Et si des systèmes construits au Moyen-Age pouvaient faire partie des solutions pour affronter les défis du présent? C'est le cas en Espagne, où des canaux d'irrigation mauresques sont remis en état par des agriculteurs afin de faire face au réchauffement climatique et la désertification qui menace le pays.
On les appelle les "acequias". Ces anciens canaux d'irrigation issus de l'époque musulmane en Espagne se révèlent particulièrement efficaces pour limiter les effets dévastateurs de la sécheresse. Le pays abrite quelque milliers de ces fossés mauresques, creusés au VIIIe et Xe siècles, qui ont alimenté les champs et les villages en eau pendant plusieurs siècles, rapporte le Monde, le 30 novembre.
Similaires aux systèmes d'irrigation traditionnels construits en Amérique du Sud par la civilisation inca, ils permettent de recueillir les eaux de rivières, de pluie, et celles issues de la fonte des neiges, et les préserver dans les nappes phréatiques afin de régénérer les sols, tout en évitant le risque d'évaporation. Une solution peu coûteuse, qui a déjà fait ses preuves dans certaines régions d'Espagne. Alors qu'ils ont été massivement délaissés dans les années 1960, des agriculteurs ont décidé de les remettre en état pour faire face à la sécheresse.
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- L'Espagne, menacée par la désertification et les pénuries d'eau
Cet été 2022, l'Espagne a dû faire face à une sécheresse historique. Tandis que 75% du pays se trouvait menacé par la désertification, les réserves d’eau sont tombées à moins de 40 % de leur capacité, perdant 20 points par rapport à la moyenne des dix années précédentes sur la même période. L'Espagne figure ainsi à la tête des pays d'Europe exerçant le plus de pression sur ses ressources en eau, si bien que d'importantes pénuries sont à craindre dans les prochaines années.
Sur recommandation d'un groupe de chercheurs, une cinquantaine de communautés d’irrigants (NDLR : des regroupements de propriétaires terriens disposant de droits d'approvisionnement en eau), d’Andalousie, d’Estrémadure, de Castille-et-Leon et de Castille-La Manche, ont décidé de les remettre en état. "Grâce aux acequias, nous allons faire en sorte que l’eau s’infiltre dans le sous-sol, comme dans une éponge, et circule lentement dans les nappes phréatiques, au lieu de ruisseler, de dévaler les rivières et de se perdre dans le Tage puis la mer", explique José Antonio Jimenez, secrétaire de la communauté d’irrigants Ocho Caños à la journaliste du Monde.
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- Restaurer les acequias pour lutter contre la sécheresse
L'objectif? Stocker l'eau à l'intérieur des sols afin de les régénérer, la maintenir à bonne température en évitant le risque d'évaporation, et surtout, être en mesure de l'utiliser selon les besoins et pénuries en été. Si le village disposait autrefois d'une centaine d'acequias dans ses alentours, ces dernières ont progressivement été délaissées dans les années 1960 sous les effets conjugués de la construction d'un barrage, de la culture intensive du tabac, et de l'exode rural qui a poussé un grand nombre de bergers a quitté leur terre pour rejoindre les villes.
Depuis 2014, un groupe de chercheurs dirigé par l’archéologue José Maria Martin Civantos restaurent les acequias médiévales de la Sierra Nevada et de l’Alpujarra. Selon le Monde, leurs travaux ont déjà permis de cartographier 24.000 kilomètres de canaux à Grenade et Almeria, et d'en restaurer 90 kilomètres avec l'aide de communautés d’irrigants. "L’effet a été immédiat: une plus grande disponibilité d’eau en été, grâce à la fonction de recharge des aquifères, et la remise en culture de terres abandonnées", détaille l'archéologue au journal. Dans d'autres lieux, ces canaux ont également permis d'éviter l'assèchement des rivières, et ont joué un rôle de coupe feu. Pour rappel, l'Espagne est le pays d'Europe qui a enregistré la plus grande surface brûlée, soit un total de 245.061 hectares. Solution peu coûteuse pour lutter contre la sécheresse, les acequias participent à maintenir la température des rivières à un niveau correct, à enrichir les sols et à préserver les forêts.
- Une solution peu coûteuse basée sur les ressources naturelles
Ces canaux nécessitent toutefois de réunir des conditions précises pour fonctionner, parmi lesquelles une pente suffisante et un sol rocheux recouvert d'une couche perméable qui laisse l'eau s'infiltrer. "C’est le cas des montagnes jeunes comme la Sierra Nevada, de la Sierra de Guadarrama, de certaines zones de la Sierra Morena… En général, presque toutes les montagnes méditerranéennes réunissent ces critères", estime Sergio Martos-Rosillo, chercheur à l’Institut géologique et minier espagnol.
"Cependant, le fait qu’aucun lobby industriel ne peut s’enrichir avec cette technologie low tech, basée uniquement sur les ressources naturelles, rend compliquée la levée de fonds", regrette-il. A l'heure où en France, des collectivités se tournent vers la construction de méga-bassines agricoles fortement décriées par les défenseurs de l'environnement, ces projets collectifs de restauration pourraient insuffler de nouvelles idées...
Photo: Les "acequias sont d'anciens canaux d'irrigation issus de l'époque musulmane dont certains sont toujours actifs, comme ici dans la Sierra Nevada. © Education Images / Contributeur
Pour accéder et lire les articles cités en annexe": https://www.geo.fr/environnement/des-canaux-dirrigation-de-lepoque-musulmane-restaures-pour-lutter-contre-la-secheresse-en-espagne-212794
ELODIE DESCAMPS
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Posté Le : 04/12/2022
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : ELODIE DESCAMPS - Publié le 02/12/2022
Source : https://www.geo.fr/