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Planète (Europe/Suisse) - René Longet: «La plupart des Genevois n’ont jamais vu un cerf en liberté de leur vie»


Planète (Europe/Suisse) - René Longet: «La plupart des Genevois n’ont jamais vu un cerf en liberté de leur vie»


La semaine dernière, l’abattage d’un jeune cerf en pleine ville de Genève a créé l’émoi. Un incident qui illustre la sensibilité d’une population urbaine en mal de nature, selon le président de la Commission consultative de la diversité biologique

Un jeune cerf abattu dans un cimetière à la tombée de la nuit. Ce n’est pas l’incipit d’un roman policier, mais la scène qui s’est déroulée le 19 février dernier dans le quartier genevois de Châtelaine. Après avoir tenté de capturer l’animal qui déambulait au milieu des tombes, les gardes-faune ont pris la décision de tirer pour des raisons de sécurité publique. Depuis, la polémique ne cesse d’enfler. Des associations, des habitants et des élus montent au créneau pour demander des comptes à l’Etat, comme le révélait vendredi la Tribune de Genève. Pour René Longet, ancien conseiller national socialiste et président de la Commission consultative de la diversité biologique, l’incident illustre la sensibilité grandissante des citadins envers la nature.

- Le Temps: En Valais, des milliers de cerfs sont abattus chaque année durant la chasse sans que personne s’en émeuve. Pourquoi est-ce différent à Genève?

René Longet: Genève est un canton-ville où la chasse est interdite depuis 1973. Des tirs de régulation sont bien sûr pratiqués, mais sous la houlette de l’Etat uniquement. Des sangliers sont régulièrement abattus pour éviter les dégâts dans les cultures, sans que cela provoque un émoi populaire. Le cerf jouit d’une tout autre image, c’est un animal majestueux, implanté dans l’imaginaire collectif depuis l’enfance. On sait qu’il y a des renards, des fouines en ville, mais la plupart des Genevois n’ont jamais vu un cerf en liberté de leur vie. Et voilà qu’ils apprennent qu’un spécimen a été abattu à deux pas de chez eux! Sans du tout stigmatiser les gardes-faune, l’incident pose la question des bonnes pratiques. Pourquoi en est-on arrivé là? N’y avait-il pas d’autres manières de capturer l’animal? L’Etat doit fournir des réponses techniques claires.

"Plus la nature est symboliquement imposante, plus elle trouve un écho auprès du grand public"
René Longet

- Qu’est-ce que le choc provoqué par cette mise à mort dit du rapport de la population urbaine à la nature?

Ces fortes réactions illustrent un rapport ambivalent à la nature. En milieu urbain, les incursions de la grande faune sont perçues comme exceptionnelles. On l’a vu avec le retour du loup dans le canton. Les citadins expriment le besoin de se rapprocher d’une nature longtemps mise à distance, mais cet intérêt n’est pas toujours proportionnel à la gravité de la situation. On s’inquiète moins de la disparition des insectes avec lesquels les liens émotionnels sont minimes que de la mort d’un cerf qui n’est pas une espèce en danger, ou encore de l’abattage d’un arbre. Plus la nature est symboliquement imposante, plus elle trouve un écho auprès du grand public.

- Des habitants affirment que le cerf en question vivait dans l’une des rares zones non bâties à proximité du cimetière. Quelle place laisse-t-on à ces espaces vierges en ville?

C’est toute la question. Les interactions entre l’être humain et la nature sont rendues de plus en plus difficiles par la pression du développement urbain de Genève. Les zones agricoles et forestières étant heureusement protégées, la densification se concentre sur les zones à bâtir. A mesure que les espaces naturels se restreignent, les incursions de la faune en ville vont se multiplier. Au sein de la commission, notre tâche est d’améliorer la place accordée à la biodiversité, notamment en milieu urbain. Le sujet du cerf, dont la population a augmenté dans certains secteurs, est dans nos radars depuis quelque temps.

- L’incident intervient précisément alors que le Conseil d’Etat lance son plan d’action pour la biodiversité. Le symbole est pour le moins négatif…

On aurait effectivement pu rêver mieux comme point de départ, mais il ne faut pas voir dans cet événement le reflet d’une orientation politique. Il doit toutefois nous faire réfléchir de manière plus large: où va-t-on à Genève en matière de biodiversité? Que fait-on pour redonner une place à la nature en ville? Il est temps, comme la loi le prévoit, que le canton communique largement sur les actions prévues. Les attentes sont réelles au sein de la population. Hier les arbres monopolisaient le débat, aujourd’hui c’est le cerf, le sujet va rester brûlant.


Photo: Le socialiste genevois René Longet en 2017 — © Georges Cabrera

Sylvia Revello
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