Algérie - Arboriculture

Planète (Europe) - En Grèce, il redonne vie aux amandiers sur l'île de Kéa



Planète (Europe) - En Grèce, il redonne vie aux amandiers sur l'île de Kéa


Alexandros Lymberopoulos, ancien cadre, s’est donné pour mission de faire renaître la culture abandonnée des amandes dans les Cyclades.

Débarqué voilà dix ans à Kéa, Alexandros Lymberopoulos, 46 ans, Athénien pur jus, a fait mieux que se tailler une réputation dans ce petit bout de Cyclades. Il y a gagné un surnom, celui d’o amygdalas, l’homme aux amandes. Un titre qui pourrait paraître anodin dans un pays comme la Grèce, où la production de ce fruit à coque, fortement ancré dans les traditions culinaires et culturelles du pays, remonte au premier millénaire avant notre ère.

Mais qui, en raison des déboires qu’a connus la culture de l’amandier au cours du dernier demi-siècle, s’apparente presque à une marque de mérite agricole. Quatrième fournisseur mondial dans les années 1960, la Grèce a en effet vu sa production divisée par deux, et pointe désormais à la 17e place, loin derrière l’Espagne – première en Europe – et les États-Unis (60 % des amandes mondiales viennent aujourd’hui de Californie).

- Relancer une production nationale en chute libre

Une dégringolade qui a eu deux conséquences: les Grecs, toujours grands amateurs de cette graine, importent désormais la majeure partie de leur consommation; quant aux surfaces agricoles dédiées aux amandiers, elles ont fortement diminué (passant de 42.000 hectares en 1985 à seulement 12.000 hectares en 2017) et se concentrent désormais sur le continent.

Conséquence: cette image d’Épinal du terroir grec, avec ses petites amanderaies sur chaque île et en périphérie de chaque cité a presque disparu. C’est dans ce contexte pourtant peu propice qu’Alexandros, la trentaine à l’époque, s’est pris à rêver de reconversion et de nouvelles racines.

Lui qui avait fait des études de gestion et de graphisme, avant de mener une carrière de cadre administratif hospitalier, cultivait déjà des envies de se mettre au vert. Avec sa femme, dentiste, ils avaient déménagé en banlieue d’Athènes en 2014, pour élever leur fille dans un cadre plus champêtre. Alexandros a alors multiplié les séjours de plongée sous-marine à Kéa, l’île des Cyclades la plus proche de la capitale, moins connue du tourisme de masse que des Athéniens en goguette.

Puis un jour, l’évidence l’a frappé: "Je me revois allongé dans les herbes, alors que le soleil se couchait sur la mer, raconte-t-il. Autour de moi, les papillons volaient, les oiseaux piaillaient. Je me suis senti faire partie de cette terre." Il s’est alors donné pour mission de faire renaître sur l’île la culture abandonnée des amandes.

- Pas de labour, pas d’engrais, pas de sarclage et pas de pesticides

En bon manager, il s’est organisé: il resterait sur l’île et sa famille le rejoindrait chaque week-end. Athènes n’est qu’à une heure de bateau. Il a trouvé tout en haut d’une colline une vieille bâtisse en pierre à retaper, récupéré peu à peu des terrains autour et s’est consacré à ses amandiers. Des variétés locales, qui certes produisent moins que les arbres américains, mais savent se contenter du peu d’eau que le ciel et la terre veulent bien leur donner, là où les amandiers de Californie doivent être maintenus sous perfusion d’arrosage avec des conséquences écologiques graves.

Au début, Alexandros­ a dû lutter contre les éléments contraires, les voisins jaloux, les autorités peu convaincues par son projet. Mais, ce Don Quichotte grec s’est accroché à son rêve, sans dévier d’un pouce de sa philosophie initiale: pas de labour, pas d’engrais, pas de sarclage et pas de pesticides. Du matin au soir, il arpente ses terres, et inspecte un par un "ses en­fants", qu’il a plantés de ses mains, protégeant les jeunes pousses avec des touffes d’herbes piquantes pour garder l’humidité et tenir les rongeurs à distance, coupant les excroissances pour leur permettre de grandir le mieux possible (il faut en moyenne cinq ans pour qu’un amandier se mette à produire des fruits), et entourant ses jeunes plants de valériane, d’origan et de millepertuis, qui, en plus de servir de compagnons aux amandiers, sont récoltés et vendus dans sa boutique.

À force de labeur, il a en partie réussi son pari. Ses 1.200 arbres, arrivés à l’âge adulte, produisent, bon an mal an, 7 à 10 ton­nes de graines, qu’il commercialise dans des emballages en carton dont la forme imite celle de Kéa. Un signe que la culture de l’amandier pourrait retrouver de la vigueur dans les îles grecques? Le combat acharné d’Alexandros pour le démontrer lui a en tout cas valu, dans ce morceau de Cyclades où il a planté ses racines, un autre surnom: o machitis, l’homme qui lutte.







Photo: Une biodiversité unique: La Grèce est dotée d’une richesse végétale unique en Europe, alors ils en profitent. Enquête chez ces Grecs qui ont choisi de quitter leurs villes pour fuir la crise et vivre de ce terroir béni des dieux. © Penelope Thomaidi / Hans Lucas


EFFY TSELIKAS


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