter du béton”».
- «Vivre avec du vert, c’est beaucoup mieux»
En visite au cœur des Jardins, comme enveloppé de vert, on n’entend presque plus les bruits de la ville. Il fait plus de 30°, mais dans ce cocon végétal, on se sent protégé. A l’heure du changement climatique et des épisodes de forte chaleur à répétition, la perspective d’une diminution des espaces verts s’avère problématique. Pour Viviane, ce problème à un nom: «Le capitalisme effréné qui optimise tous les espaces. Car l’urbanisme effréné, c’est un versant du capitalisme.»
En attendant une éventuelle intervention des forces de l’ordre, le collectif Sauvons les jardins ouvriers d'Aubervilliers a décidé «d’ouvrir» les Vertus: aux scolaires, en organisant des visites pédagogiques, au grand public, en mettant en place des parcelles collectives. Au frais, à l’ombre d’un arbre, Viviane rêve que les Vertus deviennent «un tiers lieu d’agriculture urbaine avec différents formats de jardinage (individuel, partagé, collectif), avec des ateliers sur les plantes tinctoriales, les plantes médicinales. Un lieu où l’on apprendrait les gestes de la culture, avec des arbres fruitiers sur les allées communes pour glaner, où l’on développerait la low tech et profiterait de l’énergie solaire, etc.» Un véritable laboratoire de ville en transition. «Vivre avec du vert, c’est beaucoup mieux».
Photo: Préserver les Jardins ouvriers pour faire face au changement climatique — 20 Minutes
Voir l'article dans son intégralité avec plus d'illustrations et une vidéo: https://www.20minutes.fr/planete/environnement/3069223-20210716-aubervilliers-face-amenagements-jeux-olympiques-faut-battre-dire-non
Thomas Lemoine
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Posté Le : 24/07/2021
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Thomas Lemoine - Publié le 16/07/21
Source : 20minutes.fr