Algérie

Planète (Europe) - Un projet d’autoroute veut bitumer le «grenier de la France»



Planète (Europe) - Un projet d’autoroute veut bitumer le «grenier de la France»


Le projet d’autoroute A154 entre Dreux et Chartres, dont les travaux pourraient débuter en 2024, menace plus de 700 hectares de terres agricoles et de forêt. Agriculteurs et populations se mobilisent.

Challet (Eure-et-Loir), reportage

Au cœur de la vaste plaine de la Beauce, entre Dreux et Chartres (Eure-et-Loir), ondées et soleil se disputent le ciel en cette après-midi d’automne. C’est dans le village de Challet, dans le «grenier à blé de la France», qu’Amandine Dupuy a repris en 2017 la ferme de son père, où elle cultive des céréales en agriculture biologique. Une démarche rare dans cette région acquise à la production intensive.

Non loin de là, la N154, épine dorsale de la région, file tout droit au milieu des champs. Pourtant, d’ici quelques années, cette 2x2 voies, vitale pour les habitants de la région faute d’alternative ferroviaire, doit être privatisée pour devenir l’A154, une autoroute payante.

Dans le même temps, 61 kilomètres d’autoroute et trois viaducs devraient aussi être construits. Selon les opposants au projet, ce sont 660 hectares de terres agricoles et 90 hectares de forêt qui devraient être artificialisés le long de la future autoroute.

- «Les autoroutes ne créent jamais d’emploi: elles les déplacent ou les annulent»

Pour Amandine, cette surface ne serait pourtant que la partie émergée de l’iceberg. «L’artificialisation ne va pas toucher 700 hectares, mais bien plus, affirme-t-elle, citant différents projets qui devraient accompagner l’autoroute, comme un nouveau parc des expositions ou une zone d’activités économiques près de Chartres. Ce qui est fou, c’est que les arguments des collectivités sont toujours économiques, alors que les autoroutes ne créent jamais d’emploi: elles les déplacent ou les annulent. Chez nous, on a des zones artisanales qui ne sont même pas utilisées, mais on veut encore en créer d’autres.»

À l’image de cette agricultrice, ce projet est loin de faire l’unanimité dans la région. D’après une enquête publique menée en 2016, 70 % des 2.000 personnes interrogées s’y étaient même déclarées hostiles.

Alors que les annulations de projets routiers promises en septembre par le ministre délégué chargé des Transports, Clément Beaune, se font attendre, la désignation du concessionnaire de l’A154 serait imminente.

Ainsi, le 17 septembre, le ministre délégué chargé des Outre-mer et ancien député d’Eure-et-Loir, Philippe Vigier, annonçait sur France 3 Centre Val-de-Loire la désignation du concessionnaire avant la fin 2023. Une promesse qualifiée par Amandine et d’autres opposants de «pur mensonge».

- Rachat de terres agricoles

Même si cette autoroute n’est encore qu’hypothétique, les grandes manœuvres ouvrant la voie à sa réalisation ont déjà commencé. «On a demandé aux agriculteurs de mettre à disposition les puits d’irrigation afin que le concessionnaire puisse avoir de l’eau pour construire la route, alors que les quotas d’eau ont baissé de 35 % en six ans en Eure-et-Loir», dénonce Amandine, évoquant une récente réunion avec la chambre d’agriculture du département.

De leur côté, les agglomérations de Dreux, de Chartres et le département d’Eure-et-Loir rachètent depuis plusieurs années des terres agricoles, parfois loin du tracé prévu de l’autoroute, afin de simplifier les négociations foncières une fois le projet lancé, notamment par la réalisation d’échanges avec les agriculteurs. «À mon avis, il n’y a pas encore 600 hectares en stock, mais probablement la moitié», estime Gilles Menou, porte-parole de la Confédération paysanne d’Eure-et-Loir.

La résistance qui s’organise depuis des années pourrait bien prendre de l’ampleur avec la concrétisation du projet. Début octobre, une manifestation était d’ailleurs organisée à Chartres.

«Les animaux et les arbres ne peuvent pas parler, mais on est en train de les tuer, partout, dit Caroline Duvelle, porte-parole du collectif Non A154/A120, qui milite depuis 2022 aux côtés de la fédération d’associations historique de cette lutte. Des pays ont compris qu’il ne fallait plus artificialiser les sols, ils essayent de développer l’existant et ne détruisent plus de surface fertile.» Visiblement pas la France.





Photo: Les opposants à l'A154 ont installé des pancartes le long du tracé prévu. - © Guénolé Carré / Reporterre

Par Guénolé Carré




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