Environ 350 personnes appartenant à des chorales se sont réunies à Détrier, en Savoie, pour protester en chanson contre le Lyon-Turin. Un moyen «d’apporter de la joie dans les luttes», expliquent les choristes.
Détrier (Savoie), reportage
«Dans le fond de la carrière / des choristes révolté·es se sont mis à chanter / un peu caché·es»... Les voix s’élèvent doucement et le chant se diffuse dans les rangs du cortège qui déambule dans le village de Détrier, en Savoie, en cette fin août ensoleillée. Environ 350 personnes se sont rassemblées le 23 août dans ce village pour protester contre le projet de la ligne à grande vitesse (LGV) Lyon-Turin… par le chant. Car ce cortège n’est pas comme les autres: il est composé de chorales militantes, venues de toute la France. Lille, Besançon, Sud-Ouest… Certaines personnes sont venues de loin pour protester contre le projet de liaison ferroviaire transalpine Lyon-Turin.
Dans les mains des choristes, des recueils réunissant des chansons historiques, militantes, féministes ou révolutionnaires: «La Lega», chanson italienne chantée par les ouvrières repiqueuses de riz de la région de Padoue et symbole des révoltes agricoles; «Penn Sardin», chant de révolte des sardinières de Douarnenez, en Bretagne; ou encore «L’Estaca», chanson composée par Lluis Llach pour protester contre l’oppression franquiste en Catalogne, devenue un chant pour la liberté.
. Chants, masques... La lutte peut aussi être joyeuse et fédératrice, montrent les militants. © Maxime Gruss / Reporterre (Voir photo sur site ci-dessous)
«L’idée, c’est de rapporter un peu de joie et de créativité dans les luttes», résume Anouk, une Grenobloise de 25 ans membre de l’organisation du cortège. Les chants révolutionnaires alternent avec des chansons composées spécifiquement pour la lutte contre le Lyon-Turin. L’une d’entre elles rappelle l’un des principaux arguments contre le projet: il existe déjà une ligne ferroviaire entre Lyon et Turin, desservant la vallée de la Maurienne et qui serait largement sous-utilisée. «La ligne existe / Pour 1 milliard d’argent public / Elle a été toute rénovée / Alors il faut l’utiliser», scandent les militantes et militants.
. Près de 350 personnes se sont rassemblées, dont beaucoup avec un masque. © Maxime Gruss / Reporterre (Voir photo sur site cidessous)
- «Montrer le plus bel aspect de cette lutte»
La manifestation des 17 et 18 juin 2023 contre le chantier de la ligne ferroviaire Lyon-Turin, qui avait rassemblé entre 3.000 et 5.000 personnes venues de toute la France et d’Italie, est encore dans tous les esprits. «On nous a présenté comme des écoterroristes, des dangereux», dit Anthony Guilloud avec amertume. Ce jeune pépiniériste, installé sur la commune de Détrier depuis quelques années, est expulsable dans le cadre du chantier du Lyon-Turin. Il a rapidement rejoint la lutte contre le projet, et ce jour-là, il accueille le cortège chanté dans sa pépinière.
. La « déambulation » des activistes. © Maxime Gruss / Reporterre (Voir photo sur site ci-dessous)
Les militantes et militants espèrent donc faire passer leur message en chanson, pour montrer que la lutte peut aussi être joyeuse et fédératrice. «On veut montrer le plus bel aspect de cette lutte, et informer les habitants, qui ne réalisent pas forcément l’ampleur de ce qui se passe en Maurienne», dit Anthony Guilloud. «La chorale, ça prône plein de valeurs: l’intégration, le collectif… Et le chant a un côté rassembleur, tout le monde est le bienvenu», s’enthousiasme de son côté Lutin [*], 28 ans, venu d’une chorale militante de Chambéry.
. De nombreux opposants ont porté un masque. © Maxime Gruss / Reporterre (Voir photo sur site ci-dessous)
Pourtant, malgré leur démarche pacifiste et artistique, le cortège a eu du mal à trouver une terre d’accueil. Selon les organisateurs, plusieurs communes de Savoie ont refusé de les accueillir, les élus locaux ayant tout simplement refusé ou renoncé après avoir subi des pressions.
«Cela pose vraiment question, on ne devrait pas avoir à se cacher et à rester dans l’entre-soi!» s’indigne Carine Gros, habitante de Maurienne et opposante historique du projet, qui raconte qu’il est «de plus en plus difficile, localement, de dire qu’on est contre le projet Lyon-Turin». Alain Sibué, maire de Détrier depuis 2014 et opposé au Lyon-Turin, abonde: «Tous les élus locaux sont pour. Nous sommes vraiment le village de Gaulois dans la vallée…»
1 / 6 (A voir photos sur site ci-dessous)
Notes
[*] Le prénom a été modifié à sa demande.
Photo: Des activistes portant des masques chantent en cœur et dansent lors d’une « déambulation » contre le projet de ligne de train Lyon-Turin dans le village de Détrier, le 23 août 2024. - © Maxime Gruss / Reporterre
Pour voir l'article dans son intégralité avec plus d'illustrations: https://reporterre.net/Des-chants-pour-lutter-contre-la-LGV-Lyon-Turin
Par Raphaëlle Lavorel et Maxime Gruss (photographies)
Nous avons eu tort.
Quand nous avons créé Reporterre en 2013, nous pensions que la question écologique manquait de couverture médiatique.
Nous nous disions qu’il suffirait que la population et les décideurs politiques soient informés, que les journaux et télévisions s’emparent du sujet, pour que les choses bougent.
Nous savons aujourd’hui que nous avions tort.
En France et dans le monde, l’écrasante majorité des médias est désormais aux mains des ultra-riches.
Les rapports du GIEC sont commentés entre deux publicités pour des SUV.
Des climatosceptiques sont au pouvoir dans de nombreuses démocraties.
Nous savons aujourd’hui que l’urgence écologique n’a pas besoin de presse: elle a besoin d’une presse indépendante de toute pression économique.
Chez Reporterre, nous faisons le choix depuis 11 ans d’un journalisme en accès libre et sans publicité.
Notre structure à but non lucratif, sans actionnaire ni propriétaire milliardaire, nous permet d’enquêter librement. Personne ne modifie ce que nous publions.
Mais ce travail a un coût.
Celui des salaires de nos 26 journalistes et salariés.
Celui des reportages menés sur le terrain, au plus près des luttes.
Celui des centaines de milliers de lettres d’info envoyées chaque semaine pour vous informer.
En 2023, 39.257 donateurs ont soutenu Reporterre: ces dons représentent 98% de nos revenus.
Du plus modeste au plus important, ils sont les garants d’un travail journalistique sérieux et indépendant, capable de faire avancer la cause écologique.
Quels que soient vos moyens, nous travaillons pour vous.
Ensemble, nous pouvons agir.
Si vous le pouvez, choisissez un soutien mensuel, à partir de seulement 1 €. Cela prend moins de deux minutes, et vous aurez chaque mois un impact fort en faveur d’un journalisme indépendant dédié à l’écologie. Merci.
Je soutiens Reporterre
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 30/08/2024
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Par Raphaëlle Lavorel et Maxime Gruss (photographies)
Source : https://reporterre.net/