Des scientifiques ont mené des analyses sur le miel de ruches situées au nord-ouest de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Ils y ont constaté des niveaux de plomb jusqu'à 3,5 fois plus élevés qu'avant l'incendie de l'édifice.
Le 15 avril 2019, un violent incendie s'est déclaré à la cathédrale Notre-Dame de Paris. En quelques heures, les flammes ont englouti et détruit intégralement la flèche, la toiture recouvrant la nef et le transept ainsi que la charpente. Mais le sinistre n'a pas fait qu'endommager un monument historique, il a aussi libéré dans l'air des fumées chargées de plomb.
La toiture et la flèche contenaient en effet plusieurs centaines de tonnes de ce métal qui ont fondu durant l'incendie et se sont, en partie, dispersées dans l'environnement sous forme de particules. Sur les quelque 460 tonnes présentes, une quantité estimée à 180 tonnes de plomb n'a pas pu être retrouvée dans les décombres de l'édifice.
Quelques mois après l'incendie, cette pollution a été pointée du doigt, notamment par l'association Robin des Bois qui a accusé les autorités d'avoir tardé à réagir et manqué de transparence. Des prélèvements réalisés dans des écoles parisiennes situées non loin du monument ont mis en évidence des concentrations élevées de plomb et ont conduit à y retarder la rentrée des élèves en septembre.
Ce sont de nouvelles traces de cette pollution que des chercheurs canadiens mettent aujourd'hui en évidence dans une étude publiée par la revue Environmental Science & Technology Letters. Des traces détectées à des endroits inattendus: dans le miel de ruches parisiennes.
- Une trentaine de ruches analysées
Pour cette étude, les scientifiques ont collaboré avec la société parisienne Beeopic qui gère quelque 350 ruches urbaines à travers la capitale. Ils ont ainsi pu obtenir une trentaine d'échantillons de miel collectés en juillet 2019 dans des ruches aux alentours de la cathédrale et en banlieue proche. Ils ont également collecté des échantillons de miel produit à Paris en 2018 et dans la région Rhône-Alpes en 2017.
En évaluant la concentration des métaux, dont le plomb, au sein des prélèvements, l'équipe a mis en évidence de nettes différences. Le miel des ruches situées en aval de l'incendie de Notre-Dame a montré des concentrations en plomb jusqu'à quatre fois plus élevées que celles des échantillons collectés en banlieue parisienne.
Les taux détectés étaient également jusqu'à trois fois et demie supérieurs à ceux trouvés dans le miel parisien datant d'avant l'incendie. Ainsi, la plus grande concentration de plomb - 0,08 microgramme par gramme - a été détectée dans un échantillon d'une ruche localisée à moins de cinq kilomètres à l'ouest de l'édifice. La moyenne pour les ruches situées en aval s'est élevée à 0,023 microgramme.
A titre de comparaison, les concentrations étaient de 0,009 microgramme de plomb par gramme pour le miel parisien antérieur à 2019 et de 0,002 à 0,009 microgramme pour le miel de Rhône-Alpes. Or, d'après les chercheurs, les taux les plus élevés ont semblé correspondre à la distribution du nuage de fumée qui s'est répandu durant l'incendie de Notre-Dame.
"En raison de la façon dont le vent soufflait le soir de l'incendie, la direction dans laquelle le nuage de fumée a voyagé est bien déterminée", a expliqué dans un communiqué, Kate Smith, doctorante de l'Université de Colombie-Britannique (UCB) et principal auteur de l'étude. "Les grandes concentrations de plomb ont été mesurées dans le miel collecté dans les ruches se trouvant dans l'empreinte du nuage".
- Le miel, un précieux indicateur de pollution
Même en milieu urbain, les abeilles peuvent s'éloigner à deux-trois kilomètres de leur ruche, collectant au passage les éventuelles poussières ou particules qu'elles rencontrent dans l'air. Elles peuvent alors les ramener jusque dans leur foyer et dans leur miel. En analysant ce dernier, on peut ainsi obtenir un aperçu précieux de l'environnement qui entoure les butineuses.
"Nous avons pu montrer que le miel est un indicateur utile pour la pollution environnementale durant un incident aussi grave que l'incendie de Notre-Dame", a confirmé Dominique Weis, directeur du Pacific Centre for Isotopic and Geochemical Research (PCIGR) de l'université canadienne et co-auteur de l'étude. Ce serait d'ailleurs la première fois qu'une telle analyse est menée dans une mégalopole comme Paris.
Si l'augmentation de plomb dans le miel parisien peut sembler importante, les taux détectés demeurent inférieurs à la teneur maximale fixée pour ce type de denrées alimentaires par la Commission européenne qui est de 0,10 microgramme par gramme. Ils ne représenteraient pas non plus de risque pour les abeilles, d'après les scientifiques.
"Les concentrations les plus élevées de plomb détectées étaient équivalentes à 80 gouttes d'eau dans une piscine olympique", a affirmé Dominique Weis. "Même si le plomb a donc relativement augmenté, le taux est toujours très faible", a poursuivi la spécialiste qui se trouvait elle-même à Paris lorsque l'incendie s'est déclaré à Notre-Dame. Elle a néanmoins reconnu que le miel pouvait être un signe d'avertissement.
De son côté, Kate Smith interrogée par le New York Times, a jugé que les Parisiens avaient eu raison de s'inquiéter de la pollution au plomb après l'incendie de la cathédrale. "Le plomb est reconnu pour sa toxicité", a-t-elle rappelé. Et "le risque sanitaire ne diminue pas simplement parce que le plomb ne s'est pas déposé récemment".
Avant cette étude, l'équipe avait mené des recherches similaires dans la région de Vancouver au Canada. Ils avaient mesuré les concentrations de métaux dans le miel issu de plusieurs ruches urbaines et démontré déjà le rôle des abeilles comme indicateurs efficaces de pollution.
Photo: L'incendie qui a frappé la cathédrale Notre-Dame a fait fondre et vaporiser en partie les centaines de tonnes de plomb contenues dans la toiture et la flèche de l'édifice. © Stoyan VassevTASS via Getty Images
Par Emeline Férard
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Posté Le : 06/08/2020
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Par Emeline Férard - Publié le 04/08/2020
Source : https://www.geo.fr/