Dans les forêts de montagnes d'Afrique, la hausse de température provoquée par la déforestation (1,37 degré Celsius) a dépassé celle attribuée au seul changement climatique d'origine humaine, ont calculé des scientifiques finlandais, allemands et éthiopiens. Le cycle de l'eau est également perturbé.
Rêve d'alpiniste, son ascension est la promesse de sensations fortes. Le mont Kilimandjaro est le point culminant d'Afrique, à 5.895 mètres d'altitude. Avec la fonte de ses neiges éternelles, la blancheur du sommet tanzanien tend toutefois à s'effacer.
Ce que l'on sait moins, c'est que ce monument naturel avait déjà en partie perdu une autre nuance dans sa palette: le vert. Depuis la fin du XIXe siècle, la moitié de sa forêt a en effet disparu. Nombre de reliefs africains ont d'ailleurs subi un sort similaire.
Une nouvelle étude estime à 18 % la perte de forêts de montagnes sur l'ensemble du continent entre 2003 et 2022 (Abera et al., Nature Communications, 14 août 2024). Or, la déforestation au cours des deux décennies y a fait grimper la température de l'air de 1,37 degré Celsius, soit davantage que le seul changement climatique accéléré par l'homme, comparent les auteurs.
- Quand le pont entre le ciel et la terre s'effondre
Dans le même temps, la base des nuages au-dessus des forêts montagneuses africaines s'est élevée de 236 mètres, d'après leur calcul. Et cela n'est pas sans conséquence.
En temps normal, les nuages entrent en contact direct avec la canopée, c'est-à-dire avec la strate supérieure des forêts. Les gouttelettes d'eau se déposent alors sur les feuilles et ruissellent jusqu'à la terre, explique le Professeur Petri Pellikka, chercheur à l'université d'Helsinki et coauteur de l'étude (communiqué). C'est ainsi que la montagne sert de "château d'eau" pour les habitants des plaines.
En revanche, en l'absence d'arbres échangeant de l'eau avec l'atmosphère (évapotranspiration), la base des nuages se trouve plus haut, le contact est donc rompu, et le ruissellement s'interrompt. "Cela a des conséquences profondes sur les réserves en eau et sur la biodiversité", alerte ainsi le Professeur Dirk Zeuss de l'université de Marbourg en Allemagne.
- Grimper pour trouver de la fraîcheur: c'est peut-être fini
Par ailleurs, dans les cas où la déforestation dépasse un certain seuil (perte de couverture forestière de 70 % par kilomètre carré), le réchauffement qui en résulte vient annuler la relation généralement négative entre l'altitude et la température. Autrement dit, il ne suffit plus forcément de grimper pour trouver de la fraîcheur.
"Les résultats appellent à une action urgente, car la déforestation des montagnes induite par l'expansion des terres cultivées et l'exploitation forestière menace gravement la biodiversité et les services écosystémiques, tels que l'approvisionnement en eau en Afrique", souligne Temesgen Abera, premier auteur de l'étude.
La pénurie d'eau potable dans le monde est plus grave que ce que l'on pensait, avait déjà conclu une étude parue il y a quelques semaines (Jones et al., Nature Climate Change, mai 2024) calculant que 55 % de la population mondiale n'a pas accès à suffisamment d'eau propre pendant au moins un mois par an. La perte des forêts de montagnes y a probablement contribué.
Photo: En montagne, la déforestation intensifie le changement climatique et prive d'eau les habitants des plaines: Le mont Kilimandjaro est le point culminant d'Afrique, à 5.895 mètres d'altitude. GEO
NASTASIA MICHAELS
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Posté Le : 22/08/2024
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : NASTASIA MICHAELS - Publié le 20/08/2024
Source : https://www.geo.fr/