Une douzaine de Français, prenant la suite de l'eurodéputé Pierre Larrouturou, ont décidé d’arrêter de s’alimenter pour attirer l’attention sur le désastre écologique en cours, et l’inaction des gouvernements.
- Des citoyens en grève de la faim «pour un avenir possible»
Ils ont «faim de justice sociale et environnementale». Pour que leur cause soit entendue, ils se sont engagés à ne plus manger. «Je ne pouvais plus attendre, il fallait que ça bouge, explique Paul Legras, entrepreneur social à la retraite. Alors, on s’est engagés dans ce mouvement particulier : une grève de la faim.» Journaliste, médecin, ingénieur, maraîcher ou encore ancien élu, ils sont comme lui une douzaine à s’être mis en grève, et à relayer leur action sur les réseaux sociaux. Leur mouvement s’inscrit dans la continuité de celui initié par Pierre Larrouturou, eurodéputé affilié au groupe des Socialistes et démocrates (S&D), qui entame sa troisième semaine de grève de la faim. Une démarche forte mais justifiée vu l’enjeu à leurs yeux: la survie de l’humanité, qui devrait se jouer dans les années à venir.
«Si on se fie aux projections du Giec [Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, ndlr], et que rien ne change, un tiers de la planète risque d’être inhabitable d’ici à 2050», s’alarme Eric Lenoir, paysagiste et pépiniériste.
- «L’élément clé, c’est le pognon»
Le combat de Pierre Larrouturou vise plus spécifiquement à mettre en place une taxe sur les transactions financières (TTF) à l’échelle de l’Union européenne à partir de 2024. Elle devrait rapporter plus de 50 milliards d’euros par an, sans coûter un centime au contribuable, et permettre de débloquer des fonds pour le climat. Cette taxe s’inscrirait dans le budget de l’UE qui doit être voté dans les semaines à venir. Mardi, une avancée semble avoir été trouvée au sujet de la TTF, qui pourrait entrer en vigueur d’ici à 2026, sans que l’on en connaisse les modalités. Mais cela n’est pas suffisant pour l’eurodéputé, qui a décidé de poursuivre son jeûne.
«Ce que réclame Pierre Larrouturou, c’est une taxe ridicule, de seulement 0,1 %, sur les transactions financières, et ça pourrait rapporter gros, développe Eric Lenoir. Mais le gouvernement français la bloque. On nous dit, en somme, qu’on préfère nous laisser crever pour ne pas toucher à la finance.» Eric la Blanche, journaliste et écrivain, auteur du livre Colère! Contre les responsables de l’effondrement écologique, complète: «L’élément clé, c’est le pognon. S’il n’y a pas le budget pour isoler les maisons, améliorer les hôpitaux, replanter des forêts ou essayer de sauver ce qui est encore sauvable, on n’y arrivera pas.»
Il a donc décidé de se mettre lui aussi en grève de la faim pour mettre la lumière sur ce qui se joue dans des bureaux à Bruxelles: «Les vampires, quand on les met à la lumière du soleil, ils meurent. Ces décisions sur le financement de l’écologie à l’échelle européenne, c’est pareil. Elles marchent parce qu’elles restent dans l’ombre.» Alors, il insiste pour que l’opinion publique s’y intéresse, et fasse pression pour que les fonds alloués à l’écologie soient plus élevés. «A chaque COP, il y a des super déclarations, de vraies belles intentions. Mais d’une année à l’autre, rien ne change, on s’en fout complètement et personne ne tient ses engagements, s’insurge Laure Noualhat, ancienne journaliste de Libé, qui travaille depuis vingt ans sur les questions environnementales. En résumé, les objectifs sont ambitieux, et les moyens inexistants. Il faut que ça change!»
- Déçus des actions du gouvernement
Ce discours, tous les citoyens engagés dans la grève de la faim le tiennent. Bien qu’ayant un vécu différent, et une façon d’aborder les choses propres à chacun, ils déplorent tous la faiblesse des politiques engagées en faveur de l’environnement depuis des années. «Emmanuel Macron s’est autoproclamé chef de la Terre lors du G7 à Biarritz. Pourtant, il ne fait rien, et ne tient pas ses engagements. Il fait fi du climat, et on va droit dans le mur», s’énerve Elinka Betinsky, naturaliste et activiste engagée. Un constat que dresse aussi Eric Lenoir: «On a vu la convention citoyenne aboutir à des propositions argumentées, soutenues par des scientifiques. C’est insupportable de voir qu’il n’en sort que dalle. J’ai des gosses, et je ne leur souhaite pas l’avenir qui est en train de se préparer à cause de la passivité des gouvernements.»
Pour que leur action fasse du bruit, et que la taxe sur les transactions financières soit «l’embryon» de forts moyens et de mesures concrètes pour lutter contre le réchauffement climatique, ils comptent donc continuer leur grève. Chacun à hauteur de ses moyens, car il ne faut pas voir en cette mobilisation «un geste suicidaire» mais «un appel à la vie». «Bien sûr qu’on peut sauver le climat, et le monde du vivant, à condition de prendre les mesures nécessaires», assure Elinka Betinsky. Plus nuancée, Laure Noualhat veut quand même y croire: «Même si la chance est infime, ça vaut le coup de tenter.» Ils espèrent désormais voir d’autres citoyens se joindre à cette action qu’ils jurent «apolitique», et soutenir la démarche de Pierre Larrouturou. Comme ces 20.000 personnes qui ont déjà jeûné pendant 24 heures, à l’initiative de l’ONG Avaaz.
Photo: L'eurodéputé Pierre Larrouturou pose avec une pancarte annonçant sa grève de la faim, au Parlement européen à Bruxelles, le 28 octobre 2020. Photo Kenzo Tribouillard. AFP
Julien Lecot
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Posté Le : 26/11/2020
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Par Julien Lecot — 13 novembre 2020
Source : https://www.liberation.fr/