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Planète (Etats-Unis/Amérique du Nord) - Los Angeles brûle: «C’est le résultat des mensonges de l’industrie fossile»



Planète (Etats-Unis/Amérique du Nord) - Los Angeles brûle: «C’est le résultat des mensonges de l’industrie fossile»

Climatologue, Peter Kalmus a vécu 14 ans près de Los Angeles, avant de partir face aux risques croissants d’incendies. Son ancienne maison vient d’être détruite. Il raconte sa colère, car «les feux n’étaient pas une fatalité».

Peter Kalmus est climatologue à Chapel Hill, en Caroline du Nord. Il se consacre à l’étude des effets des vagues de chaleur sur la santé humaine et les écosystèmes. Ancien chercheur au Jet Propulsion Laboratory de la Nasa, il a quitté Los Angeles en 2022 pour fuir des conditions devenues intenables: sécheresses, incendies et vagues de chaleur extrêmes. Dans une tribune publiée le 10 janvier dans le New York Times, il revient sur la destruction de son ancienne maison d’Altadena par les incendies de Los Angeles. À Reporterre, il exprime sa colère face à l’inaction des dirigeants politiques et à l’irresponsabilité de l’industrie fossile.

- Reporterre — Vous avez vécu à Altadena pendant quatorze ans. Que ressentez-vous en voyant cette région, et votre ancienne maison, réduites en cendres?

Peter Kalmus — C’est un véritable déchirement. J’ai reçu un message de mon ancien voisin me disant que toute notre impasse avait brûlé, à l’exception d’une maison. Notre belle maison, celle où nous avons élevé nos enfants, est partie en fumée. Voir disparaître ces lieux auxquels j’étais attaché — la clinique vétérinaire où était soigné notre chien, la boutique de bricolage où je me rendais chaque semaine, les arbres sous lesquels je faisais des conférences de sensibilisation au climat — c’est comme perdre une partie de soi.

Ce sentiment est amplifié par la colère: ces incendies n’étaient pas une fatalité. Ils sont le résultat direct de décennies de mensonges de l’industrie fossile, de lobbying et d’un mépris systématique pour la science.

- Vous avez choisi de quitter Altadena en 2022. Pourquoi?

Après l’incendie Bobcat en 2020, j’ai compris que rester serait trop risqué. Lors de cet épisode, nous avions préparé nos affaires pour une évacuation qui n’a, heureusement, pas été nécessaire. Mais pendant des semaines, ma famille et moi avons vécu dans une fumée dense qui brûlait nos poumons. Je craignais pour notre santé et, à chaque saison des incendies, je me demandais si nous aurions le temps de fuir. Quand ma femme a reçu une offre d’emploi en Caroline du Nord, nous avons décidé de partir. Cela n’a pas été facile: Altadena était un lieu de vie idyllique, avec sa communauté chaleureuse et ses paysages magnifiques. Mais face à l’accélération de la crise climatique, le choix était évident.

- Vous évoquez dans votre tribune une accélération plus rapide que prévu des dérèglements climatiques. Peut-on encore s’adapter?

Les prédictions climatiques sont prudentes. Ce que nous vivons aujourd’hui dépasse ce que les modèles prévoyaient. Certaines régions du monde deviennent inhabitables: Altadena en est un exemple. À Los Angeles, je pense que les gens reconstruiront dans des zones moins exposées et adopteront des techniques de construction plus adaptées aux incendies. Dans les endroits les plus dangereux, comme les hauteurs des contreforts, il faudra renoncer à vivre. Ce ne sera pas facile, mais s’adapter signifie accepter que certaines pertes sont inévitables.

«S’adapter signifie accepter que certaines pertes sont inévitables»

- Vous dites que pour beaucoup, «l’apocalypse est déjà là». Comment aider ceux qui ont perdu tout repère face à ces catastrophes?

Nous devons apprendre à faire face à ce que nous ressentons. Trop souvent, les gens ignorent leur douleur ou leur chagrin. Pourtant, accepter et partager ces émotions est essentiel pour avancer. C’est pour cela que je conseille de créer des «cercles de deuil», où chacun peut exprimer sa tristesse, sa peur ou sa colère sans jugement. Ces espaces permettent de transformer la douleur en énergie pour agir. Il est aussi crucial de se reconnecter à la science: comprendre les causes des catastrophes, notamment le rôle des énergies fossiles, aide à ne pas sombrer dans le désespoir.

- Vous affirmez qu’«il ne viendra personne pour nous sauver». Que doit-il se passer pour un vrai sursaut collectif?

Les médias ont un rôle fondamental à jouer. Ils doivent enfin dire la vérité, sans détour: la crise est grave, elle empire, et elle est irréversible. Cette situation est le fruit de décennies de désinformation organisée par l’industrie des énergies fossiles. Ces entreprises savaient depuis les années 1970 qu’elles causaient un chaos climatique irréversible, mais elles ont choisi de mentir pour protéger leurs profits. Nous devons exposer ces crimes au grand jour et demander des comptes. Lorsque le public prendra conscience de l’ampleur de cette trahison, je crois qu’un vrai changement pourra se produire.

- Comment réagissez-vous face à ceux qui persistent à nier l’influence du changement climatique, comme le président élu Donald Trump ou son allié Elon Musk?

C’est tragique. Ils ne sont pas capables, refusent de regarder la réalité en face ou de comprendre comment la science fonctionne. Leur ignorance, associée à leur pouvoir, est un véritable danger. Mais il est possible de contrer leur influence: à mesure que les catastrophes climatiques se multiplient, de plus en plus de gens réalisent que nous vivons une urgence sans précédent. Il est essentiel de construire des ponts avec ces personnes, quelles que soient leurs opinions politiques, pour les mobiliser face à l’inaction des puissants.

Une fois que l’on acceptera la réalité de nos pertes, et que l’on identifiera collectivement ceux qui l’ont provoquée et en ont profité, la colère déferlera, aussi violente que les vents de Santa Ana.

- Est-il encore possible d’éviter le pire?

Nous ne pouvons pas revenir en arrière. Les dégâts causés par le réchauffement climatique sont irréversibles. Mais il n’est pas trop tard pour limiter la gravité de la crise. Cela exige de mettre fin, sans délai, à l’industrie des énergies fossiles. Chaque fraction de degré de réchauffement évitée compte. Plus tôt nous agirons, moins les souffrances seront grandes.

- Les incendies de Los Angeles symbolisent-ils, d’une certaine façon, ce qui affecte déjà et ce qui attend d’autres communautés dans le monde?

Absolument. Los Angeles est l’une des plus grandes villes du monde, et la voir brûler marque un tournant. Cela montre que nous sommes entrés dans une phase plus grave de l’urgence climatique. Ce qui se passe ici est un avertissement pour le reste du monde. Personne n’est à l’abri.





Photo: Des pompiers à Altadena, près de Los Angeles, le 10 janvier 2025. C'est là que vivait le climatologue Peter Kalmus avant de fuir, il y a quelques années, à cause du changement climatique. - © David Pashaee / Middle East Images / Middle East Images via AFP

Par Alexandre-Reza Kokabi




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